Cancer: une nouvelle chaire pour explorer le potentiel de la théranostique

Croisement des mots «thérapie» et «diagnostic», la théranostique est une approche qui utilise des instruments d’imagerie en médecine nucléaire pour cartographier les cellules cancéreuses dans le corps et ainsi les traiter de manière ciblée. «C’est une forme de thérapie dont on va entendre davantage parler au cours des prochaines années, explique le titulaire de la nouvelle Chaire, le Dr Jean-Mathieu Beauregard, chercheur-clinicien et spécialiste en médecine nucléaire. Environ 20% des patients qui souffrent d’un cancer de la prostate vont développer des métastases et auront éventuellement besoin de traitements comme le nôtre.» En 2007, le Dr Beauregard a complété un fellowship sur la tomographie par émission de positons (TEP) dans un établissement de santé en Australie. Sur place, il en a appris davantage sur la théranostique, un domaine de pointe dans lequel le Québec accusait beaucoup de retard. «Encore aujourd’hui, ma spécialité sert à 90 ou 95% au diagnostic, raconte-t-il, mais c’est en train de changer. Le traitement prend une place grandissante en médecine nucléaire à cause de ces nouvelles applications thérapeutiques et ça va encore augmenter de façon exponentielle dans la prochaine décennie». Le Dr Beauregard s’est formé à cette technique avant de revenir au Québec. Depuis ce temps, il contribue à l’essor de la théranostique dans la province. L’équipe du CHU, qui fut la première à l’offrir en 2012, compte actuellement cinq médecins nucléistes spécialisés dans ce secteur et un sixième s’ajoutera bientôt à eux. L’unité traite de 80 à 100 nouveaux patients par an. Si, pour l’instant, la théranostique est surtout utilisée dans les cas de cancer de la prostate et de tumeurs neuroendocrines, c’est que parce qu’ils sont faciles à cibler avec les traceurs actuels. Le Dr Beauregard souligne qu’il reste plusieurs traceurs à découvrir pour d’autres types de cancers. La procédure en théranostique L’approche théranostique est unique, car la cible thérapeutique (par exemple, un antigène ou un récepteur sur les cellules cancéreuses) est visualisée à l’avance par imagerie TEP grâce à un traceur qui va s’y lier. Si l’examen se révèle positif, le traitement avec une molécule similaire pourvue d’un radioisotope thérapeutique est administré, ce qui garantit que le cancer sera ciblé et que le traitement ne sera pas futile. « La théranostique, c’est simple : on traite ce que l’on voit! », dit le Dr Beauregard. Une fois que le radiopharmaceutique théranostique est concentré à l’intérieur ou autour des cellules cancéreuses, le rayonnement qu’il émet endommage et tue ces cellules sans que les cellules saines environnantes ne subissent de dommages majeurs. Le traitement est ainsi bien toléré, avec peu d’effets indésirables. Il s’étale généralement entre quatre et six sessions sur une période de six à dix mois et peut être répété en cas d’une progression du cancer. Des images diagnostiques scintigraphiques permettent aux médecins de visualiser directement le traitement dans le corps du patient après son administration et voir le résultat en temps réel. Palliation plutôt que guérison Pour l’instant, la théranostique est un traitement palliatif en cancérologie utilisé pour les cas de cancers incurables. La première visée est de réduire les symptômes et de prolonger la survie avec une bonne qualité de vie, précise le Dr Beauregard. Dans plus 80% des cas, on est capable de maîtriser la maladie durant plusieurs mois pour le cancer de la prostate, et jusqu’à plusieurs années pour les tumeurs neuroendocrines. «L’objectif ultime, c’est d’en arriver à une guérison, mais actuellement, on retire une grande satisfaction d’avoir des patients que l’on soulage de leurs symptômes, ajoute-t-il. Des patients nous ont dit qu’après leur premier traitement, ils n’avaient plus de morphine et qu’ils ne ressentaient presque plus de douleurs». On assiste parfois à des rémissions complètes, mais elles sont à ce stade-ci rares, commente le Dr Beauregard. Il croit que l’avenir des soins en cancérologie se trouve probablement dans les combinaisons de traitements, comme la théranostique avec l’immunothérapie. Il croit que ces combinaisons de traitements devraient permettre des taux de guérison substantiels. Un traitement encore plus personnalisé Grâce à une contribution de 750 000$ provenant de la Fondation du CHU de Québec-Université Laval, la nouvelle chaire de recherche pourra notamment réaliser une étude clinique afin de voir s'il est possible d’améliorer la façon d’administrer le médicament radioactif ciblant le cancer de la prostate. «Si on réalise qu’il ne s’accumule pas trop dans les organes sains, on pourra en donner plus dans l’espoir de mieux maîtriser la tumeur et peut-être même de l’éradiquer dans certains cas, dit le Dr Beauregard. Cela va aussi permettre de traiter les patients plus tôt que ce que l’on peut faire présentement». Grâce à la construction d’un cyclotron et d’un laboratoire à l’intérieur du futur Centre intégré de cancérologie du nouveau complexe hospitalier de Québec greffé à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, les chercheurs-cliniciens du CHU auront la capacité de créer de nouveaux radiopharmaceutiques théranostiques innovants d’ici quelques années pour les rendre encore plus efficaces et surtout pour traiter une plus grande variété de cancers.

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