Cancers: les X et les milléniaux plus à risque que les baby-boomers

Des chercheurs de l’American Cancer Society (ACS) ont publié mercredi dans le Lancet Public Health une étude observationnelle d’envergure dont les résultats sont inquiétants. Ils montrent que les personnes de la génération X, qui sont nées entre 1965 et 1980, et les milléniaux, nés entre le début des années 1980 et la fin des années 1990, présentent un risque plus élevé de développer 17 formes de cancers différents comparé aux générations qui les ont précédés. Ce risque est particulièrement accru pour le cancer du sein, le cancer du pancréas et les cancers du système digestif, tandis que la mortalité augmente en lien avec les cancers du foie chez la femme, les cancers de l’utérus, de la vésicule biliaire et des testicules, ainsi que les cancers colorectaux.«Ces résultats s’ajoutent aux preuves de plus en plus nombreuses de l’augmentation du risque de cancer dans les générations postérieures au baby-boom», observe l’auteure principale de l’étude, la Dre Hyuna Sung. «Les cohortes de naissance partagent des environnements sociaux, économiques, politiques et climatiques uniques qui affectent leur exposition aux facteurs de risque de cancer au cours des années cruciales de leur développement. Bien que nous ayons identifié des tendances de cancer associées aux années de naissance, nous n’avons pas encore d’explication claire sur les raisons de l’augmentation de ces taux», indique la scientifique principale à l’ACS dans un communiqué publié par l’organisation.Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont colligé les données de 23 654 000 patients américains diagnostiqués pour 34 types de cancer ainsi que celles de 7 348 137 décès attribués à 25 types de cancers pour des malades âgés de 25 à 84 ans, durant la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2019. Pour comparer les taux de cancer entre les générations, ils ont calculé un taux d’incidence et un taux de mortalité par périodes de naissance, de 1920 à 1995, séparées par des intervalles de cinq ans.Les taux d’incidence de 8 des 34 cancers analysés augmentent progressivement, année par année, pour chaque cohorte de naissance. «En particulier, le taux d’incidence était environ deux à trois fois plus élevé dans la cohorte de naissance de 1990 que dans celle de 1955 pour les cancers de l’intestin grêle, du rein, du bassinet du rein et du pancréas, ainsi que pour le cancer du foie et des voies biliaires intrahépatiques chez les femmes», peut-on lire dans l’étude.Par ailleurs, la fréquence de certains cancers a eu tendance à baisser chez les personnes nées avant 1965 avant de remonter progressivement chez celles nées après. Cela concerne le cancer du sein à récepteurs d’œstrogènes positifs, le cancer colorectal, le cancer de l’estomac (hors cardia), de l’utérus, de la vésicule biliaire, de l’ovaire, des testicules, le cancer de l’anus chez les hommes de même que le sarcome de Kaposi, également chez les hommes.Pour tous les types de cancer, les taux d’incidence parmi la cohorte née entre 1990 et 1995 étaient plus élevés que ceux des générations précédentes, l’augmentation allant de 12% pour le cancer ovarien jusqu’à 169% pour le cancer de l’utérus comparé aux cohortes affichant les taux les plus bas. De plus, les taux de mortalité de certains cancers ont augmenté en même temps que leur incidence. Il s’agit du cancer du foie chez les femmes uniquement, des cancers de l’utérus, des testicules, de la vésicule biliaire et les cancers colorectaux.Fardeau futur«L’augmentation des taux d’incidence parmi les cohortes plus jeunes indique des changements générationnels dans le risque de cancer et sert souvent d’indicateur précoce du fardeau futur du cancer dans le pays», souligne le co-auteur de l’étude, le Dr Ahmedin Jemal qui craint que ce fardeau augmente en «stoppant ou inversant des décennies de progrès contre la maladie. Nos données soulignent le besoin critique d’identifier et de traiter les facteurs de risque sous-jacents dans les populations de la génération X et chez les milléniaux afin d’élaborer des stratégies de prévention», ajoute le premier vice-président de la surveillance et de la science de l’équité en matière de santé à l’ACS. Lire aussi: Cancer: quels bienfaits pour les participants aux essais cliniques?Une partie des hausses constatées est certes attribuable aux dépistages plus fréquents et aux progrès de l’imagerie médicale. Cela n’explique pas pour autant les différences d’incidence relevées entre les générations nées entre 1965 et la fin des années 1990 et les générations antérieures, estiment les chercheurs qui, dans leur étude, soulignent par exemple que «10 des 17 cancers dont l’incidence augmente dans les cohortes de naissance plus jeunes sont des cancers liés à l’obésité — colorectum, rein et bassinet du rein, vésicule biliaire et autres voies biliaires, corps utérin, pancréas, cardia gastrique, sein à récepteurs d’œstrogènes positifs, ovaire, myélome, foie et voies biliaires intrahépatiques —, ce qui suggère un rôle potentiel de l’obésité dans les tendances cancéreuses émergentes au cours des dernières décennies.»Facteurs de risqueParmi les autres causes plausibles de l’augmentation des taux d’incidence des 34 cancers qu’ils ont étudiés, les scientifiques mentionnent que l’exposition à d’autres facteurs de risque présumés tels qu’une alimentation malsaine, un mode de vie sédentaire, des habitudes de sommeil altérées et des produits chimiques présents dans l’environnement influence le risque de cancer, «même si la prévalence de ces facteurs reste mal comprise» chez les X et les milléniaux. Ils ajoutent que certains modes d’alimentation (par exemple, riches en graisses saturées, en céréales raffinées, en aliments ultra-transformés et en sucre, ainsi que les régimes à base de viande) et certains comportements sédentaires pendant l’adolescence et au début de l’âge adulte ont été associés à un risque accru de certains cancers, plus particulièrement les cancers colorectaux et les cancers du sein.Seule note positive, les chercheurs estiment que la stabilisation des taux d’incidence des cancers du foie et des voies biliaires intrahépatiques et sa diminution pour les cancers de la bouche et du pharynx dans les cohortes de naissance masculines récentes pourraient être attribuées, du moins en partie, à la diminution de la consommation d’alcool et du tabagisme chez les hommes âgés de 18 à 25 ans.En conclusion, l’équipe de recherche de l’ACS signale que les résultats de son étude ont d’importantes implications pour la santé publique. «Le risque accru de cancer dans les cohortes de naissance récentes s’est déjà traduit par une augmentation de la morbidité et de la mortalité par cancer chez les jeunes adultes, ce qui pose des défis uniques au système de soins de santé et à la communauté. Il est essentiel de sensibiliser les prestataires de soins de santé et le grand public aux signes et symptômes du cancer chez (cette population) afin de permettre une détection et un traitement précoces.»

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