Éviter les erreurs de diagnostic chez les aînés

Pour la première fois, des chercheurs de l’Université Johns Hopkins[1] ont réussi à quantifier le nombre de décès et handicaps graves attribuables aux erreurs de diagnostic aux États-Unis.Leur étude met ainsi en lumière l'ampleur du problème et l'urgence d'améliorer les diagnostics pour prévenir les 795 000 cas annuels. Les aînés, souvent plus vulnérables en raison de conditions médicales complexes, sont particulièrement touchés par ces erreurs. Au Québec, le cadre de référence sur l'Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, créé en 2011, a été rédigé pour réduire les complications évitables de ce type, explique la Dre Annik Dupras, professeure adjointe de clinique et gériatre à l’Hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne.Aspects cliniques et formation gériatrique Pour la Dre Dupras, les complications découlant de mauvais diagnostics chez les aînés peuvent être dues à la présentation clinique atypique et syndromique, rendant ainsi le diagnostic plus ardu. Il arrive souvent que des symptômes soient attribués à tort au vieillissement, alors qu'ils sont en réalité des signes de maladie, poursuit la Dre Dupras. Cette méconnaissance, tant chez les professionnels de la santé qu’auprès du grand public, contribue au retard de diagnostic et de traitement en remettant la consultation médicale. Ce délai peut en outre mener à «des incapacités qu'on aurait pu prévenir», précise-t-elle. Le manque de formation en gériatrie, malgré le vieillissement croissant de la population, est par ailleurs pointé du doigt par la Dre Dupras. Elle préconise à cet effet d'augmenter la part des soins aux personnes âgées dans les programmes d’enseignement en médecine et d'adapter les programmes de formation continue pour les médecins et les infirmiers. Bien qu'il y ait des progrès, elle estime que la compétence en gériatrie devrait être renforcée tant dans la formation de base que dans les spécialités.Des soins adaptésLa Dre Dupras a par ailleurs contribué à la rédaction du cadre de référence sur l’Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, publié en 2011 et ayant servi de base au développement du Cadre de référence : Vers un service d’urgence adapté pour la personne âgée, en 2022. Elle souligne que ces guides jouent un rôle important dans la réduction des risques de complications chez les personnes âgées à l’hôpital.L’approche adaptée à la salle d’urgence gagne par ailleurs en popularité au Québec. Les urgences de l’Hôtel-Dieu de Sherbrooke et de l’Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, à Cowansville, sont devenues des exemples d’urgences gériatriques et ont obtenu l’accréditation American College of Emergency Physicians.Un problème d’accès en première ligne pour les aînés Parmi les autres problèmes qu’elle relève, la Dre Dupras mentionne le problème d’accès à la première ligne pour les aînés, estimant que les aînés de 70 ans devraient se voir attribuer un médecin de famille en priorité. Une continuité des soins est essentielle pour ces patients, car elle permet une médecine préventive et favorise leur santé et autonomie. Les médecins de famille qui les suivent depuis longtemps seront en mesure de détecter des changements, ce qui est difficile avec un «suivi hétéroclite par plusieurs médecins», poursuit la gériatre. Avec ses 135 gériatres, le Québec ne peut pas «compenser la première ligne». Elle souligne toutefois que la présence d’un gériatre dans un hôpital a un impact positif, car elle permet aux infirmiers et aux autres médecins d'apprendre par le biais des suivis réalisés par les spécialistes. Enfin, la Dre Annik Dupras, tient à nommer l’âgisme qui sévit à bien des égards et dont les conséquences ne sont «pas nécessairement une mortalité, mais peuvent être [la] perte d’autonomie». Le biais âgiste risque également d’influencer la décision de réaliser ou non des tests supplémentaires chez les personnes âgées, ce qui peut empêcher d’établir le bon diagnostic.[1] Newman-Toker DE, Nassery N, Schaffer AC, et coll. Burden of serious harms from diagnostic error in the USA. BMJ Quality & Safety 2024;33:109-120.

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