«Je n’ose pas imaginer ce que sera le budget de la santé dans 10 ans» -- André Côté, président de l’ADGSSSQ

Les 350 directeurs généraux et directeurs généraux adjoints du réseau québécois de la santé gèrent près de 260 000 employés et professionnels et plus de 20 milliards $ par année.Entrevue avec André Côté, président-directeur général de l’Association des directeurs généraux de la santé et des services sociaux du Québec (ADGSSSQ), que ProfessionSanté.ca avait rencontré peu avant la publication du premier budget du gouvernement Marois. Quels sont les principaux enjeux auxquels font face les directeurs généraux du réseau de la santé et des services sociaux actuellement?Gérer les services, les listes d’attente et le fonctionnement de tout ce grand système de santé, c'est le lot quotidien des gestionnaires du réseau.Mais le grand défi des directeurs généraux est de gérer les ressources humaines et financières de façon plus efficiente pour répondre le mieux possible aux besoins de la population québécoise.Comment s’y prennent-ils?Si vous gérez un hôpital et qu’il vous en coûte tout à coup un million de plus pour des médicaments, il n’est pas toujours certain que votre budget va augmenter en conséquence. C’est une situation qui vous force à faire des choix de programmes ou à procéder à des analyses de performance de certains services.Outre le défi démographique, l’évolution des technologies et l’arrivée de nouveaux médicaments mettent beaucoup de pression sur la gestion du réseau. C’est une gestion qui exige de faire des choix plus éclairés.Les décisions ne sont pas toujours faciles à prendre, car la demande pour de nouvelles technologies ou de nouveaux médicaments est en augmentation, tout comme la demande pour les services aux personnes atteintes de maladies incurables ou de cancer.Si la demande ne cesse d’augmenter, comment faire des choix?Comme société, il y aura des décisions à prendre. On est déjà rendu à 30 milliards $ pour le budget de la santé, dont 20 milliards pour les établissements et 10 milliards pour les médecins et les médicaments de la RAMQ. À 5% d’augmentation par année, je n’ose pas imaginer ce que sera le budget de la santé dans dix ans.Il y aura des choix éthiques difficiles à faire pour assurer une gestion efficace des ressources. Actuellement, il y a des débats autour de plusieurs scénarios, comme revoir le panier de services ou revoir certains droits acquis des médecins. Par exemple, si demain matin 2 000 infirmières spécialisées pouvaient prescrire des médicaments, on pourrait peut-être servir des milliers de citoyens de plus.Qu’est-ce qui préoccupe le plus les directeurs généraux aujourd’hui?Pour avoir récemment sondé nos membres, je peux dire que les directeurs généraux n’ont pas tous les mêmes priorités et les mêmes défis. Nous ne sommes pas nécessairement tous rendus au même endroit dans le développement du réseau local. Le coût des médicaments n’a pas le même impact sur les budgets pour tous les établissements.Les établissements ultra spécialisés sont beaucoup plus concernés par les nouvelles technologies. Par exemple, un collègue directeur général peut me dire que ses chirurgiens orthopédiques ont découvert une nouvelle prothèse. Il a donc une décision à prendre sur le plan budgétaire. Il y a cinq ans, l’installation de la même prothèse chez un patient coûtait 1 000 $. Aujourd’hui, il s’agira d’une prothèse améliorée, mais elle coûtera 10 000 $.En milieu rural, les établissements sont généralement moins préoccupés par les soins ultra spécialisés. En revanche, ils ont des défis de ressources humaines en raison de la pénurie de personnel. Les défis sont donc à géométrie variable selon la région et le type d’établissement. Pour ma part, avec 32 ans d’expérience comme gestionnaire dans le réseau, je peux dire que s’il existait une recette facile, nous l’aurions forcément trouvée.Outre l’aspect financier, quel est l’autre enjeu des directeurs généraux?Les enjeux sont nombreux dans notre système de santé très complexe. Mais le principal défi, comme directeur général, est de faire en sorte que les gens de professions et de métiers variés travaillent ensemble dans un but commun.Le directeur général et le directeur général adjoint doivent s’assurer que les employés syndiqués, les médecins et les autres cadres qui dirigent les équipes cliniques dans des dizaines de programmes – en somme tous les services – travaillent comme des horloges bien synchronisées, tout en leur permettant de maximiser leur potentiel clinique et leurs capacités à aider les citoyens qui leur sont confiés.Le défi d’organisation et de gestion est très important. Il n’est pas simple de suivre un patient durant un épisode de soin ou même durant une très longue période si la personne est aux prises avec une maladie chronique. Les principaux gestionnaires sont responsables – c’est-à-dire imputables – pour que tout le continuum de soins fonctionne le mieux possible sans accroc, sans trop de périodes d’attente indue ou incorrecte.Il ne faut pas oublier qu’un établissement de santé est une entreprise d’êtres humains qui aident d’autres êtres humains. Les directeurs généraux doivent être capables de dynamiser, de motiver et de stimuler des équipes d’êtres humains à travailler ensemble pour en aider d’autres qui ont absolument besoin d’eux. C’est toute une responsabilité!

«Je n’ose pas imaginer ce que sera le budget de la santé dans 10 ans» -- André Côté, président de l’ADGSSSQ

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