Cinq ans de radiation pour des gestes à caractère sexuel

«Les gestes posés par le Dr Michel Chagnon sont très graves, tant en raison de la nature des gestes eux-mêmes qu’en raison de l’inégalité du rapport de force existant entre un médecin et sa patiente, rendant cette dernière vulnérable», a tranché le conseil de discipline dans une décision parue ce mois-ci. Les faits pour lesquels le chirurgien esthétique a été reconnu coupable en juillet dernier ont eu lieu en 2014 et 2015 au Centre de chirurgie Maisonneuve de Montréal sur une patiente qu’il connaît depuis longtemps. À lire aussi: Un médecin écope d'un an de radiation pour des comportements déplacés La femme, identifiée comme madame N dans le jugement, l'a consulté en mai 2014 pour une augmentation mammaire et une abdominoplastie. Lors d’un premier rendez-vous postopératoire, le Dr Chagnon, en pratique depuis 35 ans, a «caressé de manière inappropriée» les cheveux de sa patiente. À deux reprises, lors de rendez-vous subséquents, il s’est positionné derrière elle de manière à ce qu’elle puisse sentir son érection contre ses fesses. Enfin, lors d’un autre rendez-vous, le médecin spécialiste a exhibé son pénis en érection à madame N en lui disant: «Regarde l’effet que tu me fais.» Peu de circonstances atténuantes Selon le conseil de discipline, le Dr Chagnon ne bénéficie d'aucune circonstance atténuante, outre son absence d’antécédents disciplinaires. Par ailleurs, les comportements du médecin se sont produits en crescendo, ce qui laisse supposer que ses manquements déontologiques ont un caractère prémédité. De plus, le Dr Chagnon n’a exprimé aucun véritable remords. «En effet, il semble beaucoup plus préoccupé par les impacts que ses gestes auront sur sa carrière et son entourage que sur les conséquences potentielles pour madame N», indique le jugement. Le médecin n'a pas non plus reconnu sa responsabilité, et a plutôt tenté de dépeindre madame N comme une personne dérangée et manipulatrice. Il a d'ailleurs soutenu que la syndique adjointe avait été dupée par madame N. S’il n’a entrepris aucune thérapie pour travailler sur son comportement, le chirurgien s’est tout de même engagé, en septembre dernier, à être accompagné en tout temps d’une professionnelle de la santé lorsqu’il reçoit une patiente. Toutefois, pour le conseil de discipline, cet engagement en question a été pris tardivement dans le processus disciplinaire. Finalement, le Conseil ne peut écarter complètement un risque de récidive de la part du Dr Chagnon. Une loi rétroactive Dans ce dossier, les propositions de la partie plaignante et de l’intimé sont diamétralement opposées. Le premier suggérait une période de radiation de 7 ans alors que le second espérait une sentence de trois mois de radiation. Les avocates du Dr Chagnon affirmaient que l’article 156 du Code des professions ne devait pas s’appliquer dans le cas présent puisque les gestes ont été commis un peu plus de deux ans avant l’adoption par l’Assemblée nationale de la Loi 11, dont est issu cet article. Le conseil de discipline a néanmoins repoussé cet argument, jugeant que ce règlement s’applique de façon rétroactive. D’ailleurs, le Dr Robert A. Laflèche, reconnu coupable d’avoir eu une relation sexuelle avec une patiente en 1987, a été jugé en fonction de cet article de loi. Le conseil de discipline a donc décidé d’imposer une peine de cinq ans au chirurgien, soit le peine minimale décernée à un médecin reconnu coupable en vertu de l’article 156. Encore des comportements condamnables En 2020, ProfessionSanté.ca avait calculé que sur les dix médecins sanctionnés pour inconduite sexuelle depuis l’adoption de ce règlement, six étaient parvenus à convaincre qu'une radiation moins longue était justifiée. Les regrets exprimés, la compréhension des actes fautifs et la collaboration de l’intimé lors de l’enquête avaient pu jouer en faveur du médecin fautif. À lire aussi: Inconduite sexuelle: plus de la moitié des médecins coupables évitent la sanction minimale Malgré tout, le Collège des médecins se targue d’avoir une «politique de tolérance zéro» en matière d’inconduite sexuelle. Cette politique «ne s’est pas traduite par l’élimination de ces comportements condamnables», déplore le conseil de discipline dans le jugement concernant le Dr Gagnon. Pour ce dernier, la sentence de cinq ans de radiation aura d’importantes répercussions puisqu’elle signifie la fin de sa carrière.

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