La Société canadienne de pédiatrie publie un document de principes sur les jeunes transgenres et de diverses identités de genre

La Société canadienne de pédiatrie vient de publier un document de principes sur les soins prodigués aux jeunes transgenres et de diverses identités de genre (TDIG). Il a pour but d'aider les pédiatres et les prestataires de soins primaires «à adopter une approche d’affirmation pour la prestation des soins réguliers à tous les jeunes». Il fournit également une multitude d'informations aux prestataires qui souhaitent traiter les patients avec des inhibiteurs d’hormones et des hormones d'affirmation de genre. Un nombre croissant de jeunes s'identifient comme transgenres ou de genre différent, ce qui crée une demande accrue de soins pédiatriques liés au genre. Mais les professionnels de la santé n'ont souvent pas la formation, les connaissances et l’aisance nécessaires pour s'occuper d'eux. La Société canadienne de pédiatrie (SCP) recommande que «les soins d’affirmation de genre soient considérés comme la norme des soins chez les jeunes TDIG» et que les professionnels de la santé adoptent une approche affirmative envers tous les enfants et adolescents. Ils devraient également se former adéquatement pour conseiller les enfants TDIG sur les possibilités de soins médicaux adaptés ou les orienter vers de tels soins si cela n'est pas possible. Les programmes canadiens de formation en pédiatrie et en surspécialité pédiatrique devraient également, selon la SCP, offrir davantage de formation sur ces soins. La déclaration (consultable ici) indique par ailleurs que les professionnels qui ont les connaissances et les compétences nécessaires peuvent initier les traitements de blocage des hormones et la thérapie hormonale d'affirmation du genre puis suivre les jeunes TDIG concernés. La déclaration mentionne aussi que les prestataires de soins de santé devraient plaider en faveur d'un accès rapide aux soins spécialisés liés au genre et pour que les écoles et les activités extrascolaires soient sûres et inclusives pour les enfants TDIG. Les jeunes TDIG au Canada Des études menées dans des pays à revenu élevé estiment qu'entre 1% et 4% des adolescents s'identifient comme transgenres, et une étude récente portant sur l'identité de genre, mais n'utilisant pas le terme «transgenre» auprès de jeunes d'âge scolaire, a montré que 9,2% des enfants interrogés ont déclaré qu'il y avait une différence entre le sexe qui leur a été assigné à la naissance et le genre qu'ils ressentent. Les jeunes transgenres sont plus susceptibles de souffrir de dépression, d'anxiété et de troubles alimentaires, et de s'automutiler ou de se suicider. Cela serait dû en partie au stress lié à l’appartenance à un groupe minoritaire dont l'identité est stigmatisée; les jeunes TDIG canadiens, par exemple, font état de niveaux élevés de harcèlement et de violence. Le soutien des parents, des transitions sociales précoces pour ceux qui le souhaitent et des interactions inclusives et non moralisatrices avec le système de santé peuvent atténuer certains des risques d'effets néfastes sur la santé. Lire aussi: Les jeunes transgenres plus à risque d'idées suicidaires et de tentatives Comment l'identité de genre se développe-t-elle? L'identité de genre apparaît pour la première fois dans la petite enfance: à l'âge préscolaire, les enfants reconnaissent les rôles de genre, jouent souvent avec des jouets stéréotypés associés à leur sexe et se lient d'amitié avec des enfants du même sexe. Les professionnels de la santé doivent encourager leurs parents à créer un environnement sûr pour l'exploration du genre et à «ne pas faire de suppositions sur l'identité sexuelle future», précise la SCP. Des recherches récentes suggèrent que certains enfants sont conscients de l'inadéquation entre leur identité de genre et le sexe qui leur a été assigné dès l'âge de deux ou trois ans. À l'âge de six ou sept ans, la compréhension du genre par les enfants inclut l'idée qu'il s'agit d'une identité distincte de leurs caractéristiques externes et apparences. De nombreux enfants continuent d'aimer leurs amis du même sexe et les jouets stéréotypés tout au long de l'enfance, mais ils peuvent avoir une expression extérieure atténuée de leur genre. À cet âge, certains enfants TDIG peuvent manifester un fort sentiment d'identité de genre et préférer les camarades, les objets et les activités qui correspondent au genre auquel ils s'identifient. D'autres ne sont pas conscients de la différence entre le sexe qui leur est assigné et celui qu'ils ressentent jusqu'à la puberté ou plus tard. La capacité des enfants à comprendre le genre devient de plus en plus sophistiquée au fur et à mesure qu'ils vieillissent, la puberté étant particulièrement importante. Cette période peut déclencher une réflexion sur la concordance entre