La maladie mentale est-elle contagieuse?

Avec la pandémie de la COVID encore présente dans nos esprits, les infections virales sont au premier plan des maladies contagieuses. Cependant, les maladies médicales ne sont pas les seules à être contagieuses. Il suffit de penser à la contagiosité du rire ou de l'enthousiasme, en particulier dans un contexte professionnel ou social.Nous ne pensons pas que la santé mentale soit transmissible de la même manière qu'un virus se propage. Mais la maladie mentale est-elle contagieuse? La réponse n'est peut-être pas celle que nous voulons entendre. Plus exactement, ce n'est pas ce que nous voulons que le public entende.Les personnes souffrant de maladie mentale sont traitées différemment. Les patients ayant reçu un diagnostic psychiatrique peuvent être stigmatisés, activement évités, harcelés ou intimidés. Les interactions sociales négatives peuvent mener à la culpabilisation, à l'isolement et à toute une série de conséquences négatives. Le concept de transmission des maladies mentales pourrait aggraver davantage cette situation intolérable pour une population déjà marginalisée.Il est beaucoup plus facile de croire à la classification rigide selon laquelle les maladies mentales ne sont pas transmissibles, tout comme les maladies cardiaques athérosclérotiques, le diabète ou le cancer du côlon. Une position positive et déstigmatisante. Mais est-ce vrai?Nous sommes des êtres sociaux. Selon le psychosociologue américain Don Forsyth, «les actions, les émotions et les idées ne passent pas d'une personne à l'autre par le biais d'un mécanisme psychologique étrange qui n'aurait pas encore été découvert, mais par le biais de processus sociaux quotidiens tels que le mimétisme, l'empathie, la conformité, l'apprentissage social et l'influence. En outre, ces processus sont très différents de ceux qui causent les maladies physiques. Dans les cas de contagion sociale, la maladie est transmise par les interactions sociales routinières. La dépression et l'anxiété sont des «affections socialement transmissibles» (ATS), mais leurs modes de transmission sont très différents des processus à l'origine des maladies physiques contagieuses».La littérature psychologique utilise des termes tels que psychose collective, contagion de masse, délires psychogènes et mentalité de foule pour souligner l'aspect étrange et psychologiquement dangereux de la contagion sociale. Citant à nouveau Forsyth, «les étudiants deviennent progressivement de plus en plus déprimés au cours de l'année académique s'ils sont assignés au hasard à partager un dortoir avec une personne déprimée. Les gens, lorsqu'ils sont rassemblés en foule, paniquent parfois soudainement lorsqu'un sentiment d'effroi et de désastre envahit le groupe».Nous savons que les suicides peuvent se propager dans un système scolaire, dans une communauté ou, dans le cas d'une vague de suicides de célébrités, à l'échelle nationale. Ces grappes de suicides sont causées par l'apprentissage social de comportements liés au suicide, ou «suicides par imitation». Nous en avons certainement des exemples au Canada. Un cas très étudié s'est produit dans la réserve de la Première Nation Wikwemikong sur l'île de Manitoulin, en Ontario. L'épidémie a eu lieu en 1975, lorsque huit suicides ont eu lieu dans cette communauté de 3000 habitants.À lire aussi: Déstigmatiser la santé mentale, une conversation à la foisBien que la littérature sur ce sujet soit peu abondante, des recherches récentes concluent que le bonheur et la dépression peuvent être hautement transmissibles à travers les liens sociaux. «De récentes études dans la littérature médicale concluent que la santé mentale peut être hautement contagieuse, à l'instar des maladies infectieuses», indique Ezra Golberstein de l'Université du Minnesota.«Le bonheur ne présente pas de contagion significative, tandis qu'une mauvaise santé mentale – mesurée par la détresse psychologique générale, la dépression et l'anxiété – présente quelques signes de contagion, bien que la contagion de la dépression ne soit significative que pour les hommes», démontre une étude récente.Une autre étude présente «des preuves de la communicabilité des troubles psychiatriques par trois voies principales: infectieuse et écologique, familiale et socioculturelle. Les interventions et les politiques actuelles qui considèrent les maladies psychiatriques comme non transmissibles se concentrent principalement sur l'individu.» Sur une note intrigante, cette étude conclut «qu’en appliquant des stratégies issues des modèles de prévention des maladies infectieuses et des maladies chroniques dans un cadre socio-écologique, nous proposons un vaste plan de contrôle des maladies psychiatriques chroniques transmissibles pour traiter efficacement le patient atteint de troubles psychiatriques (hôte) le plus tôt possible, apportant des avantages à sa famille et à la communauté, et prévenant la transmission à d'autres personnes».«De nouvelles données suggèrent toutefois que le microbiome – la communauté de bactéries, de champignons et d'autres micro-organismes qui résident dans notre corps, en particulier dans l'intestin, la peau et la bouche – pourrait jouer un rôle important dans la transmission des maladies psychiatriques», écrit la psychologue Hamid Zand écrit dans un article passionnant de Psychology Today.Si nous considérions la maladie mentale comme une maladie infectieuse, comment la prendrions-nous en charge? Nous établirions un diagnostic précis dans les plus brefs délais et procéderions à un traitement agressif. L'individu serait «guéri» et tous ses contacts seraient protégés contre toute nouvelle propagation. Une intervention médicale positive sans émotion ni stigmatisation. La clé réside dans une surveillance vigilante et une intervention précoce et ciblée. Dans ce contexte, la quarantaine ou l'isolement ne seraient pas souhaitables et pourraient être extrêmement délétères pour l'humeur ou l'anxiété de l’individu. L'éducation du public serait encouragée et des campagnes de santé publique seraient bénéfiques.Tout cela semble simple et direct, mais en réalité, c'est loin d'être le cas. Il s'agit d'une discussion nuancée qui pourrait facilement se retourner contre nous si elle était prise hors contexte, en stigmatisant encore plus ceux qui sont déjà en difficulté. Néanmoins, une approche directe et active du traitement des maladies mentales est un objectif souhaitable.Je suis intéressé par toutes réflexions ou commentaires sur les concepts évoqués dans ce billet, et sur la manière dont les médecins peuvent aborder ce sujet controversé avec leurs patients et leurs familles.

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