«J’aurais pu chiâler, mais j’ai plutôt décidé de faire partie de la solution»

«J’aurais pu chiâler parce que les choses ne bougeaient pas. J’ai plutôt décidé de faire partie de la solution.»Isabelle Têtu, infirmière praticienne, est du genre déterminée. Et engagée. Quand elle a réalisé que le réseau ne réagissait pas à ses plans et celui de collègues en vue d’offrir des services à des hémophiles de Québec, elle a fondé avec Maureen Guthrie, une infirmière à la retraite, et Véronique Brousseau, une intervenante psychosociale, SABSA, une coopérative de solidarité destinée à offrir un soutien infirmier et social à cette clientèle des quartiers Saint-Sauveur et Saint-Roch.Ce n’est pas l’argent qui les a motivées à mettre sur pied cette petite coop dont le nom décrit bien sa mission : Services à bas seuil d’accessibilité. Elles l’ont toutes fait de façon bénévole, y ont travaillé sans salaire en plus d’y contribuer financièrement. Ses fondatrices y ont notamment injecté de l’argent qu’elles recevaient de pharmaceutiques pour du soutien nursing et des sommes qu’elles percevaient pour donner des formations. Le budget annuel de la coop en 2013 s’établissait à 35 000$, un sommet.Aujourd’hui, leur action est récompensée. SABSA a été choisie par la FIQ pour recevoir 150 000$ afin de devenir dans le cadre d’un projet pilote une clinique de proximité sans médecin. Exactement la trajectoire dans laquelle s’en allait la coop.«On se débrouillait bien avec 35 000$ et voilà qu’on va avoir 150 000$. J’ai passé trois nuits sans dormir», s’exclame Isabelle Têtu, qui donne à la clinique 10 à 15 heures de temps non rémunéré par semaine tout en occupant un emploi d’infirmière ailleurs.Choix de clientèleCette femme de tête et de cœur ne craint pas l’engagement. Elle a été travailleuse sociale (dont 10 ans comme travailleuse de rue). En même temps, elle a réalisé une maîtrise en santé communautaire, suivi le programme d’infirmière clinicienne, puis la formation d’infirmière praticienne, qu’elle a complétée l’an dernier.Depuis l’université, elle a toujours œuvré, d’abord par curiosité, puis par conviction, auprès d’une clientèle marginalisée par le système de santé, hémophiles, toxicomanes, gens ayant des problèmes de santé mentale, ex-détenus, travailleuses du sexe, des personnes souvent démunies, qui n’ont pas des Julie Snyder pour les représenter auprès des médias et du gouvernement, dit Isabelle Têtu.Celle-ci et ses deux partenaires de SABSA avaient une vision des soins et des services pour ces gens. «La meilleure façon de les aider avant qu’ils n’aillent à l’urgence serait de les soutenir en amont dans la communauté», croit-elle. Cela demeure l’un de leurs objectifs.Grands besoinsLes trois femmes ont vite réalisé avec cette première expérience qu’il existait un fort besoin dans la Basse-ville de Québec pour une clinique de proximité qui pourrait recevoir une plus large clientèle et offrir plus de services. Des infirmières bénévoles étaient prêtes à s’investir dans le projet avec elles. Avant même l’intervention de la FIQ, la coop avait déjà déménagé sur le boulevard Charest dans un local plus vaste. Les services élargis de la clinique subventionnée par la FIQ vont démarrer à l’automne.Isabelle Têtu s’attend à ce que la demande pour cette clinique d’infirmières de première ligne soit élevée et qu’elle dépasse même ses capacités. Elle compte tout de même faire le maximum pour sa clientèle. Sa cofondatrice est certaine que SABSA sera une organisation encore présente dans cinq ans, même si elle doit revenir à son petit budget annuel à la fin du soutien financier de la FIQ.Traitée avec dignitéJoanie, ex-toxicomane, ex-travailleuse du sexe, se réjouit au plus haut point de l’existence de cette clinique. Elle en compte d’ailleurs en faire son premier point d’arrêt avant de se rendre à l’urgence. Elle apprécie déjà d’y être traitée dans la dignité, par des gens sans préjugés, avec des services adaptés aux marginaux et à la population de la Basse-ville de Québec qui n’a pas de médecin de famille.Elle ne tarit pas d’éloges à l’égard d’Isabelle Têtu et des autres co-fondatrices. «Ce sont des infirmières hors pair, qui ont du vécu, n’ont pas froid aux yeux et donnent un service extraordinaire. Ce projet de clinique sans médecin aurait dû voir le jour bien avant.»Lire aussi: La FIQ subventionne une coopérative de santé créée par des infirmières

«J’aurais pu chiâler, mais j’ai plutôt décidé de faire partie de la solution»

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes