Complications rarement reconnues: Hyperalgésie et hypogonadisme induits par les analgésiques narcotiques

Il est maintenant clairement démontré que les opiacés, au-delà de leur effet analgésique, peuvent induire chez le patient dit « normal » et amplifier chez celui qui souffre les processus de sensibilisation à la douleur. C’est ce qu’a rappelé le Dr Christian Cloutier, neurochirurgien et responsable de la clinique multidisciplinaire de douleur du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, lors du Symposium sur la douleur, dont il était le directeur scientifique. On parle alors d’hyperalgésie induite par les opiacés (HI0).Des preuves cliniques de la HIO dans le traitement des douleurs chroniques par des opioïdes ont été établies dès 1870 par un médecin britannique, le Dr Clifford Allbutt. Les effets des opioïdes, mal connus et que l’on confond avec l’intolérance, compliquent le traitement de la douleur chronique, souligne le Dr Cloutier. En 1870, le Dr Allbutt considérait que la douleur était un démon et craignait que le génie utilisé pour le renverser ne se retournât contre le patient. Il n’avait pas tort en un sens. Lors de sa présentation, le Dr Cloutier a en effet mis l’accent sur deux de ces complications, rarement reconnues, alors qu’elles ont un impact important, pas seulement sur la gestion de la douleur, mais aussi sur la prise en charge globale de la douleur.L’hyperalgésieL’une des complications induites par les opioïdes, l’hyperalgésie, peut survenir chez tout patient souffrant ou non de douleur chronique. Qui dit « hyperalgésie » dit « hypersensibilisation », dit le Dr Cloutier. Cette hypersensibilisation peut être primaire (en périphérique), secondaire (au niveau de la moelle) ou tertiaire (au niveau du système nerveux central). Ce phénomène est encore mal connu.Comment la chose se présente-t-elle en clinique ? Un, la douleur augmente. Deux, sa caractéristique est moins précise. Elle est moins localisée, plus diffuse, même généralisée. Plus le patient prend des opiacés depuis longtemps, plus il y a risque qu’il soit confronté au phénomène.Le Dr Cloutier propose plusieurs options de traitement quand cette situation survient. En premier lieu, il faut essayer de diminuer les doses. Si cela est impossible, il faut alors recourir à une rotation des opioïdes, car certains auraient moins tendance à produire cette complication que ceux ayant une action antagoniste au récepteur NMDA.On peut réussir à diminuer les doses en utilisant une approche multimodale avec l’acétominophène, un AINS (si possible) ainsi qu’un coanalgésique. On peut aussi avoir recours à une équipe multidisciplinaire comprenant des thérapeutes physiques ou un psychologue. Parfois, il serait indiqué d’inclure une intervention spécifique pour traiter l’origine de la douleur : infiltration, chirurgie, neuromodulation, etc. En conclusion, indique le Dr Cloutier, il faut avoir une approche thérapeutique multimodale et cibler ses patients.L’hypogonadismeLe deuxième effet qui peut être induit par les analgésiques narcotiques est l’hypogonadisme. Dans l’hypogonadisme primaire, à savoir celui de l’atteinte testiculaire, le taux de T est abaissé, il y a diminution de la spermatogenèse et une élévation de l’hormone de stimulation folliculaire (FSH) et de l’hormone lutéinisante (LH). Dans l’hypogonadisme secondaire, avec atteinte de l’axe H-H-G, le taux de T est abaissé et la FSH et la LH sont abaissées ou à la limite, inférieure à la normale. Les signes et symptômes d’une déficience androgénique sont très nombreux (baisse de la libido, fatigue, intolérance augmentée à la douleur, etc.). Une diminution des opiacés ou un supplément hormonal peut s’imposer. Un changement de médication est aussi à envisager.Lire la suite du dossier «Douleur chronique non cancéreuse»

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