Examens: faut-il faire le suivi avec un patient orphelin?

Un médecin de famille qui prescrit des examens à un patient orphelin lors d’une consultation au sans-rendez-vous est-il tenu de le revoir pour lui présenter les résultats? Cette question préoccupe bon nombre d’omnipraticiens et même des spécialistes, qui se demandent jusqu’où vont leurs obligations en pareilles circonstances.Sauf exception, les soins prodigués à l'urgence ou dans une clinique sans rendez-vous ne créent pas un devoir de diligence continu de la part du médecin une fois que le patient a reçu son congé, expliquait l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) dans un article paru il y a quelques années. Toutefois, au Québec, les dispositions du Code de déontologie des médecins ne laissent pas place au doute quant au devoir de diligence du suivi des résultats d’investigation demandés lors de la consultation.«L’article 32 est très clair, précise la Dre Lorraine LeGrand Westfall, directrice Affaires régionales à l’ACPM: "Le médecin qui a examiné, investigué ou traité un patient est responsable d’assurer le suivi requis par l’état du patient, à moins de s’être assuré qu’un autre médecin ou un autre professionnel habilité puisse le faire à sa place."»Obligation de suivi«Il est certain que cet article amène une obligation de faire un suivi dans le scénario d’une clinique sans rendez-vous, évalue la Dre LeGrand Westfall. Le médecin doit alors réaliser une évaluation clinique, un diagnostic ou diagnostic différentiel ou un plan de traitements, et le communiquer clairement au patient. Si cela amène la nécessité de faire des prescriptions, ou des examens ou des investigations, le médecin sera tenu de faire le suivi lui-même, à moins qu’il ne puisse transférer cette responsabilité à un autre.»L’engrenageNéanmoins, même si le Code de déontologie laisse peu de place à l’interprétation, il existe toujours un certain flou ou, à tout le moins, une très grande prudence chez des médecins devant ce genre de situation. Si le patient orphelin souffre de diverses pathologies ou de problèmes chroniques, le médecin peut craindre de se trouver pris dans un engrenage s’il lui prescrit des examens. De suivi en suivi ou de test en test, ne risque-t-il pas de faire de ce patient orphelin l’un de ses patients réguliers même s’il ne veut plus en accepter de nouveaux?Agir selon les règles de l’artQue cette possibilité soit bien réelle ou pas, le médecin de famille ou le médecin spécialiste n’a pas le choix, il doit évaluer ces patients de la même façon qu’un patient qui fait partie de sa clientèle, a répété la Dre LeGrand Westfall lors d’une entrevue à ProfessionSante.ca.«Si les résultats de l’investigation révèlent des problèmes, le médecin doit agir selon les règles de l’art et en informer le patient. S’il y a nécessité de suivi, soit sur sa condition clinique ou après des tests, il y a une responsabilité pour le médecin de le faire lui-même ou de le transférer à un autre professionnel», précise-t-elle.Elle reconnaît cependant qu’en raison de difficultés d’accès, le transfert n’est pas toujours pas facile à faire, soit dans sa propre clinique si plus aucun médecin n’accepte de nouveaux patients, soit ailleurs sur son territoire. Il faudra informer le patient sur les options possibles pour faire ce suivi. Même en milieu hospitalier, la nécessité d’informer le patient sur les ressources externes pour assurer le suivi restera la même.Pas d’obligation de le prendre comme patientDans certaines provinces, les Collèges des médecins et chirurgiens s’attendent à ce qu’après un certain nombre de visites, le médecin prenne un patient en charge. Celui de Terre-Neuve estime que dans certaines circonstances, le défaut d'assurer aux patients orphelins un traitement continu en milieu communautaire risque d'entraîner des allégations d'inconduite.Pour sa part, le Collège des médecins de la Colombie-Britannique part du principe que les patients qui se présentent à la même clinique à trois occasions ou plus pour un problème semblable ou relié, en particulier s'ils n'ont pas de médecin de famille identifié, doivent recevoir tous leurs soins de cette clinique. Or, cette obligation ou contrainte n’existe pas au Québec.«Sans le prendre comme patient, un médecin peut toujours lui dire: "Tu peux toujours revenir me consulter." Ça ne crée pas un contrat entre les deux parties, mais en même temps, ça dépend de la condition du patient, explique la Dre LeGrand Westfall. L’article 22 du Code de déontologie stipule que "la durée de la relation professionnelle s'établit en tenant compte notamment de la nature de la pathologie, de la nature des services professionnels rendus et de leur durée, de la vulnérabilité de la personne et de la probabilité d'avoir à rendre à nouveau des services professionnels à cette personne".»«Tant et aussi longtemps que ce médecin n’a pas fait un transfert à un autre médecin ou un autre professionnel, résume la représentante de l’ACPM, il reste responsable de faire le suivi de son intervention auprès de ce patient».

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