Arthrite psoriasique: une nouvelle option thérapeutique encourageante

Le psoriasis touche environ un million de Canadiens et jusqu’à 30% d’entre eux développeront l’arthrite psoriasique (AP) à l’âge adulte. Il s’agit d’une forme d’arthrite inflammatoire assez complexe, également appelée rhumatisme psoriasique, qui se manifeste au niveau des articulations périphériques et axiales, des enthèses, de la peau et des ongles. À ce jour, il n’existe aucun moyen d’en guérir, mais grâce à un diagnostic précoce et un traitement approprié, la maladie peut être maîtrisée. Ce qui permet à tout le moins de prévenir les lésions articulaires graves et d’améliorer la qualité de vie des patients qui en souffrent au quotidien. La plupart prennent des antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM) conventionnels, comme l’hydroxychloroquine ou le méthotrexate, pour traiter leurs symptômes musculo-squelettiques. Pour les patients dont la réponse est inadéquate, les lignes directrices internationales proposent qu’ils ajoutent, ou passent à des ARMM biologiques dans le but de réduire autant que possible l’activité de la maladie. Ces molécules — telles que l’adalimumab, le certolizumab, l’étanercept, le golimumab ou l’infliximab — inhibent l’action du facteur de nécrose tumorale (TNF), une protéine que l’on retrouve en quantités excessives dans le sang et les articulations des personnes atteintes d’arthrite. Malgré tout, certains patients présentent une réponse inadéquate ou une intolérance aux inhibiteurs du TNF. Ils peuvent alors souffrir de douleurs et d’enflures articulaires intenses, de dactylites (gonflement des doigts et des orteils dits «en saucisse») et ils éprouvent une grande fatigue physique. Autant de symptômes qui viennent limiter leur fonctionnement. Deux essais aux conclusions équivalentes Pour ces derniers, une lueur d’espoir est apparue en décembre dernier sous la forme de deux études publiées dans la revue The Lancet. Elles concernent deux essais cliniques internationaux, menés en parallèle, sur l’efficacité du bimekizumab, un anticorps monoclonal humanisé de type IgG1. Le bimekizumab inhibe l’IL-17F et l’IL-17A, deux cytokines interleukines capables d’entrer en synergie avec le TNF pour déclencher et amplifier la réponse inflammatoire. Des études cliniques ont par exemple montré que la double inhibition de l’IL-17F et de l’IL-17A par le bimekizumab entraîne des améliorations rapides et durables chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante ou de psoriasis en plaques modéré ou sévère. Une condition pour laquelle Santé Canada a approuvé l’usage de l’anticorps monoclonal pour les adultes en février 2022. Dans le cadre de l’essai de phase 3 BE OPTIMAL, les chercheurs ont évalué l’efficacité et l’innocuité du bimekizumab chez des patients souffrant d’AP qui n’avaient jamais pris d’ARMM biologiques auparavant. Il s’agissait d’un essai de 52 semaines, multicentrique, randomisé, en double aveugle, contrôlé par placebo, avec référence active (adalimumab). Il a été réalisé sur 135 sites et dans 14 pays différents auprès de 852 patients dont le diagnostic d’AP remontait à plus de six mois. Ils présentaient «un nombre d’articulations sensibles (TJC) de trois ou plus (sur 68), un nombre d’articulations enflées (SJC) de trois ou plus (sur 66), ainsi qu’une ou plusieurs lésions psoriasiques actives et/ou des antécédents documentés de psoriasis», indique l’étude. Entre le 3 avril 2019 et le 25 octobre 2021, les participants ont été assignés au bimekizumab 160 mg (administration aux quatre semaines), au placebo (toutes les deux semaines), ou au groupe de référence (adalimumab 40 mg aux deux semaines), tous administrés par voie sous-cutanée. À la semaine 16, les patients qui prenaient le placebo sont passés au bimekizumab. L’indice d’évaluation principal était la proportion de patients atteignant une amélioration de 50% ou plus des critères de l’American College of Rheumatology (ACR 50) à la semaine 16. À lire aussi: Psoriasis: des acides gras communs pourraient empirer la douleur Un fardeau allégé Au final, «les résultats fournissent des preuves de l’efficacité du bimekizumab dans la réduction de la gravité de l’AP, de même que dans la prévention des dommages structurels», écrivent les chercheurs qui estiment que l’anticorps monoclonal «répond aux principaux objectifs de traitement décrits dans les lignes directrices internationales et pourrait constituer une option thérapeutique appropriée pour l’AP». En revanche, ils admettent que leur étude «n’avait pas la puissance nécessaire pour établir des comparaisons statistiques entre l’adalimumab, le bimekizumab et le placebo». Dans le détail, 44% des patients recevant du bimekizumab ont atteint une réponse ACR 50 à la semaine 16, un seuil franchi par seulement 10% des participants ayant pris le placebo. De plus, «le traitement par le bimekizumab a permis d’améliorer de façon supérieure l’efficacité des articulations, de la peau et des radiographies par rapport au placebo», soulignent les auteurs. Plus de 70% des participants souffrant d’AP et de psoriasis concomitant ont ainsi atteint un PASI 90 (indice d’étendue et de sévérité du psoriasis) et plus de 50% avaient une clairance cutanée complète (PASI 100) à la semaine 24. «L’amélioration de la fonction physique et la réduction des symptômes clés que sont la douleur et la fatigue ont accompagné les améliorations des résultats cliniques, réduisant ainsi le fardeau de la maladie