le genre assigné et le genre vécu par le jeune. Qu'est-ce que la dysphorie de genre? La dysphorie de genre est la détresse qui peut résulter d'une différence entre le genre vécu par un individu et le sexe qui lui a été assigné à la naissance. La dysphorie de genre est incluse dans le DSM-5-TR, mais son inclusion fait l'objet d'un débat permanent, selon le document de principes de la SCP, qui explique que «certains soutiennent que l’inclusion de ce terme favorise une vision binaire du genre et pathologise la diversité de genre de manière à perpétuer la stigmatisation. D’autres prétendent que son inclusion encourage l’accès à des services appropriés». Les critères de diagnostic comprennent une discordance marquée entre le sexe vécu et le sexe exprimé pendant au moins six mois, qui se manifeste de six manières différentes sur huit, et qui affecte des domaines de fonctionnement importants, tels que la scolarité. Étant donné que les enfants prépubères qui font l'expérience de la diversité de genre peuvent cesser de la vivre à l'adolescence et que les interventions médicales ne sont pas recommandées pour les enfants avant la puberté, l'utilité d'un diagnostic de dysphorie de genre ou de discordance de genre chez les jeunes enfants «est particulièrement controversée», signale la déclaration. Les adolescents qui s'inquiètent d'une dysphorie de genre doivent pouvoir bénéficier en temps utile d'un soutien psychosocial et d'une évaluation diagnostique. Le fait de se présenter pour des soins médicaux à un âge plus jeune et à un stade pubertaire plus précoce a été associé à des taux plus faibles de problèmes de santé mentale. Les jeunes chez qui l'on diagnostique une dysphorie de genre doivent être rassurés sur le fait que ce terme caractérise la détresse liée au fait que le sexe assigné à la naissance ne correspond pas au genre identifié, et qu'il ne s'agit pas d'une identité de genre «pathologique». Les tentatives visant à modifier l'identité de genre d'un jeune, telles que les thérapies de conversion, sont néfastes et doivent être évitées. Soins de santé affirmant le genre Les cliniciens sont encouragés à créer un espace accueillant en affichant une déclaration de mission qui énonce l'engagement à fournir des soins inclusifs; en ayant des affiches dans la salle d'attente qui montrent des jeunes ayant une expression de genre différente; en s'assurant que les formulaires d'admission et les questionnaires comprennent diverses options pour les requêtes sociologiques; en désignant les salles de bain comme étant neutres du point de vue du genre; et en demandant au personnel médical de se présenter avec leur nom et leurs pronoms. Ils devraient également utiliser un langage inclusif, par exemple en prévoyant un endroit où noter les prénoms et pronoms préférés dans le dossier médical du patient et en veillant à les utiliser. Le personnel doit être formé au langage inclusif. L'utilisation de termes neutres - par exemple, demander «Avez-vous une relation amoureuse ?» ou «Qui compose votre famille?» - permet d'éviter les suppositions, et un langage non sexiste peut être utilisé lors d'un examen physique, en disant par exemple «organes génitaux» au lieu de «pénis» ou «vagin». Lire aussi: Prescrire des hormones sexuelles: guide pragmatique pour 2023 Il convient de demander des précisions sur le langage utilisé, par exemple: «Comment aimeriez-vous que je parle de votre sexe?» au lieu de «Vous identifiez-vous comme homme, femme ou non-binaire?» Si le professionnel de la santé commet une erreur de langage, il doit remercier le jeune de l'avoir signalée, s'excuser et se corriger. Ils doivent également fournir des soins adaptés aux adolescents, ce qui nécessite d'impliquer les jeunes dans tous les aspects de leurs soins, de garantir la confidentialité, mais aussi d'en examiner les limites avec les jeunes et les soignants, de reconnaître la façon dont les expériences de vie et de santé d'un adolescent s'entrecroisent et de passer du temps seul avec le patient lors de chaque visite. Il s'agit également de soutenir les efforts visant à renforcer la relation parent-enfant dans la mesure du possible, car les jeunes TGID qui bénéficient du soutien de leurs parents ont une meilleure santé mentale, notamment un risque de suicide plus faible. Les adolescents peuvent être encouragés à faire preuve de confiance en soi et à faire preuve d’auto-réflexion. «Le professionnel de la santé ne doit jamais adopter une approche d’affirmation prescriptive, mais plutôt aider l’adolescent à déterminer la trajectoire qui correspond le mieux à ses objectifs, ainsi qu’à progresser dans cette trajectoire par une auto-exploration facilitée et une prise de décision conjointe», explique la SCP. On peut demander aux jeunes: «Comment décrivez-vous votre identité de genre?». Pour les jeunes TGID, la SCP recommande