Gestion participative: un plus pour l’équipe de soins et le patient

La gestion participative prend son essor dans divers milieux de travail, petits cabinets d’affaires ou grandes usines. Et pourquoi pas dans le réseau de la santé ? La méthode s’est taillé une place dans le milieu des affaires ces dernières années, mais sa percée reste encore timide dans le système de santé.La gestion participative permet aux organisations de passer du « je » au « nous » en misant sur la collaboration du personnel. Au lieu de laisser la prise de décisions entre les mains du PDG, c’est l’ensemble des membres d’une équipe qui tranche après avoir discuté d’une question.Du stagiaire au président en passant par les employés permanents, la méthode favorise les échanges et le partage de l’information sur les projets en cours.De nombreux avantagesPour Denis Chênevert, directeur du pôle Santé de HEC Montréal, la gestion participative comporte plusieurs avantages qui pourraient être bénéfiques au milieu de la santé. Surtout à l’heure de l’interdisciplinarité.Entre autres, la formule décharge le médecin d’une partie des responsabilités qui lui incombent souvent. « Ça lui enlève un poids sur ses épaules en permettant à d’autres de prendre part au processus de soins. »Le Dr Philippe Colombat, père de la gestion participative en France, est convaincu que cette méthode améliore la qualité de vie de toute l’équipe soignante. « Le fait de se retrouver régulièrement dans un espace où tous s’écoutent fait en sorte que les gens sont reconnus et se respectent beaucoup plus que dans un service normal », dit-il.« Les membres du personnel ont une meilleure relation entre eux, une meilleure connaissance de chacun des cas, une meilleure diffusion de l’information… Tout cela augmente la qualité de vie au travail et a un effet positif sur la santé mentale des médecins et des professionnels », résume Denis Chênevert.Les patients aussi y trouvent leur compte. « Le fait que plusieurs professionnels soient concentrés sur un même cas favorise une meilleure prise de décisions. Cette méthode permet aussi d’avoir une information plus à jour et plus adéquate sur le patient », croit-il.Comme plusieurs personnes apportent un angle distinct au cas, on peut mieux organiser les soins et réduire le temps consacré à certains actes médicaux. « Si vous savez que le patient passe par une période difficile, par exemple, vous pouvez, en tant que médecin, aborder cette situation différemment lors du traitement et éviter une certaine résistance qui pourrait être néfaste à la relation médecin-patient », illustre-t-il. Le médecin ne dicte plus la solution, il la fait émerger. Il n’est plus un patron, il devient un coach.- Denis Chênevert, directeur du pôle Santé de HEC MontréalPeu d’inconvénientsNaturellement, aucune méthode n’est parfaite. La gestion participative ne fait pas exception.Philippe Colombat, de son côté, n’y voit pas d’inconvénient. Il admet tout au plus que son implantation peut prendre du temps. Dans un système où l’autorité du médecin n’est que rarement mise en cause, donner la parole à l’ensemble de l’équipe soignante constitue en effet tout un changement de mentalité. « La prise de décisions est plus longue, mais on rattrape ce temps par la suite en en éliminant les aspects irritants. On a aussi démontré que lorsqu’on augmente la qualité de vie au travail, on augmente également l’efficacité », assure le chef du pôle Cancérologie-urologie au CHRU de Tours.La France part avec une longueur d’avance, puisque les médecins hospitaliers sont salariés. « Notre mode de rémunération des médecins, qui sont en grande partie payés à l’acte, se prête moins bien à ce mode de gestion, constate Denis Chênevert. Il est très difficile pour nos médecins d’assister régulièrement à des rencontres, car ils ne sont pas rémunérés pendant ce temps. »Des secteurs plus favorables que d’autresEn France, la gestion participative en santé est en vigueur depuis 30 ans. Au fil du temps, certains secteurs se sont montrés plus favorables à son adoption. « Toutes les équipes qui touchent à la cancérologie sont tenues par la loi d’utiliser ce mode de gestion. Il n’y a pas de mesure coercitive, mais au moins 30 % d’entre elles l’ont implanté », souligne le directeur du pôle Santé de HEC Montréal.Ce n’est pas un hasard si la cancérologie a été choisie. Dans ce domaine, plusieurs spécialistes sont requis. « Plus la prise en charge du patient est multidisciplinaire, plus les bénéfices de la gestion participative sont importants. Le patient a besoin de regards différents ; il faut absolument s’assurer que ces avis sont compatibles et intégrés », ajoute-t-il.On retrouve quelques exemples au Québec, comme à l’Unité de cancérologie de l’Hôpital Sainte-Justine, mais ceux-ci font, pour l’instant, figure d’exception.Pour le privé aussi Si la gestion participative semble être une bonne idée pour les établissements de santé publics, elle pourrait aussi être bénéfique pour le réseau privé. « Au pôle Santé, nous avons un mode de fonctionnement participatif. Les décisions sont prises par l’équipe, pas par moi. Le concept pourrait s’appliquer à un GMF ou à une pharmacie », note Denis Chênevert.Celui-ci mentionne d’ailleurs que des outils permettent de favoriser ce mode de gestion dans le privé. Le mode de rémunération peut notamment être changé plus facilement. On peut également faire de la participation financière, comme c’est le cas dans plusieurs entreprises. Le pharmacien pourrait ainsi adopter la gestion participative et partager une partie des retombées financières avec les membres de son équipe.En France, la gestion participative fonctionne très bien dans les cliniques privées. « Les médecins se rendent compte qu’ils font peut-être moins d’actes mais que, globalement, ils attirent non seulement des patients, mais aussi des soignants. C’est gagnant-gagnant », pense Philippe Colombat.Un nouveau rôle pour le médecin gestionnaireDans le cadre d’une gestion participative, le rôle du médecin à la tête d’un service change du tout au tout. « Il ne dicte plus la solution, il la fait émerger. Il n’est plus un patron, il devient un coach », explique Denis Chênevert.Dans les rencontres hebdomadaires, où tous les spécialistes, de l’hypnothérapeute à l’infirmière, sont présents, la parole est donnée d’abord aux premiers échelons de la hiérarchie. Les aides-soignants, qui sont le plus en contact avec les patients, partagent leur avis en premier. On remonte ensuite tranquillement jusqu’au médecin-chef. Ce dernier doit optimiser l’approche clinique offerte au patient en instaurant un climat de confiance et de respect au sein de l’équipe. La décision finale lui revient toutefois, parce qu’en cas de problème c’est le médecin-chef qui est légalement imputable.Des outils disponiblesEn plus des rencontres interdisciplinaires hebdomadaires, où chaque cas est étudié, différents outils facilitent l’implantation d’une gestion participative dans le réseau de la santé. En France, les professionnels créent notamment des petits groupes de projet. Ceux-ci se concentrent sur une idée en particulier et trouvent des solutions qu’ils présentent ensuite à toute l’équipe. Les médecins peuvent également compter sur des formations qui dépassent l’aspect clinique, que ce soit sur la douleur ou la communication.Des rencontres avec des psychologues sont aussi offertes lorsqu’un événement tragique arrive, ce qui cimente encore plus l’équipe et apaise la souffrance du personnel.« C’est une nouvelle organisation du travail que nous proposons », résume Philippe Colombat. Il y a des rencontres régulières entre les médecins et les gestionnaires pour les décisions budgétaires et autres. Des groupes de parole existent en outre pour permettre aux médecins de se confier et d’évacuer le surplus émotionnel et les tensions. Tous ces mécanismes consolident l’esprit d’équipe, pour le bénéfice des soignants et pour celui des patients.

Gestion participative: un plus pour l’équipe de soins et le patient

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes