Entrave: un tribunal confirme une sanction sévère à l’égard d’un médecin

Dans une décision rendue le 8 juillet dernier, le Tribunal des professions a tranché que des radiations d’une durée totale de deux semaines en plus d’amendes de 5000 $ pour entrave au travail du syndic du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec étaient justifiées. Il a toutefois annulé une radiation supplémentaire d’une semaine pour un autre chef d'accusation. Le psychiatre Jean-François Lacerte avait plaidé coupable en 2018 d’avoir entravé une enquête du syndic et d’avoir négligé de conserver au dossier médical un addendum. Le Conseil de discipline lui avait imposé une radiation temporaire de deux semaines sur le chef no2 et d’une semaine sur le chef no4, auxquelles s’ajoutaient des amendes de 5000 $ pour chacun de ces motifs. En désaccord avec la sévérité de la sanction, le Dr Lacerte avait porté cette décision en appel devant le Tribunal des professions; il reprochait au Conseil de discipline de ne pas avoir motivé sa décision et questionnait la «raisonnabilité» des sanctions. Des infractions jugées graves L’affaire avait démarré il y a neuf ans. En 2012 et 2013, le Dr Lacerte avait émis des rapports d’expertise psychiatriques au sujet de certains personnes à la demande de leur assureur. En 2013, le syndic du Collège lui avait demandé de lui transmettre une copie intégrale du dossier constitué pour la cliente A, et le médecin s’était exécuté. Il avait toutefois attendu un an complet avant de lui faire parvenir des documents additionnels. En février 2014, le bureau du syndic lui avait aussi réclamé une copie intégrale d’une autre patiente, Madame B. Le Dr Lacerte n’ayant pas répondu à cette deuxième requête, le bureau du syndic lui avait envoyé un rappel deux mois plus tard. En mai, le psychiatre avait obtempéré et remis le rapport d’expertise demandé. Toutefois, celui-ci ne contenait pas l’addendum demandé par l’assureur que le médecin avait produit en complément de son rapport. Il n’en n’avait pas conservé copie dans son dossier. Dans les deux cas, le Conseil de discipline avait jugé ces infractions graves, puisqu’elles portaient atteinte à la protection du public. Selon le Conseil, l’expérience du Dr Lacerte aurait dû le prémunir de commettre ces infractions. Par ailleurs, il avait considéré que les multiples années d’expérience du médecin constituaient un facteur aggravant et que ce dernier avait eu une attitude insouciante face à ses obligations à l’égard du bureau du syndic. «Le professionnel ne doit pas s’immiscer dans l’enquête du syndic et il ne lui appartient pas de déterminer ce qui est pertinent ou non dans celle-ci», avait rappelé le Conseil de discipline. Sous le chef d’entrave, la pénalité devait tenir compte de la durée de l’inconduite, soit plus d’une année, ainsi que de la nature et du nombre de documents que le médecin avait omis de transmettre au syndic. La sanction imposée devait avoir un effet dissuasif et d’exemplarité, avait estimé le Conseil. Des sanctions déraisonnables? Jugeant que trois semaines de radiation et 10 000$ d’amendes constituaient une sanction déraisonnable, le psychiatre avait décidé de contester. Devant le Tribunal des professions, son avocat a fait valoir qu’elles ne reflétaient pas la fourchette des décisions précédentes pour une infraction d’entrave de cette nature. En réponse, les trois juges ont rappelé des extraits d’une décision rendue par la Cour d’appel à l’effet qu’une sanction sévère n’est pas nécessairement déraisonnable. Les magistrats ont plutôt estimé que le Conseil de discipline avait adhéré à un courant jurisprudentiel qui adopte des sanctions plus sévères en matière d’entrave. Le même Tribunal des professions avait reconnu dans une autre cause qu’il existe un durcissement des pénalités pour entrave. Il a cité dans sa conclusion un extrait d’un jugement de la Cour d’appel dans l’arrêt Terjanian c. Lafleur.: «Les tribunaux ont tendance à sanctionner l’entrave au travail du syndic plus sévèrement en raison de son effet hautement préjudiciable sur le système disciplinaire, considérant qu’une sanction sévère dissuade à la fois le professionnel lui-même et les autres membres de l’ordre professionnel de commettre ce type d’infraction.» Néanmoins, le Tribunal a donné raison au Dr Lacerte pour sa contestation de la sanction du chef no 4 et annulé la radiation d’une semaine qui lui avait été imposée sous ce motif en plus de réduire l’amende totale de 50%, pour la ramener à 5000 $ plutôt que 10 000 $. Sa suspension d’une durée de deux semaines a débuté le 12 juillet dernier.

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