La suicidalité n’est pas uniforme: ses sous-types peuvent mener à un meilleur diagnostic

Une étude exploratoire sur l’utilisation de quatre sous-types théoriques de comportements suicidaires dans le cadre des soins de santé mentale d’urgence montre des résultats prometteurs.Cette étude quantitative et qualitative, publiée dans la revue BMC Psychiatry a examiné ces sous-types en lien avec les mécanismes menant aux pensées suicidaires.L’étude a abouti à des résultats satisfaisants en termes de faisabilité et de facilité d’utilisation du questionnaire SUICIDI-2 pour classer les patients à risque dans ces sous-types.«Les mécanismes dits de piégeage jouent un rôle crucial dans la suicidalité, comme le décrit le modèle intégré de vulnérabilité au stress et le modèle de piégeage développés dans le cadre de la directive néerlandaise sur le suicide et les comportements suicidaires», écrivent les auteurs. «Le piégeage est décrit comme la sensation d’être pris au piège: plus ce sentiment est fort, plus le risque d’actes suicidaires est élevé».Les quatre sous-types théoriques menant au piégeage sont la désintégration perceptuelle (PD), la cognition dépressive primaire (PDC), le trouble psychosocial (PT) et la communication ou l’adaptation inadéquate (IC), que les chercheurs considèrent comme un type grave de suicidalité. «Une adaptation inadéquate ne devrait jamais être une raison pour justifier un refus de soins.» Les auteurs espèrent que la différenciation des formes de pièges menant à la suicidalité permettra d’améliorer la pratique clinique grâce à une meilleure évaluation des risques et à un meilleur pronostic, de même qu’elle favorisera une recherche scientifique plus précise. Les sous-types de suicidalité peuvent également clarifier dans quelle mesure les professionnels de la santé mentale sont responsables de la prévention de l’escalade des comportements suicidaires.«La suicidalité est un phénomène hétérogène, apparemment incohérent, et ce n’est pas un symptôme psychiatrique clairement défini», écrivent les auteurs. Elle apparaît comme un symptôme dans deux classifications psychiatriques — le trouble dépressif majeur et le trouble de la personnalité limite (borderline) — dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5). Cependant, la suicidalité est un symptôme fréquent dans d’autres diagnostics psychiatriques, tels que le syndrome de stress post-traumatique, les troubles du sommeil et les troubles de l’adaptation. Selon l’étude, le suicide est la première cause de décès non naturel dans le monde. Au Canada, le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes (de 15 à 34 ans), selon le site web de l’Association canadienne pour la prévention du suicide.Dans le cadre de l’étude, trois psychiatres et trois infirmières ont examiné séparément 25 lettres de sortie anonymisées de patients suicidaires en situation d’urgence qui ont été envoyées à des médecins généralistes entre janvier et mars 2018. Les cas ont ensuite été classés dans les sous-types proposés à l’aide du questionnaire SUICIDI-2.«Les coefficients de corrélation intraclasse (CCI) pour les variables absolues/discrètes et dimensionnelles ont été calculés pour examiner la facilité d’utilisation du modèle et la faisabilité de l’instrument», écrivent les auteurs.Lire aussi: Êtes-vous prêt à affronter des situations médicales déstabilisantes?RésultatsTous les évaluateurs ont pu classer les cas par sous-types. La mesure moyenne de la fiabilité était bonne pour les sous-types. Pour les scores dimensionnels, d’excellentes mesures moyennes ont été trouvées pour le sous-type PDC, et de bonnes mesures moyennes pour les sous-types PD, PT et IC, écrivent les auteurs. «La fiabilité du score dimensionnel de l’outil SUICIDI-2 était relativement plus faible qu’une autre notation dimensionnelle, mais présentait de bonnes valeurs ICC pour tous les sous-types.» Il y a eu quelques évaluations incohérentes entre les examinateurs. Par exemple, un évaluateur a évalué la désintégration perceptuelle (DP) relativement souvent. Selon lui, «l’alcoolisme et la toxicomanie faussent la perception et l’évaluation de la situation dans laquelle se trouve une personne et peuvent affecter le processus suicidaire/la suicidalité», écrivent les auteurs. Pour améliorer la cohérence entre les évaluateurs, il est important de leur expliquer clairement le rôle de l’étiologie sous-jacente du piégeage, selon les chercheurs. Ils donnent l’exemple d’une personne ayant des dettes de jeu et se retrouvant au chômage, dont le conjoint n’est pas au courant de la situation, et qui s’enivre. En raison de l’état d’ébriété de la personne, l’évaluateur peut percevoir cela comme une désintégration perceptuelle. Lire aussi: Patients aux idées suicidaires: l'appel lancé aux médecins et pharmaciens«Cependant, dans ce cas, le trouble psychosocial induit par l’abus d’alcool est le véritable déclencheur sous-jacent de l’apparition du piège. En tant que cliniciens, nous constatons que la consommation de substances (telles que les substances psychédéliques) est probablement responsable de la suicidalité au niveau individuel, mais nous ne pouvons pas tirer de conclusions pour le groupe en général.» Les auteurs ajoutent qu’il n’existe pas de preuve claire et nette du lien entre les substances et la suicidalité, mais que cette question pourrait être étudiée dans le cadre de futures recherches. L’étude est limitée par la petite taille de l’échantillon et le chevauchement des sous-types. Pour clarifier les différences entre les sous-types, le questionnaire SUICIDI-3 a été développé. «Des recherches futures sur des échantillons plus importants et plus variés de sujets (jeunes, personnes âgées, toxicomanes) et d’autres évaluateurs que dans l’étude actuelle pourraient révéler comment le chevauchement se répartit et si les sous-types sont cohérents dans le temps, ou si une (sous-)différenciation plus poussée des types ou l’ajout de sous-types sont nécessaires», écrivent les scientifiques. «Il est également important d’étudier les caractéristiques cliniques et démographiques associées aux sous-types afin de parvenir à les identifier de manière plus fiable», précisent-ils.Cette étude s’est intéressée à la suicidalité dans les soins d’urgence, mais les chercheurs notent que la majorité des suicides se produisent sans l’intervention des services de soins de santé mentale. Des études de suivi pourraient permettre de mener des recherches sur ce groupe. «Le modèle pourrait être utile pour les autopsies psychologiques de personnes qui n’ont pas eu accès à des soins spécialisés et pour déterminer s’il existe une différence entre les subdivisions et les différenciations des suicides au sein des services et les suicides en dehors des services de santé mentale», indiquent les auteurs.

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