de poser des questions HEADSS, qui incluent des questions sur la maison, l'alimentation, les drogues, la sexualité et la sécurité. La déclaration de principe fournit des exemples de questions qui pourraient être utilisées pour les jeunes TGID, telles que: «Vous arrive-t-il de restreindre ou d'augmenter ce que vous mangez pour changer l'apparence de votre corps afin qu'il corresponde mieux à votre identité de genre»; «Êtes-vous en mesure d'exprimer votre genre en toute sécurité à l'école»; ou «Si tu consommes des substances, est-ce que cela est lié à des sentiments concernant ton genre?» Soins cliniques tenant compte de l'appartenance sexuelle Le document contient des informations sur les composantes cliniques des soins d'affirmation du genre. Certains jeunes se contenteront d'une transition de type sociale, tandis que d'autres seront intéressés par des interventions médicales visant à affirmer leur identité sexuelle. Le document de principes couvre les inhibiteurs hormonaux, y compris huit d'entre eux qui sont les plus courants. «Au départ, sur le plan clinique, la prescription d’inhibiteurs d’hormones vise à donner au jeune le temps d’explorer son identité de genre sans ressentir la pression ou la détresse liée au développement continu des caractéristiques sexuelles secondaires ou à des expériences genrées comme les menstruations ou les érections», souligne le document. Les adolescents TGID qui ont bénéficié d'une inhibition hormonale dans le cadre d'une approche multidisciplinaire ont une meilleure santé mentale et un meilleur fonctionnement psychosocial, y compris moins d'idées suicidaires tout au long de leur vie. Lire aussi: Personnes transgenres aux É.-U.: les médecins face au manque de formation Les risques comprennent le ralentissement de la densité minérale osseuse, qui s'inverse partiellement lorsque les inhibiteurs hormonaux sont arrêtés et qu'une thérapie hormonale d'affirmation du genre commence ou que les stéroïdes sexuels endogènes reprennent. Les médecins doivent également parler aux adolescents du maintien de la fertilité, car elle ne peut pas être réalisée sous traitement hormonal ou au début de la puberté, ce qui pourrait influer sur leur décision concernant le choix du timing. Pour les adolescents qui choisissent de suivre plus tard des traitements d'affirmation du genre, le fait de prendre des inhibiteurs d'hormones empêche l'apparition de caractéristiques sexuelles secondaires irréversibles, qui pourraient rendre plus difficile une transition chirurgicale ultérieure, et permet de réduire les doses d'hormones d'affirmation du genre pour ces adolescents. La SCP couvre également la thérapie hormonale d'affirmation du genre qui utilise des esters de testostérone pour créer une apparence plus masculine et du 17β-estradiol pour une apparence plus féminine. Cette thérapie ne devrait être proposée qu'aux adolescents chez qui l'on a diagnostiqué une dysphorie de genre ou une discordance de genre et qui sont en mesure de comprendre et d'apprécier les avantages et les risques de ces traitements. Les problèmes psychologiques, médicaux ou psychosociaux coexistants, qui risquent d'interférer, doivent être traités en premier lieu afin de s'assurer que le jeune est suffisamment stable pour commencer le traitement. Bien que ces thérapies soient considérées comme sûres, elles peuvent présenter des risques pour la santé à court et à long termes. Les professionnels de la santé qui envisagent de les prescrire doivent se familiariser avec ces risques et les recommandations en matière de suivi. Ceux qui n'ont pas les compétences ou les connaissances nécessaires pour le prescrire doivent orienter leurs patients vers des collègues qui peuvent le faire. Ces médicaments entraînent des changements réversibles, comme la redistribution des graisses et les fluctuations de l'humeur, et irréversibles, comme une accentuation de la voix et le développement des seins. Lorsqu'elle est initiée de manière appropriée, l'hormonothérapie d'affirmation du genre est associée à une meilleure perception du bien-être et de la santé mentale, à une diminution du risque suicidaire et à une réduction de l'insatisfaction corporelle. Il convient de préciser aux adolescents qu'il ne s'agit pas d'une forme de contraception. Enfin, les adolescents sont moins enclins que les adultes à recevoir une chirurgie d'affirmation du genre. Néanmoins, les prestataires de soins pédiatriques doivent connaître les opérations les plus courantes et être en mesure d'en parler aux adolescents qui s'y intéressent. La plus courante est la masculinisation de la paroi thoracique, appelée «chirurgie du haut». La «chirurgie du bas», qui peut comprendre la création d'un phallus, l'hystérectomie ou la vaginoplastie, est réservée aux personnes de plus de 18 ans.

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