La nature, alliée de la réadaptation cardiaque

À partir de cet automne, les patients pris en charge à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) et leurs proches vont pouvoir bénéficier d’un nouveau programme de réadaptation cardiaque. D’une durée de huit semaines, il allie marche en sentiers, exercices de yoga, techniques de pleine conscience et discussions sur l’adaptation à la maladie cardiovasculaire en petit groupe de huit à dix personnes, à raison d’un rendez-vous hebdomadaire d’une durée de trois heures environ. Chaque semaine, les participants visiteront un parc-nature différent sur l’île de Montréal, encadrés par une travailleuse sociale et sous la supervision d’un kinésiologue qui veillera à la sécurité de l’activité. Ce programme original est le fruit d’un projet pilote mené à l’hiver et au printemps derniers par la travailleuse sociale Ariane Tanguay Doyon, dans le cadre de son stage de maîtrise effectué à la direction de la prévention de l’ICM. «La nature est un outil assez récent en travail social et en relation d’aide», explique-t-elle en soulignant que la littérature scientifique a démontré ses bénéfices: amélioration de la communication, de l’estime de soi, sentiment d’auto-efficacité, de contrôle, etc. Au-delà de son intérêt personnel et professionnel pour l’écothérapie, «j’ai voulu tester cette approche auprès d’une autre patientèle», signale la professeure de yoga et de méditation.La direction de la prévention de l’ICM n’a pas été difficile à convaincre. En 2021, elle a réalisé pour le compte de la Sépaq (la Société des établissements de plein air du Québec) une recension des études probantes qui démontrent les bienfaits de la nature sur la santé globale. «L’exposition à la nature n’est pas qu’une mode, il y a toute une science liée à ses avantages physiologiques», observe le Dr Philippe L.-L’Allier, cardiologue hémodynamicien et directeur de la prévention à l’ICM.Le rapport remis à la Sépaq mentionne ainsi que «les études scientifiques supportent l’idée selon laquelle l’interaction avec la nature favoriserait une réduction de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. (Elles) rapportent également une diminution de l’activité nerveuse sympathique et une augmentation de l’activité nerveuse parasympathique, qui joue un rôle essentiel pour ralentir les fonctions de l’organisme. Les recherches supportent aussi de façon convaincante l’impact de la nature pour diminuer l’anxiété et pour réduire le taux de cortisol, une hormone connue pour son association avec le stress.»Des patients difficiles à convaincreOutre l’efficience de l’écothérapie auprès des personnes atteintes de crise cardiaque, d’angine instable, d’insuffisance cardiaque ou encore d’arythmie, ce nouveau programme de réadaptation participe à la stratégie de la direction de la prévention de l’ICM qui «fait flèche de tout bois» pour inciter davantage de patients à se réadapter après un événement cardiovasculaire, indique le Dr L’Allier. «C’est un challenge important pour les convaincre de l’intérêt de suivre nos programmes. Ce n’est pas juste un médicament à prendre après une consultation de 30 minutes. Il faut s’en donner les moyens. Ça prend du temps, de l’énergie et de la motivation pour changer ses habitudes de vie», précise le médecin en signifiant que bien moins de la moitié des patients soignés à l’ICM se prévalent des programmes qui leur sont ensuite offerts. «La moyenne dans les grands réseaux de la santé oscille de 5 à 20%», ajoute-t-il.Selon lui, les patients ont des biais et des idées préconçues sur la réadaptation cardiaque. «Les personnes qui ont des difficultés de mobilité, celles qui n’ont jamais transpiré de leur vie autrement qu’en ayant trop chaud ou qui n’ont jamais été essoufflées en faisant de l’activité physique pensent qu’elles n’en sont pas capables, alors que ce sont les publics cibles de nos programmes», souligne le cardiologue qui constate également que les gens sont convaincus de manger santé mais que bien souvent, ils ont tendance à mal s’alimenter et trop.L’autre enjeu à surmonter, c’est le coût et le financement de ces programmes. Ils ne sont pas couverts par tous les assureurs privés et «au Québec, la réadaptation cardiaque n'est pas encore financée à l'échelle provinciale. On est une des dernières provinces dans ce cas-là», déplore le Dr L’Allier.Au Centre ÉPIC de l’ICM, qui se présente comme le «plus grand centre de prévention cardiovasculaire au Canada avec plus de 4 000 membres», les programmes sont en bonne partie soutenus par du financement philanthropique. Les patients peuvent venir y faire de l’activité physique et bénéficier des conseils de kinésiologues et de nutritionnistes. Pour ceux qui n’habitent pas à proximité, «on a développé une offre de téléréadaptation afin de faciliter au maximum l’accès à nos services. Sur place, on a aussi un programme spécifique en piscine, qui inclut de l’aquaforme. Comme avec le programme en nature, on innove pour accrocher les gens et être inclusifs», explique le Dr L’Allier.Lire aussi: Une intervention cardiaque sans précédent pour sauver une patiente au CHUMRetours d’expérience enthousiastesCette stratégie semble porter ses fruits, en tout cas avec les patients ayant participé au projet pilote d’Ariane Tanguay Doyon, dont certains étaient accompagnés d’un proche. Les témoignages colligés par l’ICM (quelques-uns sont reproduits ci-dessous), sont équivoques.«Ce projet (au cœur de la nature) est un baume sur des blessures qui ne sont pas visibles. Car un épisode cardiaque est un traumatisme dans la vie d’une personne. Après l’intervention physique, nous sommes laissés à nous-mêmes, avec nos blessures psychologiques, nos limitations physiques, nos peurs, nos questionnements et nos inquiétudes. Ce beau projet nous redonne le goût de vivre pleinement. On apprend que la vie continue, que nous pouvons changer des choses dans notre quotidien afin de nous aider à aller mieux physiquement et psychologiquement.»«Cette activité a été cruciale dans le processus de réhabilitation de mon conjoint et m’a aidé à mieux comprendre les peurs et les facteurs stressants des personnes vivant avec des maladies cardiovasculaires.»«J’ai vécu deux mois merveilleux où j’attendais le vendredi avec impatience, car je sais que ce jour là serait pour moi seule, pas d’obligations, rien, juste moi, la nature et le groupe, bien sûr. Grâce à ces séances de discussion j’ai opéré des changements importants dans ma vie pour préserver ce qui me reste de santé. Merci de m’avoir aidé à voir clair en moi.»Pour la travailleuse sociale, ces commentaires positifs sont gratifiants à titre personnel. Ils démontrent aussi que ce programme en nature «répond à un besoin réel», affirme-t-elle, ajoutant que les participants voulaient tous poursuivre l’expérience. «La dernière cohorte s’est créé son propre groupe de soutien. Ils se sont appelés les cœurs joyeux et vont marcher ensemble toutes les semaines. C’est touchant de voir la force de groupe.»

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