Des prescriptions pour prévenir la grossophobie dans le milieu de la santé

La littérature scientifique montre que la grossophobie est une forme de discrimination assez répandue dans le milieu de la santé. Au Québec, elle a été mise en lumière par un sondage de la firme Léger réalisé en juillet 2023 auprès de 1001 Québécois ayant un indice de masse corporelle (IMC) de 25 kg/m2 ou plus. Un quart des répondants disent avoir déjà subi de la grossophobie et, parmi eux, un sur trois dit l’avoir vécue lors d’une visite médicale.Plus du quart des personnes sondées (27%) qui avaient consulté un professionnel de la santé dans la dernière année se sont fait conseiller de perdre du poids, alors que dans 88% des cas, ce n’était pas le motif de la consultation. Signe d’un certain malaise chez ces patients, 28% ressentent de l’inconfort à l’idée de parler de leur poids avec un médecin et 17% avec un pharmacien. Résultat, plus d’une personne sur cinq ayant vécu de la grossophobie déclare s’être déjà abstenue de consulter pour éviter d’aborder ce sujet très sensible pour elles.«La situation est préoccupante, car elle a un réel impact sur l’accès aux soins de santé et sur leur qualité», signale Hendrik Pineda, chargé de ce dossier au sein du Collectif Vital — l’ex-Coalition poids — qui est chapeauté par l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ). Le kinésiologue de formation souligne que la grossophobie médicale peut notamment compromettre la relation entre les professionnels de la santé et leurs patients. «On peut penser aux erreurs de diagnostic qui découlent de la tendance à attribuer tous les problèmes de santé d’une personne à son poids ou à la perte de confiance envers le corps médical.» Il ajoute que certains préjugés inappropriés peuvent également nuire à l’adoption de saines habitudes de vie et qu’ils peuvent même augmenter le risque de développer des troubles alimentaires.Le Collectif Vital invite donc les médecins, les pharmaciens et les autres professionnels à prendre conscience de leurs préjugés et à mener une réflexion pour les déconstruire. «C’est le premier pas à faire sur le chemin d’une communication plus respectueuse et bienveillante à l’égard du poids», indique Hendrik Pineda. Il estime ainsi que certains messages de santé publique devraient être corrigés, car ils perpétuent le mythe selon lequel il suffit de «manger mieux et de bouger plus» pour perdre du poids. Or, «l’alimentation et l’activité physique ne sont pas les seuls facteurs qui influencent le poids. La génétique, l’ethnicité, la prise de médicament, le stress, le fait de vivre de la grossophobie et les milieux de vie sont des facteurs tout aussi importants».À lire aussi : Testez vos connaissances sur la prise en charge de l'obésité (QUIZ)Dans le même ordre d’idées, il faudrait en finir avec l’idéal de la minceur. «Un poids élevé n’est pas nécessairement associé à une mauvaise santé. À l’inverse, une personne maigre n’est pas forcément en bonne santé et peut avoir de très mauvaises habitudes de vie. D’où l’importance de considérer d’autres variables pour juger de l’état de santé d’une personne», observe le collaborateur du Collectif Vital, qui encourage les professionnels de santé à changer de discours. «Ils peuvent jouer un rôle crucial pour déconstruire les préjugés sur le poids et prévenir la grossophobie. Ils ont en effet beaucoup d’influence sur le grand public et peuvent contribuer à changer les regards sur le poids.»Prévention quotidienne de la grossophobieÀ leur propre niveau, les soignants ont aussi la faculté de créer un climat de confiance avec leurs patients. Dans une fiche informative intitulée «Agir collectivement pour un milieu médical plus sain et inclusif à l’égard du poids» (téléchargeable en bas de page), le Collectif Vital leur donne des outils et des conseils à mettre œuvre dans leur pratique. «Pour qu’une personne se sente à l’aise à l’idée de parler de poids, il faut lui demander son consentement avant d’aborder le sujet et lui expliquer pourquoi c’est pertinent d’en discuter», mentionne par exemple Hendrik Pineda. Il recommande aussi de porter attention au langage employé, qui peut être stigmatisant, tout comme peuvent l’être la communication non verbale ou certaines attitudes dévalorisantes.Il ne faut pas non plus tenir pour acquis que toute personne est confortable à l’idée de se peser lors d’une consultation, poursuit-il. «On peut lui demander si elle connaît déjà son poids ou lui proposer de ne pas lui dire le chiffre affiché sur la balance. Ce sont des petits détails, mais qui font toute une différence», insiste le jeune homme.À lire aussi: Les limites de l’IMC et le culte de la minceurDans sa fiche, le Collectif Vital dit également estimer qu’il est essentiel d’intégrer le développement de savoirs et de compétences sur la grossophobie au sein de la formation initiale ou continue des professionnels de la santé afin de les aider à mieux intervenir auprès des patients. Il encourage aussi les ordres à reconnaître dans leurs codes de déontologie les stigmatisations fondées sur le poids.

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