Coupables d’avoir fourni des informations confidentielles de leurs patients

Selon les faits qui remontent à 2019, ces pharmaciens fournissaient plusieurs informations au fabricant de médicaments génériques, Angita Pharma, dont le nom du médicament prescrit et sa posologie, en plus de lui donner accès aux dossiers patients. Les personnes travaillant pour le compte d’Angita ont eu accès à ces informations confidentielles par le biais d’un poste informatique situé au laboratoire de chaque pharmacie. L’entreprise pharmaceutique pouvait ainsi placer une note disant de «suggérer Angita lors du prochain renouvellement» sous l’onglet «prochain renouvellement» des patients bénéficiant d’une assurance médicaments privée. Cette activité de priorisation permettait de ne pas utiliser leurs assistants techniques en pharmacie pour effectuer la priorisation des médicaments. Ils pouvaient ainsi être assignés à d’autres tâches. «La preuve démontre que l’inscription de la mention invitant à proposer au patient, pour un médicament ciblé, la substitution de son médicament par celui d’Angita est réalisée aux dossiers des patients dans le but d’effectuer un acte de substitution», indique le conseil de discipline dans sa décision. Ce dernier juge que le fait de permettre l’inscription de notes de priorisation aux dossiers des patients dans le but de substituer un médicament constitue un acte posé dans le cadre de la prestation d’un service pharmaceutique. Le secret professionnel bafoué De plus, le conseil de discipline a fait valoir que «les informations contenues aux listes de patients et aux dossiers patients sont des renseignements de nature confidentielle et, par conséquent, visées par le secret professionnel du pharmacien». Les pharmaciens se sont défendus en affirmant que l’entente de confidentialité, signée par les personnes agissant pour le compte d’Angita, assure leur respect de l’article 62 du Code de déontologie des pharmacies. Ils plaident également que le temps requis pour y inscrire la note a été établi en termes de secondes et qu’elle est insuffisante pour causer une violation du secret professionnel. Le conseil de discipline a repoussé ces arguments du revers de la main, mentionnant que l’entente de confidentialité «ne peut faire échec à une disposition d’ordre public, en l’occurrence, l’article 62 du Code de déontologie des pharmaciens». Des allocations allant jusqu’à 45% Angita Pharma pouvait verser aux pharmaciens des allocations équivalant à 30%, 40% et même 45% de la valeur totale de ses ventes de médicaments génériques à chaque pharmacie. En effet, au moment des événements reprochés, les pharmaciens qui achetaient des médicaments destinés au volet privé du régime, dont les médicaments d’Angita, n’étaient pas assujettis à la limitation de l’allocation professionnelle maximale d'un montant équivalent à 15% de la valeur totale des ventes des médicaments génériques. Évidemment, les pharmaciens peuvent en toute légalité recevoir des allocations professionnelles de la part des fabricants de médicaments. Or, «le moyen employé pour obtenir un avantage doit, lui aussi, respecter les prescriptions règlementaires qui régissent l’exercice de la profession de pharmacien», précise le conseil de discipline. Selon lui, la priorisation permettait de servir aux patients davantage et plus rapidement des produits d’Angita et ainsi obtenir plus d’allocations professionnelles. L’argent investi dans la pharmacie De leur côté, les pharmaciens ont insisté sur le fait qu’ils n’ont pas reçu directement ou indirectement un avantage. Les sommes étaient plutôt réinvesties dans les services qui bénéficiaient aux patients, se défendent-ils. Des pharmacies ont augmenté leur offre de services en soins infirmiers et leur budget alloué pour la présence de pharmacien et d’assistant technique en pharmacie, en plus d'avoir acheté des équipements qui permettent de robotiser la préparation de piluliers. «Le Conseil considère que la question de l’emploi des sommes reçues d’Angita par les pharmaciens n’est pas un élément pertinent au stade de la détermination de la culpabilité, rétorque le conseil disciplinaire. Il s’agit d’un élément postérieur à l’infraction qui pourrait être à nouveau soulevé lors de l’audition sur sanction». En terminant, le conseil de discipline affirme que les infractions commises par les pharmaciens «résultent d’un comportement qui atteint un degré de gravité certain, et une telle conduite se situe nettement en-dessous du comportement acceptable». Notons qu'au total, 73 pharmaciens ont été visés par une plainte disciplinaire. Toutefois, seulement 30 décisions sur culpabilité ont été rendus pour le moment.

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