Budgets 2017 de Québec et d’Ottawa: les médecins l’ont échappé belle

Pas de baisse d’impôts, mais pas de hausse non plus. Les budgets fédéral et provincial déposés ces dernières semaines n’ont réservé ni de bonnes ni de mauvaises surprises aux médecins, mais on peut dire que certains l’ont échappé belle. En effet, le fractionnement des revenus pour les professionnels en société est remis en question, et Ottawa songerait à taxer davantage les gains en capital. Ce n’est peut-être que partie remise, anticipent les fiscalistes, mais en attendant, les médecins bénéficient en 2017 d’un répit au plan fiscal.«Dans l’ensemble, les budgets Morneau à Ottawa et Leitão à Québec ne vont pas entraîner de changements importants dans les revenus des médecins», résume Mathieu Huot, fiscaliste et planificateur financier à la Financière des professionnels, une société de gestion détenue en grande partie par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ).Changements à la facturationLes modifications apportées par les deux budgets en 2017 seront somme toute peu significatives pour le milieu médical. L’un des changements mineurs touche la facturation et les travaux en cours. Dans le passé, par exemple, un médecin au privé qui produit des factures pouvait déclarer le montant reçu après avoir reçu le paiement final de son client. Ce n’est désormais plus possible. Même si le médecin n’a pas reçu l’ensemble du paiement et que ses interventions se poursuivront durant la nouvelle année fiscale, il devra dorénavant s’imposer ou déclarer le revenu sur le nombre d’heures accomplies ou la partie de la tâche réalisée. S’il a fait la moitié du travail à la fin de son exercice financier, il devra déclarer la moitié des revenus même sans les avoir reçus.«À la fin, ça va revenir au même, précise Mathieu Huot. Ça ne va pas changer l’impôt global que le médecin devra payer sur cette intervention.»Stratégies fiscales questionnéesLe budget fédéral a consacré plus d’une page et demie pour indiquer qu’il regardait de façon attentive quelques stratégies fiscales utilisées par des compagnies comme en possèdent près de 50% des médecins québécois et beaucoup de professionnels. L’une de ces stratégies porte sur le fractionnement des revenus avec des membres de la famille. Actuellement, toute société privée peut verser une forme de revenus au conjoint ou à la conjointe de son fondateur. C’est un net avantage fiscal qu’Ottawa commence à remettre en question.«Le fédéral se dit ce n’est pas normal que certaines stratégies puissent être utilisées par des individus pour sauver de l’impôt alors que d’autres n’ont pas cette possibilité, explique Mathieu Huot en entrevue à Professionsante.ca. Un salarié qui ne peut s’incorporer ne peut pas fractionner son revenu avec son conjoint ou sa conjointe.»Ottawa n’a apporté aucun changement à ces règles cette année, mais a mentionné son intention d’y revenir dans le futur. Aux yeux des fiscalistes, le fait que le gouvernement fédéral ait pris une page et demie pour se questionner sur cet enjeu démontre une certaine volonté de changer les choses à court ou à moyen terme.«Actuellement, constate Mathieu Huot, on voit beaucoup de médecins débuter en pratique s’incorporer très rapidement afin de pouvoir bénéficier de cet aspect. La capacité de procéder à un fractionnement majeur de ses revenus rend l’incorporation rentable malgré ses coûts. Si le fédéral élimine cette possibilité, ça représenterait un changement majeur pour les médecins qui songent à s’incorporer.»La constitution en société privée deviendrait nettement moins attrayante pour certains si la possibilité de fractionner son revenu disparaît. Cependant, l’incorporation resterait une option intéressante pour ceux qui parviennent à économiser et à laisser de bons montants dans la compagnie à des fins de placements ou de revenus de retraite.«Si l’incorporation ne présente plus l’avantage de pouvoir fractionner son revenu et qu’on ne parvient pas à accumuler de sommes dans la société, le médecin devrait attendre avant de se constituer en compagnie», suggère le fiscaliste.Lire la suiteLes gains en capitalSelon des rumeurs persistantes qui circulaient dans les semaines précédant le dépôt du budget fédéral, Ottawa s’apprêtait à augmenter en 2017 le taux d’inclusion du gain en capital pour le faire passer de 50 à 75%, un geste qui aurait un impact significatif sur les médecins misant sur ce type de profits pour augmenter leurs avoirs.Les médecins qui possèdent de gros portefeuilles comportant de forts gains latents qu’ils obtiendront lors de la vente seraient pénalisés si le taux d’imposition sur le gain en capital devait passer de 50 à 75%. Finalement, ceux qui se retrouvent dans cette situation peuvent mieux respirer. Le fédéral n’a rien changé cette année, mais les fiscalistes ne seraient pas étonnés que le gouvernement le fasse dans un avenir rapproché.«Ce serait une façon d’aller chercher facilement de l’argent dans les poches de certains contribuables. Si la chose se produit, on pourra dire qu’on s’y attendait depuis un moment», dit Mathieu Huot.Néanmoins, même si les gouvernements devaient en arriver là, le gain en capital resterait plus avantageux que les revenus d’intérêts, qui eux sont imposables à 100%.Sociétés de trois employés et plusAu plan provincial, des règles annoncées il y a deux ans ont eu pour effet de modifier le taux général d’imposition des petites sociétés comptant moins de trois employés. Depuis le 1er janvier 2017, une compagnie doit démontrer que 5 500 heures ont été travaillées et payées pour conserver son taux d’imposition de 18,5% sur la première portion de 500 000$ de revenus gagnés. Celles qui ne se qualifient pas ont vu passer leur taux à 22,3%. Or, la majorité des médecins en société ne peuvent atteindre le niveau de 5 500 heures, d’autant que Québec a plafonné le nombre d'heures qu'un professionnel peut prétendre avoir travaillées à 40.Le budget Leitão est venu apporter une petite modification à cette exigence. Il accepte maintenant dans le calcul des 5 500 heures toutes les heures rémunérées, mais pas forcément travaillées, comme c’est le cas pour les semaines de vacances.«Ces changements n’auront aucun impact sur le taux d’imposition de la compagnie de la plupart des médecins en société, commente Mathieu Huot, mais celles qui comptent deux employés à temps plein et un autre à temps partiel pourront plus facilement atteindre ces 5 500 heures en incluant le médecin lui-même.»À un autre niveau, les médecins profiteront de la très légère augmentation du crédit de base du Québec et, à compter de l’an prochain, ils ne paieront plus la contribution santé.

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