Futurs techniciens en pharmacie: encore pas mal d'inconnues

Quels actes seront-ils autorisés à faire? Comment évolueront-ils avec des assistants techniques en pharmacie (ATP) d’expérience? Quels seront leurs rôles exactement? «C’est sûr qu’il manque d’infos, mais celles-ci seront dans le guide qui sera publié bientôt», assure le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), Bertrand Bolduc. Ce dernier mentionne que plusieurs des éléments qui devraient se retrouver dans ce guide ont été présentés lors des conférences virtuelles de l’Ordre, le 20 octobre dernier, par la pharmacienne Guylaine Bertrand, chef du Service d’accompagnement de l’OPQ. Dans sa présentation, obtenue par ProfessionSanté.ca, la conférencière fait la distinction entre le travail des techniciens en pharmacie (TP) et celui des ATP. Par exemple, un TP gère le déroulement des tâches techniques et effectue des tâches techniques plus complexes ou demandant plus d’autonomie alors que l’ATP exécute les tâches qui lui sont déléguées. Pour mieux faire comprendre le rôle de chacun, Guylaine Bertrand accole des verbes aux deux professions. Un TP contrôle, organise, met à jour, implante, collabore, vérifie et coordonne. De son côté, un ATP exécute, effectue, calcule, applique, produit, saisit, conditionne et commande. Les rôles de chacun seront toutefois très variables d’un milieu à un autre, affirme le président Bolduc. «Dans un petit milieu, le TP va aussi exécuter des tâches techniques et faire des tâches d’ATP. Dans des petites pharmacies lorsqu’il n’y a pas de TP ou d’ATP, c’est le pharmacien qui fait ces tâches. Il n’y a pas de barrière infranchissable ni d’actes réservés aux TP ou aux l’ATP.» À lire aussi: Formation des futurs techniciens en pharmacie: des questions persistent De son côté, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) s’attend aussi à ce que le nouveau règlement, qui sera publié au même moment que le guide, offre une grande flexibilité à ses membres. «Le règlement va permettre au milieu d’adapter les pratiques de chacun en fonction du personnel à la disposition. La réalité ne sera pas pareille dans une grosse pharmacie et dans une plus petite pharmacie. Le rôle va varier», explique Pierre-Marc Gervais, directeur principal Services pharmaceutique à l’AQPP. S'intégrer dans le respect Même si les techniciens en pharmacie auront étudié plus longtemps que les ATP, ils ne prendront pas pour autant la place de ceux qui ont plusieurs années d’expérience et qui font pratiquement déjà le travail d’un TP, mentionne Bertrand Bolduc. La directrice générale de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, Linda Vaillant, est du même avis. «Les techniciens doivent être bien intégrés dans le respect des ATP actuels parce que ces gens-là tiennent à bout de bras les départements de pharmacie et nous assistent depuis des années. Plusieurs travaillent fort et bien au-delà de leur fonction», explique la gestionnaire. L’intégration pourrait donc être plus ardue dans les services pharmaceutiques avec la présence de plusieurs ATP d’expérience. Par contre, certaines activités cliniques pourraient être réservées uniquement au TP en soins pharmaceutiques, avance Linda Vaillant. Par exemple, un technicien en pharmacie pourrait accompagner un pharmacien sur une unité de soins pour l’aider avec l’identification des problèmes, les interventions et les tests de laboratoire. «Cela permettrait au pharmacien de couvrir plus de lits», souligne Linda Vaillant. Un salaire encore méconnu Si plusieurs questions demeurent en suspens concernant le rôle des TP, il en va de même pour le salaire. «On ne le connaît pas le foutu salaire! lance Linda Vaillant. Nous faisons pression pour que ce salaire soit suffisamment intéressant pour que nos ATP puissent être motivés à faire le programme collégial. Si le salaire n’est pas suffisant, le gouvernement va se planter», indique-t-elle. Selon elle, le salaire d’un TP pourrait être comparable à celui des autres techniciens de la santé. Par exemple, un technologue en médecine nucléaire gagne de 23,12$ à 33,61$ de l’heure alors qu’un technicien de laboratoire médical gagne de 22,05 $ à 32,28 $ de l’heure, selon un site Internet du gouvernement du Québec. Le salaire qui sera proposé en pharmacie communautaire n’est pas non plus connu. Selon Bertrand Bolduc, le salaire sera variable d’un endroit à l’autre. Faire ses preuves Par contre, une chose est certaine: lorsqu’ils quitteront les bancs d’école dans trois ans, les quelque 300 premiers techniciens en pharmacie ne manqueront pas de travail. «Les pharmacies vont se les arracher. Il va y avoir dix offres d’emploi par candidat minimum», souligne le président de l’OPQ. Cela ne veut toutefois pas dire qu’ils ne devront pas faire leurs preuves dans leur milieu de travail. «Ils vont apprendre comment fonctionne le milieu et s’ils ont toutes les qualités et les connaissances, ils vont prendre des responsabilités. Les pharmaciens veulent déléguer à des gens de confiance qui ont la formation collégiale». À lire aussi: Les pharmaciens préparent l'intégration des nouveaux techniciens L’APES, qui encourage les ATP à suivre le programme de reconnaissance des acquis pour obtenir le titre de TP, souhaite que, d’ici 10 ans, 80% du personnel technique en pharmacie d’établissement soit des TP. Un objectif ambitieux, mais réaliste, selon l'Association. Pas besoin d’ordre professionnel, tranche l’OPQ Par ailleurs, les techniciens en pharmacie n’auront pas d’ordre professionnel, a décidé l’OPQ. Selon lui, il ne valait pas la peine de constituer un ordre pour le peu de techniciens qui vont obtenir leur diplôme dans trois ans. La situation pourrait toutefois être réévaluée dans les prochaines années lorsqu’il y aura plusieurs centaines de TP sur le marché du travail, ajoute-t-il. «Ils n’ont pas besoin d’être dans un ordre pour avoir des responsabilités, pour être reconnus et pour faire leur travail. Les ambulanciers n’ont pas d’ordre professionnel et ils ont beaucoup de tâches délégués par les médecins. Il y a plein d’autres exemples de professions qui ne sont pas encadrées par un ordre professionnel», souligne le président Bolduc. Un pharmacien qui a commenté une lettre ouverte d’un étudiant en Techniques de pharmacie publiée sur ProfessionSanté.ca, le 23 novembre, est en désaccord avec cette décision de l’Ordre. «En tant que pharmacien, je suis à 100% pour une pleine autonomie des TP, surtout dans le fonctionnement technique du laboratoire. Mais sans ordre professionnel, donc sans responsabilité professionnelle, à quel point cette autonomie sera-t-elle complète?» écrit Petr Dvorak, ajoutant que «la seule voie à la pleine autonomie, c’est la pleine responsabilité professionnelle de tous ses actes».

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