Des chercheurs québécois découvrent une protéine cruciale dans le processus de l’obésité

Après cinq années de recherche, l’équipe du professeur Alexandre Fisette a mis le doigt sur une protéine, dénommée Cited1, qui établit un pont moléculaire entre une hormone métabolique, la leptine, et une hormone sexuelle, l’estradiol, dans les neurones du cerveau. Ce faisant, elle enclenche un mécanisme qui participe au contrôle de la balance énergétique et donc du poids corporel. Ainsi, «on pense que Cited1 a un potentiel thérapeutique pour lutter contre l’obésité et c’est ce que nous cherchons dorénavant à vérifier», indique le professeur au département de biologie médicale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). «On est encore loin de la coupe aux lèvres, mais nos résultats préliminaires sont très prometteurs», ajoute-t-il. La leptine, communément appelée «hormone de la satiété», est sécrétée dans le système sanguin par le gras. Plus il y a de cellules adipeuses, plus il y a de leptine en circulation. «Pour le cerveau, c’est la jauge de la quantité d’énergie stockée dans le corps. La leptine enclenche la réponse appropriée en diminuant l’appétit et en favorisant la dépense d’énergie», explique le professeur Fisette. Chez les personnes obèses, on observe cependant une résistance à la leptine qui ne parvient plus à jouer son rôle de contrôleur de la satiété. Partant de là, la communauté scientifique a cherché le moyen de «resensibiliser» le cerveau à la leptine dans le but de traiter l’obésité. L’une des avenues explorées a mené aux hormones sexuelles. «Durant leur vie reproductive, les femmes sont protégées contre les troubles métaboliques, comme le diabète et l’obésité, mais elles y deviennent sensibles après la ménopause», signale le chercheur. L’estradiol, un œstrogène nécessaire au maintien de la fertilité et des caractères sexuels secondaires, a notamment été étudié et il a été démontré qu’il parvenait bel et bien à réactiver la sensibilité à la leptine en s’activant dans la même zone du cerveau. Le hic: en raison de son potentiel cancérigène et de ses effets secondaires nocifs sur la fertilité, l’estradiol ne peut être utilisé en thérapie chez l’humain. «On a donc cherché à comprendre le chemin moléculaire qui permet à l’estradiol de resensibiliser à la leptine en se disant que si on trouvait ce chemin-là, on pourrait sans doute se passer de l’estradiol», retrace Alexandre Frisette. Avec son équipe, ils sont donc partis à la chasse de ce facteur en exploitant différentes bases de données (BDD) ouvertes, notamment des BDD génétiques, qu’ils ont croisées entre elles. «On a identifié que Cited1 pouvait être un bon candidat. C’est une protéine cofacteur de transmission qui peut se “coller” à d’autres protéines pour modifier leur action.» Des preuves sur des souris Pour valider leur intuition, les chercheurs ont adopté une approche préclinique en effectuant des tests sur des souris. Certaines ont été modifiées génétiquement en retirant Cited1 de leur génome, d’autres pas, et toutes ont suivi une diète obésitante. Résultat, les souris mâles sont toutes devenues obèses, tandis que chez les souris femelles, celles dépourvues de Cited1 sont devenues deux fois plus obèses. Afin de vérifier si cette différence dépendait de l’estradiol, l’équipe du Pr Fisette a simulé la ménopause chez des souris femelles «normales» et privées de Cited1 en leur faisant subir une ovariectomie. «Après la même diète obésitante, il n’y avait plus de différence entre les souris sans Cited1 et les autres. À l’inverse, on a traité des souris mâles à l’estradiol. Celles privées de Cited1 ont grossi alors que les autres ont été protégées contre le surpoids», détaille le chercheur. Lire aussi: Des médicaments contre l'obésité bientôt couverts par le régime public? Ces preuves circonstancielles du rôle de Cited1 ont ensuite été corroborées par des études moléculaires plus pointues qui ont abouti à la publication d’un article dans la revue Cell Metabolism; article qui a retenu l’attention des éditeurs de la prestigieuse revue Nature Reviews Endocrinology. «On y démontre comment Cited1 engendre une cascade moléculaire qui permet la rencontre entre la leptine et l’estradiol pour induire le mécanisme de la satiété», résume Alexandre Frisette. Dans un avenir plus ou moins proche, cette découverte pourrait éventuellement conduire à des traitements contre l’obésité. «Est-ce qu’on peut renforcer Cited1 pour resensibiliser le cerveau à la leptine sans recourir à l’estradiol? C’est l’objet de nos recherches afin de vérifier s’il y a un intérêt thérapeutique à cette avenue», déclare le chercheur qui pense que cette approche pourrait aussi être utile pour le traitement du diabète de grossesse ou de l’infertilité.

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