La santé cardiaque des femmes sous le stéthoscope

Cœur + AVC a publié au début du mois de février un rapport au titre-choc Défaillance du système : en raison des inégalités en matière de soins de santé, la santé cardiaque et cérébrale des femmes continue d’être négligée. Dirigé par Dr Kara Neremberg, titulaire de la Chaire sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes pour chercheur en milieu de carrière de Cœur + AVC, ce rapport met de l’avant les inégalités qui persistent au sujet de la santé cardiaque des femmes. Les maladies du cœur et l’AVC représentent les principales causes de décès prématuré chez les femmes. «En 2019, les maladies du cœur et l’AVC ont fauché la vie de 32 271 femmes au pays. C’est 1 femme toutes les 16 minutes», peut-on lire au début du rapport. Or, les symptômes de crise cardiaque passent inaperçus chez la moitié des femmes qui en subiront une. Les chercheurs de tout le pays se mobilisent ainsi pour remettre les pendules à l’heure et surtout pour sonner l’alarme pour une meilleure prise en charge de la santé cardiaque des femmes. Défaire les stéréotypes «La pandémie a exacerbé les disparités et les inégalités de santé, explique la Dre Nerenberg. Quand on pense crise cardiaque, on pense davantage à un homme d’un certain âge, blanc… Pour mettre la prévention de l’avant, il faut reconnaître que les femmes souffrent autant de maladies cardiaques que les hommes, et même plus», poursuit-elle. Les facteurs de risque s’accumulent dans la vie des femmes. Ceux-ci sont cependant moins connus, car ils réfèrent à leur parcours de vie plutôt qu’à leurs habitudes de vie: statut économique, grossesse, ménopause, dépression, stress, accès aux soins de santé, etc. «Les femmes ne sont jamais en retard pour les rendez-vous de leurs enfants et vont souvent même reporter leurs rendez-vous médicaux pour répondre aux besoins de leur famille. C’est un facteur de risque à considérer dans la prévention de la santé cardiaque des femmes», explique la Dre Nerenberg. Des recommandations en trois axes Le rapport établit des recommandations basées sur trois piliers: la recherche, la sensibilisation et l’éducation du public ainsi que le parcours de soin de santé. Dans la recherche, la Dre Nerenberg mentionne l’importance de travailler à recruter davantage de femmes dans les études cliniques. «Dans les écoles de médecine, on enseigne la cardiologie sur des études où la majorité des participants sont des hommes. Les symptômes ne sont pas les mêmes. Nous sommes dans une situation de sous-reconnaissance du problème. Les professionnels n’arrivent pas à effectuer une bonne prise en charge des femmes parce qu’on ne leur montre pas comment le faire», poursuit la médecin de l’Alberta. Or, il ne faut surtout pas blâmer les femmes pour la sous-représentation dans les études. «Il y a des barrières qui empêchent les femmes de participer aux recherches, aux études. Il faut se demander pourquoi elles ne participent pas et développer de nouvelles stratégies de recrutement adaptées aux femmes», estime la Dre Jessica Forcillo, chirurgienne cardiaque au CHUM. La sensibilisation et l’éducation du public sont primordiales afin de travailler sur la prévention des maladies cardiaques chez les femmes. Non seulement auprès du public, mais aussi auprès des professionnels de la santé. «Comme les symptômes de maladies cardiaques sont différents chez les femmes, elles ne reçoivent souvent pas les mêmes soins de santé pour la même pathologie. On pense souvent à l’anxiété ou la dépression avant les maladies cardiaques lorsqu’on regarde les symptômes», détaille la Dre Nerenberg. Elle croit que les maladies cardiaques doivent être plus haut dans la liste des diagnostics potentiels à chaque dois qu’une femme entre dans un bureau de consultation médicale. Améliorer le parcours de santé Ce qui mène au troisième pilier de recommandations : le parcours de santé. «Le besoin initial n’est pas répondu : la santé de la femme est prise en charge en silo, elle n’est pas intégrée dans son parcours de vie, décrit la Dre Forcillo. Seulement 20 % des médecins de famille et des cardiologues généralistes sont à l’aise de traiter la santé cardiovasculaire des femmes», détaille-t-elle, ajoutant que la situation doit s’améliorer en outillant les médecins dans la prise en charge et le traitement des maladies cardiaques chez les femmes. C’est la raison pour laquelle la clinique CardioF a été créée. Ce centre surspécialisé en santé cardiovasculaire de la femme souhaite établir des liens avec la cardiologie générale et les médecins de famille. «On veut aider les professionnels dans la reconnaissance des différences hommes femmes, des facteurs de risque spécifiques aux femmes pour mieux comprendre et prendre en charge la santé vasculaire des femmes», expose la Dre Forcillo. Pour la chirurgienne cardiaque, on ne peut pas continuer de faire ce qu’on fait en ce moment. «Il faut améliorer la prise en charge, sensibiliser les ministères, le gouvernement, les professionnels de la santé à soutenir des initiatives comme la nôtre. Il faut développer des programmes dans le plus de centres possible, créer des cliniques satellites afin qu’elles deviennent des ressources pour traiter les femmes dans leur région.» Pour la Dre Forcillo, la clé du succès pour y parvenir repose sur la collaboration de tous les intervenants.

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