CHU Ste-Justine: le laboratoire de pharmacologie obtient une certification éminente

Yves Théorêt n’est pas peu fier, et ça se comprend. Avec le soutien des médecins oncologues du CHU Sainte-Justine et la collaboration du personnel du laboratoire de pharmacologie du centre hospitalier pédiatrique, le chimiste et pharmacologue a travaillé fort afin d’obtenir cette accréditation du New York State Department of Health pour l’analyse de l’activité de l’asparaginase, une enzyme utilisée pour traiter la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA). «On y a travaillé plusieurs mois. C’est une accréditation difficile à obtenir, les normes sont sévères», explique le professionnel qui considère que cette homologation vient non seulement prouver la fiabilité du laboratoire pour l’évaluation de l’asparaginase, mais aussi «reconnaître notre expertise dans le suivi thérapeutique des médicaments». L’asparaginase a joué un rôle crucial dans le traitement des enfants atteints de LLA. Ce cancer du sang et de la moelle osseuse, qui affecte les globules blancs, est le plus fréquent à l’âge pédiatrique: on recense 250 cas par année au Canada, dont 50 au Québec, chez les moins de 15 ans. Au cours des décennies qui ont suivi l’introduction de cette enzyme dans le traitement de la LLA, les taux de survie ont régulièrement augmenté, atteignant aujourd’hui 90% avec les meilleurs protocoles contemporains. L’enjeu cependant avec l’asparaginase, ce sont ses effets secondaires importants, indique le Dr Thai Hoa Tran. «Elle peut provoquer une réaction allergique chez certains patients qui peuvent alors produire des anticorps qui neutralisent l’effet thérapeutique de l’asparaginase», explique l’hémato-oncologue au CHU Sainte-Justine. Le défi étant de distinguer ces patients-là de ceux qui présentent des manifestations similaires à une allergie, mais sans développer d’anticorps, ajoute le médecin. Autrement dit, «on doit différencier les enfants qui ont encore le bénéfice de l’asparaginase des autres qui n’en bénéficient plus.» Cette problématique a été ciblée dès 2016 par le consortium du Dana Farber Cancer Institute de Boston (DFCI) — auquel le CHU Sainte-Justin collabore depuis 40 ans — qui travaille entre autres sur l’optimisation de nouvelles formulations de l’asparaginase dans le traitement de la LLA. Le nouveau protocole de recherche lancé cette année-là par le consortium visait à optimiser la délivrance de l’asparaginase pour minimiser sa toxicité sans affecter le taux de survie des patients. Le laboratoire de pharmacologie de Sainte-Justine a apporté sa pierre à l’édifice en mettant au point un test qui mesure l’activité de l’enzyme dans le sang des enfants traités, avant et après l’administration du traitement. «On a pris le rôle le plus important», signale le Dr Tran. «C’est l’équipe d’Yves qui évalue la pertinence de l’asparaginase pour les 500 patients inclus dans le protocole.» À raison de 35 tests par patient, plus de 15 000 échantillons ont ainsi été analysés entre 2016 et 2023 dans le cadre de ce protocole de recherche toujours en cours. Grâce à ces examens, les cliniciens peuvent identifier rapidement les patients allergiques qui ne répondent plus à l’asparaginase et doivent recevoir une nouvelle formulation de l’enzyme. «Je peux mettre ma vie en jeu que le résultat qu’on leur donne est le bon», affirme Yves Théorêt, sûr de lui. Un test multicertifié La qualité et la fiabilité du test élaboré par l’équipe du laboratoire de Sainte-Justine ont d’abord été reconnues par le Bureau de normalisation du Québec puis, en 2017, il a été accrédité par le Clinical Laboratory Improvement Amendments (CLIA), qui établit les normes réglementaires fédérales américaines s’appliquant à tous les tests de laboratoire clinique effectués sur des humains aux États-Unis. «Certains États, comme le Rhode Island et celui de New York ont leur propre certification en plus de celle de la CLIA», informe le Dr Tran. Lire aussi: Une fillette leucémique est sauvée par un traitement personnalisé «On a travaillé deux ans pour recevoir la certification du CLIA», raconte Yves Théorêt. «Et l’accréditation du New York State Department of Health a été encore plus difficile à obtenir !» Grâce à cette dernière, le laboratoire de Sainte-Justine est ainsi devenu le premier laboratoire public à détenir toutes les homologations nécessaires pour offrir ses services d’analyse des soins de la LLA partout en Amérique du Nord (seuls deux laboratoires privés peuvent s’enorgueillir) et c’est le seul centre au Canada à proposer ce test. En plus des prélèvements envoyés par les hôpitaux membres du consortium DFCI, l’équipe d’Yves Théorêt traite des échantillons provenant de partout au Canada. «On fait toutes les analyses portant sur la mesure de l’activité de l’asparaginase, même pour les adultes», mentionne le pharmacologue. Les données sont ensuite envoyées au centre traitant, qui peut alors ajuster les doses de l’asparaginase. L’accréditation du New York State Department of Health (de catégorie Therapeutic Substance Monitoring/Quantitative Toxicology) pourrait ouvrir de nouveaux horizons pour le laboratoire du CHU Sainte-Justine, tant au niveau la recherche clinique que pour les soins aux patients. «On peut s’impliquer dans le suivi thérapeutique pharmacologique, car ce qu’on fait pour l’asparaginase, on peut le faire pour d’autres agents», signifie Yves Théorêt en précisant que la technologie qu’il a contribué à mettre au point avec ses collègues peut être appliquée à d’autres médicaments. Immunosuppresseurs, antibiotiques, anticonvulsivants, etc., «tout ce qui est dosable, l’équipe d’Yves peut le doser», garantit le Dr Tran.

CHU Ste-Justine: le laboratoire de pharmacologie obtient une certification éminente

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes