Élargissement du diagnostic: le CMQ ouvert, mais…

«De toute évidence, il n’y a pas de solution miracle aux enjeux actuels dans le réseau. Ceux-ci sont nombreux: la pénurie de personnel, la désuétude des infrastructures, les iniquités dans l’offre de soins selon les régions, les débordements des urgences, etc. L’élargissement du diagnostic fait partie, à long terme, d’un éventail de possibilités», a récemment écrit le président du Collège des médecins du Québec (CMQ), le Dr Mauril Gaudreault, dans un message envoyé à ses quelque 22 000 membres actifs. Le Dr Gaudreault réagissait à un rapport du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ), publié en septembre dernier, qui proposait que le diagnostic ne soit plus réservé aux seuls médecins et, dans une moindre mesure, aux infirmières praticiennes spécialisées. Selon le CIQ, les ordres des psychothérapeutes, des infirmières, des diététistes-nutritionnistes, des orthophonistes, des audiologistes, des ergothérapeutes, des sexologues, des physiothérapeutes et des inhalothérapeutes, entre autres, souhaitent que leurs membres puissent diagnostiquer. Par contre, s’ils veulent diagnostiquer, chaque professionnel devra énoncer clairement l’ensemble des limites de son champ d’exercices, au-delà desquelles il devra rediriger le patient vers le médecin, affirme le Dr Mauril Gaudreault. De plus, des balises déontologiques devront être clairement établies en lien avec les compétences professionnelles. «Au bout du compte, si les compétences professionnelles requises ne sont pas au rendez-vous, ce sont les patients qui seront pénalisés alors que la trajectoire de soins qui leur est proposée risque de se terminer en cul-de-sac ou d’être allongée», note le président du CMQ. Éviter le one size fit all Le vice-président de la FMOQ, le Sylvain Dion, abonde dans le même sens. «Émettre un diagnostic nécessite une bonne base académique. Nous, les médecins de famille, avons cette base qui nous permet d’avoir un diagnostic différentiel qui est large et que tous les professionnels ne peuvent pas avoir. Toutefois, il y a des problèmes de santé pour lesquels d’autres professionnels avec une bonne formation pourraient porter un diagnostic», affirme le Dr Dion, en entrevue avec ProfessionSanté.ca. Par exemple, les psychologues, qui doivent avoir un doctorat pour pratiquer, devraient pouvoir diagnostiquer certaines pathologies, selon lui. De leur côté, les inhalothérapeutes qui effectuent des tests à leurs patients pour vérifier s’ils ont des maladies pulmonaires obstructives chroniques devraient également pouvoir diagnostiquer ces maladies, poursuit-il. Selon le Dr Dion, il ne faut toutefois pas permettre aux professionnels de diagnostiquer toutes les maladies. «Il faut regarder cela à la pièce, selon les professionnels et les pathologies. Il n’y a pas de one size fit all.» Reconnaître l’expertise des autres professionnels Régis Blais, professeur titulaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, se réjouit de l’ouverture du Collège et de la Fédération sur ce sujet. «Les autres professionnels ont une expertise pointue que les médecins n’ont pas. Un médecin de famille ne connaît pas nécessairement beaucoup la physiothérapie, l’ergothérapie ou la nutrition. Permettre le diagnostic, c’est de reconnaître l’expertise de ces professionnels», affirme-t-il. Déjà, les professionnels procèdent à des évaluations sur leurs patients qui ne sont pas à proprement parler un diagnostic, mais qui s’y apparente, poursuit-il. «Que l’on appelle cela un diagnostic ou une évaluation professionnelle, il faut que les autres professionnels puissent établir l’état du patient. Par exemple, une nutritionniste qui constate que son patient ne mange pas de façon équilibre va établir son problème et le traiter.» L’an dernier, Régis Blais a corédigé un rapport publié par le CIRANO après avoir interviewé individuellement 33 professionnels de la santé. Le constat est clair: le réseau de la santé aurait tout à gagner en efficacité si les compétences des professionnels étaient exploitées à leur plein potentiel. «Par exemple, un autre professionnel qu’un médecin devrait diagnostiquer une otite. Si le médecin diagnostique cette infection, il ne travaille pas à la hauteur de ses compétences», illustre-t-il. Pas une panacée Pour le vice-président de la FMOQ, le diagnostic n’est toutefois pas une panacée. «Il faut arrêter de penser qu’un diagnostic est toujours requis pour répondre aux besoins de santé d’un patient», souligne-t-il. Or, ce diagnostic est souvent requis pour leurs assureurs privés. Pour le Dr Dion, il est temps que cela cesse. «Il va falloir que l’on sorte de la sacro-sainte nécessité d’avoir un diagnostic pour un assureur, s’emporte-t-il. Même s’il n’a pas de diagnostic de dépression majeure posé par un médecin, le psychologue est capable de dire que le patient est capable de travailler ou pas.» D’autre part, il faut arrêter de penser que le médecin doit mettre son empreinte sur tout et sur rien, ajoute-t-il. Par exemple, d’autres professionnels pourraient remplir les formulaires de la CNESST pour le suivi d’un patient. Entre autres, le physiothérapeute pourrait le remplir pour un patient ayant une lombalgie chronique et qui n’est pas capable de travailler.

Élargissement du diagnostic: le CMQ ouvert, mais…

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes