Hausse faramineuse du coût des services de piluliers: les pharmaciens propriétaires se défendent d’en être responsables

Le coût des services de piluliers pour certains assurés du régime public d’assurance médicaments (RPAM) a frôlé le demi-milliard de dollars en 2015, une «somme record», selon une enquête du journaliste Éric Yvan Lemay publiée dans le Journal de Montréal du 14 novembre dernier.Le montant de 495 millions $ représente 35 % du total du coût des services pharmaceutiques (honoraires des pharmaciens propriétaires) du RPAM, un taux 8,4 fois plus élevé qu’en 2001 (4,2 %). La hausse est plus marquée à partir des années 2007 et 2008 (21,1 %), «moment où les règles ont été allégées par Québec».Depuis les années 2009 et 2010, le coût des services de piluliers (26,5 %) a dépassé le seuil de 25 % du total du coût des services pharmaceutiques que s’était fixé à l’époque le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).Mésentente autour du seuil de 25 %Dans une entrevue accordée à ProfessionSanté.ca, le président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), Jean Thiffault, a tenu à préciser que les pourcentages publiés dans l’enquête journalistique représentent la portion des honoraires des pharmaciens propriétaires pour les services de piluliers sur le coût total des honoraires pour les services pharmaceutiques et non sur le coût total du RPAM, montant qui inclut notamment le coût des médicaments et les honoraires des pharmaciens propriétaires.Ce dernier a souligné qu’il y a «un gros mal entendu» par rapport au seuil de 25 % fixé pour les services de piluliers. Il a expliqué qu’à partir d’un dépassement du taux de 25 %, l’AQPP et le MSSS avaient convenu à l’époque de trouver des solutions pour freiner la hausse du coût des services de piluliers. «Jamais ce taux n’a été considéré comme un plafond.» Selon le président de l’AQPP, Jean Thiffaut, le ministre Barrette continue son acharnement envers les pharmaciens propriétaires.Il a fait remarquer que l’AQPP avait offert en 2010 au MSSS, qui considérait que les services de piluliers étaient trop utilisés, d’envoyer des inspecteurs de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) dans les pharmacies pour vérifier si les critères d’éligibilité pour les services de piluliers prévus à leur entente étaient respectés. «Ils ne sont jamais venus voir.»Lors des dernières négociations en 2015 avec le MSSS, l’AQPP lui avait suggéré à nouveau de restreindre les critères d’éligibilité pour les services de piluliers, ce qui que le ministre Barrette a refusé «pour des raisons politiques», a affirmé Jean Thiffault.Refiler la facture aux foyers de personnes âgéesL’AQPP et le MSSS ont convenu de former un comité biparti (lettre no. 6 de leur entente) pour examiner, entre autres, les raisons de la hausse constante des services de piluliers. Il a souligné que les ponctions de la RAMQ de 399 millions $ sur trois ans proviennent majoritairement des honoraires des piluliers.«Le modèle d’hébergement des personnes âgées a changé. On est passé des CHSLD aux personnes demeurant à leur domicile, dans une résidence intermédiaire ou dans une résidence pour personnes âgées autonomes. Tous ces gens sont obligatoirement servis en pilulier […] Le pharmacien est rarement à l’origine de la demande d’un service des médicaments en pilulier. Lorsqu’un pharmacien propose un pilulier, ce n’est pas une idée qui plaît à une majorité des patients, parce qu’ils considèrent qu’un pilulier restreint leur liberté. La demande vient souvent de leurs proches.»Suite et réaction du ministre BarretteLe président de l’AQPP a déploré que les pharmaciens propriétaires soient pointés comme étant les responsables de la hausse du coût des services des piluliers. «Qui réalise des économies grâce aux piluliers? Ce sont les soins à domicile, parce qu’ils ne sont pas obligés de se déplacer chaque jour pour remettre les médicaments; les résidences de personnes âgées, parce qu’elles n’ont pas à préparer les médicaments; le réseau de la santé, parce qu’il y a moins d’hospitalisations et que les gens demeurent à la maison plus longtemps.»Outre le resserrement des critères d’éligibilité, l’AQPP suggère au ministre Barrette de refiler la facture aux résidences privées pour personnes âgées, dont certaines d’entre elles facturent des frais pour la gestion des médicaments. «Si le patient est dans une résidence privée, peut-être que c’est la résidence qui devrait payer pour le pilulier si ce dernier est obligatoire et non la RAMQ.»Invitation à trouver d’autres moyens que les piluliers Les pharmaciens ne doivent pas utiliser les piluliers uniquement pour augmenter leur rémunération, a déclaré le ministre Barrette.Un bref commentaire est parvenu du cabinet du ministre Barrette, compte tenu des procédures en cours devant un conseil d’arbitrage entre ce dernier et l’AQPP. «La question de l’augmentation du coût des piluliers est au centre de notre litige avec l’AQPP, a indiqué à ProfessionSanté.ca son attachée de presse, Julie White. L'entente visait notamment à diminuer les coûts du pilulier. Les pharmaciens ne doivent pas les utiliser uniquement pour augmenter leur rémunération, mais lorsque les patients en ont besoin.»Dans un reportage de TVA Nouvelles, le ministre Barrette a justifié son intention d’endiguer la hausse du coût des piluliers. «Ça devient une source de revenus pour laquelle il y a potentiellement un abus et on doit s’y adresser, parce que c’est tout un chacun qui paie ça.»Il a invité les pharmaciens propriétaires à trouver d’autres moyens que les piluliers pour distribuer les médicaments notamment aux personnes âgées.Selon le président de l’AQPP, le ministre Barrette continue son acharnement envers les pharmaciens propriétaires.

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