Décès du Dr Guy Boucher: Des médecins de l’UMF Laval rendent hommage à l’un de leurs confrères disparu

« Il est dommage qu’on ne lui ait pas rendu hommage de son vivant parce qu’il aurait mérité les honneurs que nous voulons lui faire aujourd’hui. Cela devrait être dit dans toute la province. » Quelques mois après le décès du Dr Guy Boucher, un omnipraticien de 62 ans décédé d’un cancer le 24 février dernier, près d’une dizaine de ses collègues de l’Unité de médecine familiale Laval, à Québec, se sont réunis pour témoigner de la valeur du disparu et de son apport incalculable à la médecine familiale dans la région.Le Dr Boucher n’a jamais reçu de prix, on ne parlait pas de lui dans L’actualité médicale, disent ses confrères, mais c’était un médecin de la base qui aura eu un impact considérable sur son milieu et sur les gens qu’il a soignés ou formés.Le Dr Boucher a été chef de l’urgence de l’Hôpital Laval et professeur au département de médecine familiale de l’Université Laval. Reconnu pour ses qualités de négociateur et sa capacité à amener ses pairs à collaborer entre eux, il a contribué à l’organisation des soins en médecine familiale dans la région de Québec. Entré à l’UMF Laval au début des années 1970, il en a été l’un des grands bâtisseurs et le directeur pendant 16 ans. Sous sa gouverne, le nombre de résidents y est passé de quatre ou cinq à une douzaine par an.Visionnaire et grand sage, cet omnipraticien de l’ombre a laissé son empreinte à tous les niveaux. Il a formé des centaines de médecins de famille et contribué à instaurer, au sein de l’UMF Laval, un esprit de famille qui survivra à son décès. Durant toute sa carrière, il s’est centré sur les besoins de ses patients en tant que médecin de famille, des résidents en tant que superviseur, et de ses confrères médecins en tant que directeur. Comme enseignant et mentor, il a influencé, voire marqué plusieurs générations de médecins de famille qui exercent aujourd’hui au Québec.Par un triste coup du destin, il s’est éteint un mois avant que son UMF n’aménage dans ses nouvelles installations. Il est décédé après une lutte très âpre qui aura duré près de quatre ans. Ayant réalisé l’automne dernier qu’il allait perdre la bataille contre le cancer, il a demandé à terminer ses jours dans sa résidence, auprès des siens. Son vœu s’est réalisé. Ses proches ont assuré son confort et, durant les dernières semaines, ses collègues se sont relayés à son chevet. Il avait tant donné qu’il aura beaucoup reçu durant sa maladie et jusqu’à sa mort. Un apport important Les témoignages d’appréciation étaient nombreux parmi ses anciens collègues de l’UMF Laval : « Il ne faisait pas de bruit, mais il changeait des choses afin de préparer les résidents à être de bons médecins, souligne la Dre Danielle Saucier. Il pensait qu’un omnipraticien ne devait pas voir un patient en cardiologie couché ou intubé, mais dès son arrivée en consultation. C’était nouveau à ce moment-là, et c’est en jouant le rôle de coordonnateur de l’enseignement qu’il l’a fait. »Le Dr Guy Boucher se préoccupait de la santé des résidents qu’il supervisait. « À cette époque, dit encore la Dre Saucier, les lendemains de garde, on faisait sa journée et personne ne se posait de questions. Le Dr Boucher nous avait donné clairement la consigne : si vous n’avez pas beaucoup dormi, vous avez le droit de dire que vous devez aller vous reposer. Il a été partisan de cette mesure, avant que cela ne devienne une réclamation syndicale. »L’homme a précédé son époque en matière d’interdisciplinarité. Il a introduit une psychologue et une travailleuse sociale à l’UMF Laval au début des années 1980 afin d’offrir de meilleurs soins aux patients. Dans ses fonctions de directeur de la promotion de la faculté de médecine, il devait porter un jugement sur les résidents en difficulté et en a aidé beaucoup qui éprouvaient des difficultés. Plusieurs médecins en exercice lui doivent aujourd’hui d’avoir terminé leur formation avec succès.Dans le milieu de la médecine familiale de Québec, il s’était fait connaître par son talent de rassembleur. « Il était fonceur mais pas défonceur, souligne-t-on. Il tenait compte des positions de chacun et chacune. Quand il parlait à la table du DRMG, tout le monde écoutait. »Frappé par le cancerLe Dr Boucher a été frappé brutalement par la maladie alors qu’il était en service. Un matin, il a été terrassé en pleine réunion. Sur le coup, ses collègues ont cru à un infarctus. Des examens approfondis ont plutôt révélé la présence d’un cancer. Tout de suite, il a pris le taureau par les cornes.« Donnez-moi juste une chance et je vais la prendre », a-t-il dit d’emblée à son entourage. Durant ses études chez les Jésuites, il était insoumis. Il l’est demeuré devant le cancer. Pendant la quasi-totalité de sa maladie, il était en traitement une semaine sur deux et travaillait la semaine où il n’en avait pas. Il a continué à superviser des résidents en difficulté, à voir des patients, à contribuer au sans-rendez-vous et à assumer ses tâches universitaires. Il a tout fait pour travailler à l’UMF Laval jusqu’en novembre 2009. C’était une façon de se sentir vivant et utile. Cela lui a aussi permis de saluer des patients qu’il avait suivis durant 30 ou 35 ans.Son héritage Son décès représente une perte immense tant sur le plan humain que professionnel. « C’est un vide qui ne pourra pas être comblé, mais c’est à nous, maintenant, de reprendre le flambeau et de continuer dans cette voie », disent ses collègues. « Toutes les graines qu’il a semées dans les relations humaines, le fait d’apprendre à se respecter dans ce qu’on est capable de donner, tout cela va continuer à pousser, même s’il n’est plus là », conclut l’une d’entre elles, la Dre Anne Moreau.

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