Ils se servaient de leur pharmacie pour couvrir les pertes financières de leur clinique médicale

De 2015 à 2018, la clinique médicale de l’Outaouais opérée par les pharmaciens Jonathan Banville, Steven Haddad et Patrick Lamarche a essuyé des pertes totalisant un peu plus de 200 000$ en raison des coûts d’exploitation élevés. Pour éponger ce déficit, la pharmacie, située dans un local adjacent, a transféré à la clinique des montants de 43 663$, 44 224$, 65 083$ et de 48 323$ pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 respectivement. Le but de ce montage financier était d’avoir une clinique médicale à proximité de la pharmacie, ce qui a normalement un effet positif sur les ventes de médicaments, note le syndic adjoint de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Bernard Deshaies, dans une décision disciplinaire parue ce mois-ci. M. Deshaies voit dans ce montage financier une utilisation inappropriée par les pharmaciens de leurs profits, ce qui, selon lui, «affecte très certainement leur indépendance professionnelle». Selon la section «Indépendance, désintéressement et conflit d’intérêts» de l’article 45 du Code de déontologie des pharmaciens, «le pharmacien ne peut partager les bénéfices provenant de la vente de médicaments ou ses honoraires qu’avec un autre pharmacien et dans la mesure où ce partage correspond à une répartition de leurs services et responsabilités respectifs». Il peut toutefois attribuer ses revenus à la société de pharmaciens au sein de laquelle il exerce la pharmacie, poursuit le Code. Ils plaident l’ignorance Pour leur défense, les pharmaciens propriétaires ont plaidé l’ignorance. Ils ont dit ignorer que la clinique opérait à perte et que la pharmacie versait des sommes, chaque année, pour éponger les pertes de la clinique. Patrick Lamarche et Steven Haddad disent avoir été peu ou pas impliqués dans l’aspect financier de la pharmacie et de la clinique. Ils assistaient à la réunion avec le comptable sans poser trop de questions sauf en ce qui concerne la situation financière des deux commerces, notamment la hausse ou la baisse des chiffres, la performance de chacun d’eux et les choses à améliorer. Selon eux, la clinique faisait de l’argent. De son côté, même s’il assumait la responsabilité de la comptabilité et des finances, Jonathan Banville, dit n’avoir réalisé que la clinique faisait des pertes qu’en septembre 2019, lors de la rencontre avec le syndic adjoint. Le conseil de discipline n’a pas cru leur version. Il estime invraisemblable que le comptable décide de la façon d’éviter des pertes comptables pour la clinique sans d’abord en discuter avec les pharmaciens pour s’assurer de leur complète compréhension. Dette de loyers? Par ailleurs, le pharmacien Jonathan Banville, a affirmé, devant le conseil de discipline, que la clinique n’occupe qu’environ 50% du local qui lui est propre, le reste du plancher étant occupé en grande partie par la pharmacie. Il estime ainsi qu’une dépense de loyers de la pharmacie devait être transférée à la clinique pour son occupation des locaux. Toutefois, le conseil de discipline rejette cet argument. «Les états financiers ne font aucunement référence à une dette de loyers de la pharmacie.» Après avoir analysé la preuve et la plaidoirie des parties, le conseil de discipline a tranché que les pharmaciens ont contrevenu à leur devoir déontologique en partageant illégalement ses honoraires et les bénéfices provenant de la vente de médicaments avec la clinique médicale. Les parties seront convoquées dans les prochaines semaines pour la sentence sur sanction.

Ils se servaient de leur pharmacie pour couvrir les pertes financières de leur clinique médicale

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