Crise de la pharmacie: Jean Coutu très amer envers Québec

Une épée de Damoclès plane au-dessus de la tête de l’industrie pharmaceutique en général, et du Groupe Jean Coutu, en particulier. C'est ce qu'a fait savoir Jean Coutu, président du conseil d’administration du Groupe Jean Coutu, lors d’une entrevue exclusive à TVA, à l'émission J. E., le 24 janvier.«Et je ne veux pas qu’elle me tombe sur la tête», précise le pharmacien de 89 ans.Dans cette rare entrevue, Jean Coutu indique que les diverses mesures prises par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, (coupures dans les ristournes aux pharmaciens, réduction de leurs honoraires, prix des médicaments génériques, notamment) créent une incertitude telle, que «ça nous fait reconsidérer notre investissement au Québec; on n’avait pas ça en tête quand on a investi dans notre siège social».La famille Coutu se pose des questions, a poursuivi le fondateur, tout en effectuant une visite guidée du nouveau siège social de l’entreprise et de son entrepôt ultra moderne, situés à Varennes, en Montérégie. Un investissement de 194 millions $, et sans aucune subvention ou aide gouvernementale, s'empresse-t-il d'ajouter.«On l’a fait parce qu’on a confiance. On avait le désir et le goût de développer. Y a-t-il une entreprise au Québec plus admirée de la clientèle?» demande-t-il. Une entreprise aussi, dit-il, où les pharmaciens offrent des soins de santé aux citoyens sept jours sur sept dans 400 succursales.Le silence de QuébecFrançois Jean Coutu, président et chef de la direction, estime, avec son père, que réduire le prix des médicaments comme s'y est engagé le gouvernement constitue en soi une intention louable. Mais personne à Québec, ni le premier ministre, ni Gaétan Barrette, ni les ministres «économiques» n'ont pris la peine de rencontrer le Groupe Jean Coutu, pourtant l'un des principaux employeurs au Québec et l'un de ses fleurons. Et le père comme le fils trouvent cela insultant, tout en tablant sur un changement de ton de la part du gouvernement et, surtout, sur une révision des mesures prises par le ministre Barrette à l'endroit de la pharmacie. «J’avoue qu’à moins que ça ne soit corrigé de façon claire, ça nous a enlevé le goût de travailler à long terme.»«Les actionnaires nous ont boudés ces temps-ci, précise François Jean Coutu. Et je les comprends. Personne ne veut investir dans une compagnie et une industrie où il y a de l’incertitude. Et ça nous fait reconsidérer un paquet de choses...»Des solutionsJean Coutu se défend bien de proférer une menace ou un ultimatum. Mais, dit-il, tous les intervenants (grossistes, pharmaciens, fabricants de médicaments génériques) ont suggéré au ministre Barrette diverses solutions pour réduire les prix. «Et on les rejette du revers de la main! On est insulté. On l’a fait savoir à plusieurs reprises.»Pour la première fois, la conjoncture politique leur fait remettre en question l'envie de faire des affaires au Québec, confient-ils. À noter que le conflit entre l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires et Québec dure depuis 2015. Il est en arbitrage. Une autre pomme de discorde concerne l’achat de médicaments génériques, Jean Coutu étant propriétaire du fabricant Pro Doc.La famille Coutu songe-t-elle à vendre l'entreprise, quatrième chaîne en importance au Canada, et qui fait bien des envieux? «Disons que la famille se pose des questions», dit François Jean Coutu, indiquant que les Coutu ont toujours rejeté l'idée.SuccesseurL'émission J.E. a par ailleurs présenté le futur dirigeant de l'entreprise – la troisième génération – en la personne de Jean-Michel Coutu, premier vice-président, opérations de détails et distribution. À 38 ans, le pharmacien est officiellement le successeur de deux générations de Coutu. Il est le petit-fils de Jean, le neveu de François Jean, le fils de Michel et l’aîné des petits-enfants. Il a ouvert sa propre succursale, à Kirkland, dans l’Ouest de l’Île de Montréal.Un AVCPar ailleurs et pour la première fois, Jean Coutu a évoqué en public ses problèmes de santé. «J’ai eu un petit avertissement que je n’ai pas aimé. J’étais chez des amis dans le Sud, cet hiver, on jouait au bridge, j’aime bien ça, et j’ai dit: “J’ai chaud, je vais sur le balcon”. En revenant, pouf!, je suis tombé à terre. Je me suis dit: peut-être la prochaine fois, je ne reviendrai pas.» C’était un léger AVC. «On ne s’attend jamais à ça. C’était la première fois que j’étais malade sérieusement.»En fin d'entrevue, Jean Coutu a évoqué avec beaucoup d'émotion le fait que bien des employés travaillaient dans l'entreprise depuis de nombreuses années, certains depuis 40 ans. Il a indiqué qu'avec 22 000 employés dans tout le Québec, le Groupe Jean Coutu constitue une ville en soi.Barrette réagitLe ministre Barrette croit pour sa part que le groupe Jean Coutu ne sera pas vendu dans un avenir rapproché. «Je dois défendre l’intérêt des Québécois et non les actionnaires du Groupe Jean Coutu», s'est-il par ailleurs défendu à l’émission Le Québec matin. Il a aussi rappelé que «les politiques ont été adoptées à l’unanimité par tous les partis à l’Assemblée nationale» et s'est dit ouvert à rencontrer la famille Coutu.Sources : TVA, Le Journal de Montréal.

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