François Paradis, de la CAQ: «je m’inquiète pour ceux et celles qui travaillent dans le réseau»

Profession Santé a rencontré François Paradis à l’Assemblée nationale, au moment où on y débattait du cas d’un patient ayant recouru au sociofinancement pour se payer des douches supplémentaires. Son CHSLD ne lui en offrait qu’une par semaine. « C’est la preuve qu’il faut recentrer le réseau sur les besoins réels des patients. Le curatif, d’accord, mais ne négligeons pas les soins d’hygiène réguliers », affirme le député de Lévis pour la Coalition Avenir Québec, porte-parole du deuxième groupe d’opposition pour les aînés, en matière de santé et de services sociaux, et en santé publique. Que veut dire « recentrer le réseau sur les besoins réels des patients », selon vous ?Soutenir les équipes multidisciplinaires dans les CHSLD, en revalorisant le travail de celles et ceux qui donnent les soins de base au quotidien. Préposés aux bénéficiaires, infirmières auxiliaires, infirmières et autres personnes au chevet du malade sont la fondation même de notre système de soins. La CAQ propose de créer une corporation professionnelle des préposés aux bénéficiaires pour leur donner, entre autres, une formation uniforme.Des préposés à bout de souffle me disent, les larmes aux yeux, avoir été embauchés pour faire autre chose que de courir sans arrêt, pour avoir aussi le temps de parler avec la personne. Or, tout est chronométré à la seconde et tous les patients sont mis dans le même moule : ils se lèvent et mangent tous à la même heure. Pourtant, cette clientèle lourde, qui inclut aussi des patients jeunes atteints de maladies dégénératives, demande plus d’attention. François Paradis, député de Lévis pour la CAQ, porte-parole du deuxième groupe d’opposition pour les aînés, en matière de santé et de services sociaux, de même que pour la Santé publique. Photo : Denis MéthotFaut-il revoir les normes dans les CHSLD ?Il n’y existe pas de normes minimales de soins d’hygiène. Les nouveaux arrivants dans le réseau public, les baby-boomers, vont demander plus et exiger de recevoir les soins fondamentaux. C’est une question de dignité. Pourtant, ce gouvernement fait preuve d’une fermeture sur ces réalités, d’un aveuglement volontaire face aux besoins pressants des gens. Et c’est ce qui a poussé le patient en question à recourir au sociofinancement.Quelle serait la première mesure que prendrait un gouvernement de la CAQ en matière de santé ?Revoir l’incorporation des médecins, car c’est une question d’équité et d’équilibre. Les médecins ne prennent pas de risques financiers, ils n’ont pas à se chercher des clients, leur clientèle est automatique. Ils n’ont pas à courir à droite et à gauche pour les contrats. Leur seul client payeur, leur employeur, c’est l’État. Ils ne prennent pas les risques habituels qui justifient le statut de libre entrepreneur incorporé.Leur incorporation vient s’ajouter à une hausse importante de leur rémunération depuis 2007, à la clause remorque et à la normalisation des frais accessoires par le ministre Barrette. Abordons donc le sujet de l’incorporation, car le contexte de 2016 a changé par rapport à celui de 2007, date de l’incorporation. Pour les médecins, le rattrapage salarial qu’on disait essentiel a été atteint. Passons à autre chose : rétablissons l’équilibre et travaillons désormais sur l’efficacité, la qualité du service.Mais les médecins ne voient pas la situation ainsi…Ceux avec qui j’en discute, si. Le citoyen a le plus grand respect face au médecin individuel; mon médecin vaut tout l’or du monde quand je le rencontre, mais le moment est venu de revenir à l’équilibre. Il y a beaucoup d’argent public à récupérer en revoyant l’incorporation.L’incorporation des médecins vients’ajouter à une hausse importantede leur rémunération depuis 2007,à la clause remorque et à la normalisationdes frais accessoires parle ministre Barrette.Où la CAQ investirait-elle l’argent ainsi récupéré, que votre parti estime à 150 millions $ depuis 2007 ?Dans les soins à domicile. Le ministre Barrette n’a pas le portrait de ce qui se passe dans son ministère à cet égard. Or, il y a des besoins pressants pour 16 500 personnes en attente d’un premier service à domicile évalué. En ergothérapie, par exemple, l’attente est souvent de 200 jours, et pendant ce temps, la santé du patient se dégrade. Je pourrais aussi mentionner les listes d’attente pour une échographie, pour une IRM, un scan…Et les pharmaciens ?Ils n’occupent pas toute la place qui leur revient. Revoir la notion de rémunération, afin de mettre un terme aux allocations professionnelles, aux ristournes, contribuerait à leur donner les coudées franches pour être plus participatifs comme il le souhaitent. Ils pourraient ainsi, par exemple, mieux revoir les médicaments, s’attaquer à la surprescription, etc. À quand par ailleurs une politique du médicament revue et corrigée ?Depuis deux ans, le ministre Barrettemet l’accent sur la gouvernance,les structures, mais sa réforme épuisenos gens. Si les gens qui donnentles services ne s’y retrouvent plus,imaginez les patients !Comment voyez-vous l’interdisciplinarité en santé ?Comme le nerf de la guerre, mais ça implique là aussi de réviser le mode de rémunération des médecins, pour équilibrer le rapport actes/prise en charge. Tout n’est pas que curatif. Un gouvernement de la CAQ pousserait plus les infirmières. Bien souvent, elles n’ont pas de permanence, sont soumises au temps supplémentaire obligatoire, etc. Tout ne se résume pas à l’argent cependant, c’est aussi une affaire de qualité de milieu de vie, de milieu de soins. Et puis, au rythme où l’on forme les 2000 IPS promises par le ministre Barrette, on en a jusqu’en 2056.Quel bilan dressez-vous de la réforme Barrette ?Je m’inquiète de l’état de ceux et celles qui travaillent dans le réseau. Depuis deux ans, le ministre Barrette met l’accent sur la gouvernance, les structures, mais sa réforme épuise nos gens. On fait de la médecine mathématique, qui met à mal tout un réseau, mais c’est la médecine humaine qui compte. L’ex-ministre Claude Castonguay a raison d’exhorter le gouvernement à ralentir. Si les gens qui donnent les services ne s’y retrouvent plus, imaginez les patients !Enfin, une nouvelle vision des choses s’impose quant à la rémunération. Les négociations concernaient jusqu’ici le MSSS et les syndicats médicaux. Or, le public s’est invité à ces discussions, forçant à y inclure le bien de la population. En matière de rémunération des médecins, il faut retrouver le sens de la mesure, sans parler de la nécessité de rééquilibrer la santé avec les autres fonctions de l’État. Voyez tout le terrain qu’on a perdu en éducation ! Les médecins avec qui je discute reconnaissent très clairement le bien-fondé de ce nécessaire changement de vision.

François Paradis, de la CAQ: «je m’inquiète pour ceux et celles qui travaillent dans le réseau»

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