ATP: de nouvelles possibilités et des rôles à revoir

Article mis à jour le 10 mai 2024L’union fait la force. Pour son Congrès 2024, l’Association québécoise des assistants et techniciens en pharmacie (AQATP) a choisi de miser sur le travail d’équipe, alors que la pharmacie ne cesse d’évoluer à un rythme soutenu, et que les ATP semblent partagés entre enthousiasme et inquiétude. «Un changement majeur se produit actuellement, confirme la présidente de l’Association Marylène Lévesque. Et le changement fait peur, c’est normal, mais nous sommes là pour aider les employés à se les approprier, y voir des opportunités plutôt que des obstacles.» Car si les pharmaciens ont de nouvelles activités cliniques dans leur portefeuille, et devraient voir leur champ de compétences s’élargir encore un peu plus à l’automne prochain, les ATP suivent le mouvement bon an mal an. «Même moi je ne savais pas qu’une ATP pouvait faire autant de choses et que mon champ de pratique était si vaste!» s’exclame Hamouche Omama, ATP chez Pharmaprix à Lasalle. «J'aimerais en savoir davantage sur les préparations magistrales en laboratoire, le télétravail, la vaccination, et comment certaines formations vont pouvoir faire évoluer mon travail.» À lire aussi: Passion pour la professionL’évolution, c’est bien le mot clé de la pratique technique en pharmacie actuellement, comme le prouve le nouveau programme du DEP qui deviendra obligatoire dans les centres de formation professionnelle à la rentrée de septembre 2024. «Le programme avait vraiment besoin d’une mise à jour. On sait que beaucoup de technologies se sont ajoutées en pharmacie depuis quelques années et on veut que les ATP se les approprient et les connaissent», explique la présidente de l'AQATP. Au menu donc: davantage de cours sur les technologies en pharmacie, mais aussi sur les VCC et surtout le respect de leurs protocoles, ainsi que la prise du médicament et le schéma thérapeutique du patient dans le cadre du BCM. Sans oublier les nouvelles activités à venir, comme les prélèvements dans la gorge, la vaccination et l’administration d’un médicament. «Nos nouveaux ATP arriveront avec un bagage à jour, même s’ils auront toujours besoin d’être orientés pour savoir comment le milieu fonctionne.» L’intégration des nouveaux ATP dans leurs pharmacies est d’ailleurs un enjeu en cours de réflexion, puisque le programme passe de 1246 h à 1596 h, soit un an et demi. «Les étudiants feront peut-être des stages d’été au lieu d’être intégrés tout de suite. Mais au final, on aura des candidats beaucoup mieux préparés pour entrer sur le marché de la pharmacie.»De nouvelles attributions qui enthousiasment déjà Jade Plante, ATP au Costco Grégoire Arakelian de Boucherville. «J’ai choisi ce métier car je voulais faire une différence et aider les gens, même si je ne suis pas pharmacienne. Et aujourd’hui, j’apprends sans cesse de nouvelles choses dans mon métier!» De son côté, la jeune Alexandra Proulx, 19 ans et finissante du DEP d’assistant technique, n’a qu’une hâte: «J’ai vraiment envie de vacciner!» Les pharmaciens appelés à déléguer davantageLa multiplication des services cliniques en pharmacie et l’arrivée de la première cohorte de techniciens en pharmacie au printemps 2024 vont permettre de faire rayonner le travail des personnels techniques en pharmacie, anticipe Marylène Lévesque. «Les possibilités sont immenses! Nous allons pouvoir prendre en charge tout l’aspect technique de la préparation des médicaments, l’optimisation du circuit du médicament, des processus, la rédaction des politiques et procédures… Voire même faire du soutien clinique, compléter une collecte de données ou s’assurer que le pharmacien puisse faire une validation finale clé en main, même si cela reste une inconnue pour l’instant.»Une autre inconnue – de taille – préoccupe les ATP et les futurs TP quant à leurs nouveaux rôles: pourront-ils et elles prendre la place qui leur est due en pharmacie? Déléguer est certes un objectif clamé d’une seule voix, mais dans la pratique, cela pourrait se révéler un peu plus compliqué. «Le défi est que les pharmaciens doivent eux aussi s’approprier ce nouveau bagage des techniciens, et ils sont parfois un peu frileux de déléguer certaines tâches», remarque la présidente de l’AQATP. À lire aussi: Les clés pour optimiser les activités cliniques en pharmacie«Les pharmaciens ne sont pas toujours de nature audacieuse, mais je pense qu’on peut les y aider en leur montrant que les personnels techniques sont en contrôle, pleins de connaissances et