Déterminants sociaux: «réduisez les inégalités et vous améliorerez la santé!»

Devant une salle conquise – il était l’invité de la Direction de santé publique de Montréal - , Sir Mickael Marmot a de nouveau prêché la bonne parole. La bonne donnée plutôt, puisque c’est en se basant sur des données probantes que le médecin britannique prouve, encore et toujours, qu’il vaut mieux être scolarisé et favorisé économiquement si l’on veut vivre longtemps. Nouveauté dans son plus récent livre, The Health Gap – The challenge of an unequal world, l’épidémiologiste montre aussi que lorsque des gouvernements s’attaquent aux déterminants de la santé et améliorent la situation sociale et économique des plus pauvres, ces derniers vivent en meilleure santé et plus longtemps.Après avoir réussi à mettre à l’ordre du jour les inégalités de santé au Royaume-Uni, où le gouvernement lui a commandé un rapport sur la situation dans le pays, puis au sein même de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) où il a dirigé la Commission des déterminants sociaux de la santé, c’est maintenant à la tête de l’Association médicale mondiale (AMM) que le célèbre épidémiologiste tente de passer son message à l’effet que les inégalités ont tout d’une épidémie mortelle.« Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les médecins, ce sont les inégalités sociales », a expliqué le Dr Marmot, qui a plusieurs fois refusé la présidence de l’AMM avant finalement d’accepter ce poste parce qu’on lui a assuré qu’il pourrait s’en servir comme d’une tribune pour promouvoir sa cause.Il avait d’ailleurs un message pour ses collègues, qui lui ont demandé comment un médecin peut agir sur les déterminants de la santé. « Je suis bon pour dire aux gouvernements ce qu’ils doivent faire, pas aux médecins », s’est-il amusé avant de préciser que, pour lui, « ce que l’on est en droit d’attendre d’un chirurgien, c’est d’être un bon chirurgien ».Comme président de l’AMM, il met de l’avant cinq façons pour les médecins d’agir sur les déterminants sociaux dans le cadre de leur pratique quotidienne.Parlez des déterminants sociaux quand vous enseignez aux futurs médecins.Voyez vos patients avec en tête les déterminants sociaux.Souciez-vous de vos employés et protégez les droits des employés qui travaillent dans les établissements de santé.Soyez à l’écoute de ceux qui travaillent sur des sujets connexes aux déterminants sociaux.Militez pour faire connaître l’impact des déterminants sociaux.Et si pour cela il faut monter sur une table pour se faire entendre, faites-le, a-t-il dit en grimpant lui-même sur un des pupitres de la salle où il faisait sa présentation. Militer pour quoi ? Pour un revenu minimum garanti, par exemple, a-t-il souligné. Les médecins sont en effet bien placés pour défendre cette idée puisque ce n’est pas seulement une question de dignité humaine ou de politique, mais aussi de santé.Tout le monde ne part pas avec les mêmes chancesSir Marmot a retenu l’attention de son public en citant un exemple qui a malheureusement eu beaucoup d’écho dernièrement dans l’actualité : le suicide de jeunes autochtones. Même si chaque suicide est unique, on ne peut passer outre le fait que le taux de suicide chez les jeunes autochtones est cinq fois plus élevé que chez les autres jeunes Canadiens. Or pour le Dr Marmot l’environnement dysfonctionnel dans lequel vit cette communauté joue un rôle certain dans cette donnée. « Les jeunes autochtones se tuent pour des raisons culturelles et une action sociale peut résoudre ce problème », affirme-t-il.C’est la même chose dans plusieurs villes des États-Unis, notamment à Baltimore où le phénomène a été étudié. Le quartier où les jeunes vivent serait lié au risque plus ou moins élevé d’avoir un casier judiciaire un jour. Évidemment, avoir un casier judiciaire compliquera leur recherche d’emploi plus tard. Cliquez sur l'image pour agrandirÀ Glasgow, selon le niveau économique du quartier de naissance, l’espérance de vie moyenne peut être de 54 ans ou bien de 82 ans. À Montréal, elle est de 74 ans dans l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve et de 85 ans dans celui de Saint-Laurent. Pour contrer ces inégalités, une des solutions est de donner le meilleur départ possible aux enfants, martèle le Dr Marmot. « Des gens pensent encore que les pauvres sont les artisans de leur malheur. Donnez-leur une enfance stable et gardez-les à l’école, et s’ils gaspillent leur vie, ils en seront responsables. Mais à l’heure actuelle, c’est la société qui est responsable de leur déchéance », assure le Dr Marmot.Effacer les inégalités pour vivre plus longtemps Bloomsbury Press Novembre 2015, 30 $De plus, qu’un pays devienne plus riche n’est pas non plus l’unique solution. Ainsi, un citoyen de l’Inde, aussi riche soit-il, a une espérance de vie similaire à la pire espérance de vie au Pérou, dit le Dr Marmot, qui ajoute que les impôts doivent servir aussi aux plus pauvres. Ce n’est pas inutile, affirme l’épidémiologiste, contrairement au mythe voulant que les plus pauvres utilisent les nouvelles allocations à mauvais escient. « Faux, ils les utilisent pour nourrir leurs enfants... » En Suède, notamment, l’État utilise une partie des impôts afin de réduire l’incidence de la pauvreté chez les enfants. Cette incidence est ainsi passée de 22 % à 11 %. Aux États-Unis, cette incidence stagne à 22 %, ce qui fait dire au Dr Marmot qu’agir sur la pauvreté est une décision politique. Plusieurs autres facteurs, tous documentés, ont aussi un impact, a rappelé le Dr Marmot. On sait maintenant que l’on vit plus vieux dans les sociétés où les revenus des enfants devenus adultes seront plus élevés que celui de leurs parents. Il souligne par ailleurs l’importance de bonnes conditions de travail et de l’équité dans l’emploi. Une chose est sûre, les pays qui réussissent le mieux en matière d’espérance de vie ont un point commun, a remarqué le Dr Marmot.Ils font beaucoup d’effort pour diminuer les inégalités sociales et, malgré cela, ils sont pourtant persuadés qu’ils n’en font pas encore assez dans ce domaine !Vous pouvez visionner la présentation de Dr Marmot sur le site du Centre de recherche Léa-Roback sur les inégalités sociales de santé de Montréal dans le cadre des grandes conférences Paul-Bernard.www.centrelearoback.org/fr/activites/series/grandesconferencespaulbernard/

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