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Infirmières et infirmiers en pharmacie: élargir le champ des possibles

14/09/2022
Infirmières discutant en pharmacie

«Tout ce qu’on peut faire avec les pharmaciens, c’est extraordinaire! C’est vraiment un duo complémentaire», croit Cindy Caron, infirmière depuis 20 ans, et qui exerce en pharmacie depuis 2019. Quels sont les avantages pour une pharmacie d’avoir une infirmière en ses murs?

Ça ne fait aucun doute, la pharmacienne propriétaire Mélissa Béland ne se passerait plus de l’infirmière Cindy Caron à sa pharmacie affiliée à Accès pharma, à Lévis. Idem pour Maxime et Jean Provost, copropriétaires d’une pharmacie affiliée à Jean Coutu à Granby, qui embauchent trois infirmières, bientôt quatre. «Les trois sont en vacances cette semaine, et on a hâte qu’elles reviennent», plaisante Maxime Provost. Alors que le gouvernement compte de plus en plus sur les différents professionnels de la santé pour pallier le manque de médecins de famille, et que les pharmacies peinent à recruter des pharmaciens et des assistants techniques en pharmacie (ATP), intégrer les infirmières en pharmacie s’avère une solution bénéfique à bien des égards.

Cindy Caron
Cindy Caron, infirmière en pharmacie (Photo: Courtoisie)

Élargir l’éventail de services

Ajouter une infirmière à son équipe permet d’offrir un plus large éventail de services aux clients. «Les infirmières ont 17 champs de pratique encadrés par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)», explique Sylvie Gagnon, fondatrice et présidente d’Infirmières et infirmiers en pharmacie du Québec (IIPQ), un regroupement qui met en contact les infirmières travaillant en pharmacie communautaire, et leur offre soutien et formations.

Outre l’administration de vaccins contre la COVID-19, les infirmières peuvent prêter main-forte aux pharmaciens pour ceux contre la grippe, les hépatites et en prévision d'un voyage. Elles sont également les seules qui peuvent vacciner sans restriction, et faire l’évaluation du patient (contrairement aux ATP, qui pourront bientôt vacciner, mais pas évaluer les patients). Le tout, pour un salaire moins élevé que celui d’un pharmacien.

Soin et suivi des plaies (changement de pansement, retrait de points de suture), évaluation du degré d’une brûlure, suivi de diabète, traitement des verrues, irrigation des oreilles, traitement des infections urinaires, suivi de la dyslipidémie, injection des médicaments et enseignement, prises de sang… Les services réservés à l’infirmière sont variés. «Ça améliore l’offre de services en pharmacie», résume Mélissa Béland.

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Mélissa Béland
Mélissa Béland, pharmacienne propriétaire (Photo: Courtoisie)

Se soutenir entre professionnels…

C’est le travail d’équipe qui plaît le plus à Cindy et Mélissa. «On discute des cas à deux; c’est agréable de se sentir appuyées l’une et l’autre», constate Mélissa Béland. Le tandem pharmacien(ne)/infirmière met en contact deux professionnels indépendants complémentaires et responsables de leurs propres actes. L’infirmière, avec son bagage, apporte une aide précieuse. «Parfois, on se consulte pour valider certaines choses. J’ai vu et traité [plusieurs pathologies] en travaillant à l’hôpital. Mon œil est différent», explique Cindy Caron.

Mais surtout, intégrer une infirmière à son équipe permet au pharmacien de se dégager du temps pour les patients. «De plus en plus, on demande aux pharmaciens de s’impliquer dans le suivi des patients. On peut ajuster les dosages, cesser des médicaments. Ça prend du temps», assure Mélissa Béland. En déléguant des tâches aux infirmières (prise de tension, suivi de la prise des médicaments et des habitudes de vie, etc.), les pharmaciens peuvent se concentrer sur ce qu’ils font le mieux. Intégrer une infirmière, c’est donc mettre les bons efforts, le bon professionnel, au bon endroit, à l’image des principes d’administration des médicaments (le bon médicament, au bon moment, au bon dosage).

Sylvie Gagnon
Sylvie Gagnon, fondatrice et présidente d’Infirmières et infirmiers en pharmacie du Québec (Photo: Courtoisie)

…Et soutenir la communauté

Pour le patient, il est très pratique d’avoir accès à plusieurs services à l’endroit même où il obtient ses médicaments. «Il manque de ressources partout… mais on est là!» rappelle l’infirmière Cindy Caron, qui ajoute que les patients sont prêts à payer pour ces services. «Je peux bien recommander la vaccination des enfants de moins de 6 ans, mais je ne peux pas l’administrer, illustre Mélissa Béland. Avec une infirmière, tout se passe en pharmacie.» Un client peut se faire prescrire et recevoir ses médicaments et ses vaccins avant de partir en voyage; l’infirmière peut en profiter pour examiner les oreilles du patient et évaluer s’il a besoin de bas compressifs avant de prendre l’avion, par exemple.

«Il manque de médecins. Il faut utiliser au maximum nos connaissances. Avec les infirmières et les autres professionnels, le pharmacien facilite l’accès aux soins de santé», avance Jean Provost. Un CLSC débordé qui approche une pharmacie pour faire peser les bébés naissants par son infirmière, une infirmière qui dirige à temps un patient à l’hôpital : «On entend de belles histoires», raconte Sylvie Gagnon. Offrir ces nouveaux services permet ainsi de satisfaire et de fidéliser la clientèle tout en désengorgeant le système de santé.

«Dans les régions qui sont loin de tout, ça permet d’augmenter la distribution de services», constate Sylvie Gagnon. Véritable «dépanneur» pour la santé, la pharmacie occupe plus que jamais une place privilégiée pour donner accès à des services de proximité aux patients. 


Choisir la bonne formule et la bonne infirmière

Avant d’offrir les services d’une infirmière, les pharmaciens doivent se demander : quels sont les besoins de mes clients? Quels types de services leur offrir? 

La question du budget est aussi cruciale. Intégrer une infirmière à l’équipe comporte des coûts, variables selon la formule choisie (embauche, recours à une agence ou à une infirmière travailleuse autonome, location d’un bureau). Les frais minimaux réclamés aux patients ne permettent pas d’absorber toutes les dépenses; mais en ces temps de pénurie de pharmaciens et d’ATP, l’ajout d’un membre supplémentaire à l’équipe permet de dégager du temps précieux aux pharmaciens, et de réduire les coûts pour certains actes (il en coûte moins cher de payer une infirmière pour vacciner qu’un pharmacien, par exemple).

Au départ, il peut être intéressant de commencer tranquillement, en proposant les services de l’infirmière quelques heures par semaine, et de réajuster au fur et à mesure. Toutes les infirmières n’ont pas les mêmes compétences ni les mêmes champs de compétence, et le pharmacien peut les soutenir dans les formations complémentaires à effectuer.

Chose certaine, l’infirmière choisie doit avoir eu des expériences variées, soulignent les intervenantes interrogées. Le leadership et le goût de s’impliquer auprès des patients sont aussi essentiels. Hors réseau, l’infirmière doit en effet être doublement à l’affût des mises à jour. «À l’hôpital, s’il y a quelque chose, on parle au département des soins infirmiers (DSI). Mais en pharmacie, on est notre propre DSI», souligne Sylvie Gagnon. Autonomie, sens de l’organisation, expérience, leadership, écoute, entregent, patience sont des qualités à rechercher, croit-elle.

Promouvoir ses services

Un autre aspect à considérer est celui de l’espace. L’infirmière doit minimalement disposer de son propre bureau (avec des normes de l’OIIQ à respecter) et d’un ordinateur. L’espace nécessaire variera selon les services offerts : évier pour irriguer les oreilles, espace pour y étendre un patient incommodé après un vaccin, etc. 

Finalement, il faut faire connaître les services de l’infirmière aux clients : promotion, envois postaux, journées de sensibilisation. C’est sans oublier d’informer sa propre équipe, afin qu’elle puisse suggérer certains services de l’infirmière aux patients.

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