Étude: les ITSS sont sous-diagnostiquées chez des hommes gais et bisexuels

C’est ce que révèle l’étude ENGAGE, selon laquelle 80% des infections à chlamydia trachomatis et 94% de celles à neisseria gonorrhoeae ne seraient pas décelées lorsque la détection de ces ITSS est faite seulement par les prélèvements urinaires. Ce test est encore le plus souvent utilisé par les médecins pour dépister ces maladies. L’étude, qui a analysé les données de 1177 participants gais, bisexuels et hommes ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes, a montré que les infections se retrouvent souvent dans les zones extragénitales comme le pharynx et le rectum. «On savait qu'il y avait beaucoup d'infections aux sites extragénitaux, mais pas dans une aussi grande proportion», a réagi la chercheuse et étudiante de quatrième année en médecine de l’Université de Montréal, Simonne Harvey-Lavoie. À lire aussi: INESSS: mise à jour du guide d'usage optimal pour la chlamydia et la gonorrhée Selon elle, les travaux de son groupe de recherche confirment ainsi l'importance de dépister plus souvent les régions extragénitales afin de réduire le fardeau des ITSS. «Les guides de dépistage du gouvernement du Québec recommandent de dépister tous les endroits où il y a eu des contacts sexuels, mais souvent ce n'est pas fait», mentionne l'étudiante qui est l'auteure principale d'un article publié dans la revue Sexually Transmitted Diseases. Favoriser les tests rectaux et pharyngés En situation de pénurie de kits de tests de dépistage, par exemple, la priorité pourrait être donnée aux tests rectaux et pharyngés plutôt qu’aux tests urinaires chez les hommes asymptomatiques, selon elle. Notons qu’un peu plus de 50% des hommes ayant contracté la chlamydia ou la gonorrhée sont asymptomatiques. À lire aussi: Quiz - Gonorrhée et chlamydia: que connaissez-vous du traitement accéléré des partenaires (TAP)? Par ailleurs, d’autres travaux doivent être menés pour mieux comprendre la manière dont se transmettent ces infections, estime Simonne Harvey-Lavoie. «Certains modèles démontrent que la transmission par un baiser profond [french kiss] est très plausible, surtout pour la gonorrhée. C'est intéressant, puisque ce n'est pas le genre de contact auquel les médecins vont penser lorsqu'ils veulent dépister une ITSS. Ça pourrait expliquer en partie pourquoi on détecte beaucoup de gonorrhée au niveau du pharynx.» Moins de cas en 2020 ? La gonorrhée et la chlamydia étaient en forte progression au Québec depuis 2013. Or, la pandémie serait venue inverser cette tendance, selon les plus récents chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). En effet, le nombre de cas déclarés de chlamydia a chuté de 22% et de 28% pour la gonorrhée entre 2019 et 2020. Notons toutefois que seuls les neuf premiers mois de l’année 2020 ont été considérés. «Il est probable que cette diminution ne reflète pas la situation réelle de l’incidence des ITSS dans la communauté», indique l’INSPQ dans son rapport déposé en mars 2021. En effet, au cours de la première vague (mars à juin), la pénurie de matériel de détection a certainement eu un impact sur le nombre de cas détectés et déclarés. Le manque de main-d’œuvre assignée au dépistage des ITSS et le confinement qui a entrainé une limitation des contacts pourraient également expliquer cette baisse enregistrée», avance l’INSPQ. À lire aussi: Les mesure contre la COVID-19 ont engendré un net recul des maladies infectieuses Les chiffres de l'Institut contrastent avec ceux du centre d’autoprélèvement des ITSS Prélib et de la clinique médicale l’Actuel, spécialisée en santé sexuelle, selon qui le nombre de cas d’ITSS a augmenté durant la pandémie. D'après un article de La Presse, du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, la clinique l’Actuel a constaté une augmentation des cas de chlamydia (+18%), de gonorrhée (+53%) et de syphilis (+128%). De son côté, le centre d’autoprélèvement des ITSS Prélib est passé de 300 dépistages par mois avant la pandémie, à plus de 1000 par mois pendant la crise sanitaire. À la hausse des ITSS, s’ajoute un problème qui inquiète beaucoup les experts de l’INSPQ ces dernières années: la résistance aux antibiotiques. La situation est particulièrement alarmante pour la gonorrhée puisque la résistance de l’azithromycine, un médicament efficace pour traiter cette ITSS, atteint désormais 31%.

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