déclaré par les patients», ajoutent les auteurs en précisant que «le profil de sécurité du bimekizumab, y compris la survenue d’infections fongiques, était cohérent avec les études de phase 3 précédentes chez les patients atteints de psoriasis en plaques, et avec les inhibiteurs de l’IL-17A». La seconde étude publiée en décembre dans The Lancet présente les résultats de l’essai clinique BE COMPLETE, dont le but était de comparer l’efficacité et la sécurité du bimekizumab chez des patients atteints d’AP qui avaient déjà eu une réponse inadéquate ou une intolérance aux inhibiteurs du TNF. Il s’agissait également d’un essai de phase 3, multicentrique, randomisé, en double aveugle, contrôlé par placebo, mais sans référence active cette fois-ci. Des améliorations rapides et significatives Il a été mené sur 92 sites et dans 11 pays auprès d’une cohorte de 400 participants dont le diagnostic d’AP datait d’au moins six mois. Ils présentaient les mêmes critères TJC et SJC que dans l’essai BE OPTIMAL et avaient des antécédents de réponse inadéquate ou d’intolérance au traitement par un ou deux inhibiteurs du TNF pour l’AP ou le psoriasis. Ces patients étaient autorisés à prendre, de manière concomitante, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des analgésiques, des corticostéroïdes oraux ou des ARMM conventionnels à doses stables. En revanche, ceux qui avaient été exposés à un traitement biologique, à l’exception des inhibiteurs du TNF, ont été exclus. À lire aussi: Un médicament contre le psoriasis réduit les «mauvaises graisses» chez les patients Entre le 28 mars 2019 et le 14 février 2022, les participants ont reçu de manière aléatoire du bimekizumab 160 mg par voie sous-cutanée toutes les quatre semaines, sur une période de 16 semaines, ou un placebo administré sous la même forme et selon le même schéma posologique. L’indice d’évaluation principal était, là encore, la proportion de patients présentant une amélioration de 50% de l’ACR 50 à la 16e semaine. «En résumé, (notre) étude a montré des améliorations rapides, cliniquement significatives et cohérentes sur un éventail de symptômes articulaires et cutanés et rapportés par les patients», indiquent les chercheurs. À la semaine 16, 43% des patients du groupe bimekizumab ont ainsi atteint un ACR 50 contre 7% pour ceux ayant reçu le placebo. Par ailleurs, 59% des participants traités au bimekizumab qui étaient atteints d’un psoriasis affectant au moins 3% de leur surface corporelle présentaient une clairance cutanée complète, mesurée par le PASI 100. «Cette rapidité de réponse pour l’ensemble des signes et symptômes du rhumatisme psoriasique est précieuse pour les patients, qui ont déclaré que l’atténuation des symptômes était une priorité pour réduire l’impact de la maladie sur la vie quotidienne», notent les auteurs de l’étude. Ils signalent que des effets indésirables ont été signalés par 108 des 267 patients (40 %) ayant reçu le bimekizumab et par 44 des 132 participants (33 %) du groupe placebo. «Il n’y a pas eu de nouveaux signaux de sécurité ni de décès», ajoutent-ils. Quelques bémols «Bien que les résultats des essais BE OPTIMAL et BE COMPLETE soient solides et soutiennent fortement l’utilisation du bimekizumab chez les patients naïfs aux ARMM biologiques ou qui ne répondent pas aussi bien que les autres aux inhibiteurs du TNF, certains doutes n’ont pas été complètement clarifiés», observe néanmoins le Dr Rubén Queiro dans un article publié dans la même édition du Lancet. Le rhumatologue espagnol, qui pratique à l’Hôpital universitaire central des Asturies, à Oviedo, note par exemple que les effets de l’anticorps monoclonal sur l’enthésite et la dactylite n’ont pas été inclus dans les analyses secondaires d’efficacité de l’étude BE COMPLETE «en raison d’un manque de puissance statistique». À lire aussi: Les «switchs» de médicaments dans le traitement du psoriasis (analyse) S’agissant de l’essai BE OPTIMAL, le clinicien souligne qu’une proportion similaire de patients ayant reçu du bimekizumab (44%) et de l’adalimumab (46%) ont obtenu un résultat ACR 50 à la 16e semaine. Cependant, une plus grande proportion de patients ayant reçu l’anticorps monoclonal ont atteint un résultat combiné d’ACR 50 et d’amélioration de 100% du PASI 100, «ce qui suggère que, chez les patients naïfs d’ARMM biologiques atteints d’un psoriasis basique affectant 3% ou plus de surface corporelle, le bimekizumab pourrait avoir un effet similaire à celui de l’adalimumab sur la composante musculo-squelettique et une meilleure performance pour le domaine cutané du rhumatisme psoriasique.» Si le rhumatologue considère que les résultats des deux essais demeurent utiles, «on ne sait pas quel avantage réel le double blocage de l’IL-17A et de l’IL-17F procure par rapport à l’IL-17A seul dans le traitement de l’AP» souligne-t-il. «Bien que ce double blocage ait montré une supériorité par rapport à d’autres cibles thérapeutiques dans des essais sur le traitement du psoriasis, cette supériorité n’a pas encore été démontrée pour l’AP. Par conséquent, on s’attend à ce que des études de comparaison directe entre le bimekizumab et d’autres options thérapeutiques permettent de surmonter les limites des essais actuels comparés à un placebo.» Malgré ces bémols, «le bimekizumab est, quoi qu’il en soit, une nouvelle option efficace et sûre pour le traitement du rhumatisme psoriasique», conclut le Dr Queiro.

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