en mesure de les aider à se dégager du temps», assure Marylène Lévesque. Depuis la publication du nouveau Règlement sur les activités professionnelles des pharmaciens pouvant être exercées par un assistant technique, un technicien ou une personne en voie d’obtenir un permis d’exercice de la pharmacie rappelle-t-elle, un ATP peut administrer un vaccin et effectuer des prélèvements dans la gorge à condition d’avoir obtenu son DEP et d'avoir complété les formations nécessaires. Les inquiétudes des pharmaciens pourraient être apaisées par le biais d'une meilleure valorisation de la profession, croit Cédric Renard, ATP senior à la pharmacie Martin Duquette de Montréal. «Certains pharmaciens sont encore réfractaires. On a encore besoin de médiatiser et de pousser la reconnaissance des ATP pour leur laisser plus de champ de gestion et de polyvalence.» Une nécessité au sein du réseau de la santé comme auprès du grand public, ajoute Hamouche Omama : «Je me rends compte à quel point notre domaine est sous-coté et vraiment peu valorisé.» «Nos salaires actuels peuvent vraiment démotiver»Manque de communication sur le rôle des ATP, système de prise en charge en première ligne focalisé sur la figure du pharmacien, manque de valorisation salariale… Les doléances sont nombreuses. «Je suis chanceuse, car dans mon environnement de travail, les pharmaciens reconnaissent notre valeur et nous apprécient, mais ce n’est pas le cas partout, observe Alexandra Nadeau, ATP vaccinatrice dans un Jean Coutu à Sherbrooke. Il faut sensibiliser les gens, et ne pas simplement dire: “Parlez-en à votre pharmacien.” Aujourd’hui, les médias, les médecins, les infirmières, le 811, tout le monde renvoie d’emblée vers le pharmacien sans nécessairement savoir ce qui peut nous être délégué, ce qui suscite l’engorgement du réseau et de la frustration chez les patients.» Mais au-delà des mots, il faut des actes, estime Cédric Renard, et la revalorisation des salaires en est un très attendu. «Il y a encore un gros problème là-dessus au Québec. Quand on connaît nos salaires actuels, et l’énorme différence qu’il peut y avoir avec celui d’un pharmacien, ça peut vraiment démotiver un ATP de se lancer. Sachant toutes les tâches essentielles qui nous incombent, la polyvalence qu’on nous demande… Sans nous, il n’y aurait pas de pharmacie.» Une équipe, oui, mais plus égalitaire donc. Au 1er avril 2022, le salaire horaire de base d'un ATP était de 21,89$, selon le CPNSSS, contre 47,78$ pour de base d'un pharmacien, selon le site Guichet-Emplois. La présidente de l'AQPP reconnaît des disparités au sein du système de santé, tout en appelant elle aussi à une meilleure valorisation salariale des personnels techniques. Si le personnel hospitalier, syndiqués du secteur public, «[bénéficiera] des augmentations prévues dans la nouvelle convention qui doit entrer en vigueur dans les prochains mois, ce qui est une bonne nouvelle», Marylène Lévesque reste préoccupée par le fait que «les mécanismes en place pour l’évaluation des changements dans la charge de travail des ATP, ainsi que de tous les employés du secteur public, ne semblent pas efficaces pour reconnaître les grandes évolutions qui ont eu lieu ces dernières années en pharmacie». À lire aussi: Pour un réajustement salarial des assistants techniques en pharmacie hospitalière au QuébecConcernant le milieu communautaire, son constat est en demi-teinte, puisque «la pénurie de main-d’œuvre qui s'accentue semble avoir un effet positif sur les salaires des ATP, mais il y a encore du chemin à faire. Certaines bannières proposent des chartes salariales plus ou moins restrictives qui, souvent, reflètent mal la valeur du travail et le diplôme des ATP, et ne tiennent pas compte de l’éventail des tâches qui peuvent leur être déléguées». Au-delà de cette nécessaire reconnaissance salariale, les assistantes et assistants techniques eux-mêmes doivent prendre conscience de leur rôle et oser davantage, ajoute Marylène Lévesque. «En collaboration avec l’Ordre des pharmaciens et les autres associations de pharmaciens, nous voulons encourager les ATP et les futurs techniciens à s’approprier leur rôle. Ça devient notre spécialité, dans un milieu où il y a des modèles vraiment très variés, par exemple des pharmacies où les pharmaciens font encore la VCC eux-mêmes… Mais plus les individus vont prendre des initiatives et faire évoluer les choses, plus la mentalité va évoluer et on pourra emmener le métier où il doit être en 2024.»

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