Cancer du sein: un soutien-gorge intelligent pour révolutionner le dépistage et le suivi

Ils pourront mener à bien leur projet grâce à une subvention de 150 000$ accordée par la Société canadienne du cancer. Elijah Van Houten, professeur à l’Université de Sherbrooke et chercheur au Centre de recherche du CHUS, travaille sur le cancer du sein depuis une vingtaine d’années. Il a entre autres travaillé sur l’élastographie, une technologie d’imagerie médicale qui permet la détection de masses anormales grâce aux propriétés mécaniques des tissus humains. Une puissante technologie L’élastographie utilise les ultrasons ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM), deux technologies très efficaces… mais peu accessibles. Les ultrasons, dans ce cas-ci, permettent d’évaluer la déformation interne des tissus et leur élasticité. «Les tumeurs de cancer du sein ont des propriétés mécaniques différentes par rapport aux tissus sains», explique le professeur. «On a développé une technologie pour voir ça, et ainsi détecter les cancers du sein», ajoute-t-il. L’élastographie avec ultrason est souvent utilisée pour confirmer un diagnostic fait par mammographie, mais peu pour le dépistage, tandis que la détection par IRM est puissante, mais coûte cher. «On ne pourrait pas faire passer une IRM chaque année à toutes les femmes de 45 à 75 ans; ça ne peut pas être utilisé pour le dépistage», illustre Elijah Van Houten. À lire aussi: Détecter le cancer de la prostate par IRMmp, un acte pertinent? Le professeur a donc cherché des solutions abordables pour appliquer l’élastographie au dépistage du cancer du sein. Pour y arriver, il s’est associé à Alexis Lussier-Desbiens, professeur à la faculté de génie de l’Université de Sherbrooke et codirecteur de l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique, pour implanter la technologie à même le tissu d’un soutien-gorge. D’autres chercheurs à travers le monde ont travaillé sur des soutiens-gorges intelligents ayant recours à diverses technologies, mais aucun modèle n’est encore commercialisé. L’avantage d’un tel outil est qu’au lieu de devoir se déplacer à l’hôpital, une femme porterait le soutien-gorge intelligent qui prendrait des mesures de mouvement et de surface du sein pendant qu’elle bouge naturellement. «La “magie” est dans l’algorithme qui traite les données sortantes», précise le chercheur. Les données sont ensuite transmises au médecin ou à l’oncologue de la patiente. «Ça augmente la fréquence de dépistage possible, c’est très intéressant», poursuit Elijah Van Houten. Pour une technologie sécuritaire et accessible Sans risque pour la santé, le soutien-gorge intelligent est beaucoup plus confortable que de faire une mammographie. Cette avancée technologique pourrait aussi être particulièrement intéressante pour certaines femmes dont la densité des seins rend difficile la détection de cancer lors d’une mammographie, parce qu’ils sont radio-opaques. Le soutien-gorge intelligent permettrait également un suivi plus serré chez les femmes dont la génétique les prédispose au cancer du sein - le nombre de mammographies étant restreint à cause des risques sur la santé. «On pourrait détecter plus rapidement le cancer, et on sait que le plus on tôt détecte un cancer, le plus élevé sera le taux de survie », rappelle Elijah Van Houten. À lire aussi: Éviter les réadmissions grâce à une surveillance virtuelle postopératoire De plus, l’invention accorderait un meilleur accès au dépistage aux femmes résidant dans des régions éloignées. «On pourrait leur envoyer le soutien-gorge par la poste», suggère le chercheur. Développer un prototype viable La subvention de la Société canadienne du cancer permettra à l’équipe de développer un prototype de soutien-gorge qui utilise une imagerie sans IRM ni ultrasons. «On a fait des premiers essais avec 10 sujets, et on a réussi à détecter tous les cancers, mais on veut améliorer le prototype», raconte Elijah Van Houten. Ce prototype sera testé sur un petit nombre de femmes pour démontrer sa viabilité, dans le but d’attirer des partenaires industriels et d’autres sources de financement, pour mener par la suite des études cliniques à grande échelle. Les chercheurs font face à plusieurs défis, notamment celui de développer une technologie fiable, mais abordable. «L’autre défi, c’est de sortir de l’hôpital une technologie qui prend des mesures dans un environnement contrôlé, et l’amener dans la vie normale», confie Elijah Van Houten. Les mesures extraites pourraient, par conséquent, être beaucoup plus complexes à traiter qu’en imagerie traditionnelle. Et c’est là qu’intervient Alexis Lussier-Desbiens, spécialiste des systèmes de mesures embarqués. La route sera donc encore longue avant qu’un tel soutien-gorge soit accessible à toutes les femmes. «Mais ce financement a été l’étincelle», souligne Elijah Van Houten. «C’est important de donner de l’argent pour des projets novateurs, sinon on n’aura jamais de nouveauté», conclut-il.

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