Arrêt de l'alcool: comment réagit notre foie?

Note de la rédaction: les recommandations concernant les limites de consommation d'alcool par semaine mentionnées dans cet article concernent le Royaume-Uni. Selon la mythologie grecque, Zeus punit Prométhée pour avoir donné le feu aux humains. Il enchaîna Prométhée et demanda à un aigle de se régaler de son foie. Chaque nuit, le foie repoussait et chaque jour, l'aigle revenait pour son festin. Mais en réalité, un foie peut-il vraiment se régénérer?Le foie est le plus grand organe interne du corps humain. Il est indispensable à des centaines de processus corporels, notamment pour décomposer les toxines telles que l'alcool. Comme il s'agit du premier organe à «percevoir» l'alcool consommé, il n'est pas surprenant qu'il soit le plus sensible à ses effets. Toutefois, d'autres organes, comme le cerveau et le cœur, peuvent également être endommagés par une consommation excessive d'alcool sur le long terme.En tant que spécialiste du foie, je rencontre tous les jours des personnes atteintes d'une maladie hépatique liée à l'alcool. L’éventail des maladies va de l'accumulation de graisses dans le foie (stéatose hépatique) à la formation de cicatrices (cirrhose). Des maladies dont les symptômes ne se manifestent généralement pas avant un stade très avancé.Dans un premier temps, l'alcool rend le foie gras, ce qui provoque une inflammation. Pour tenter de se guérir, le foie produit alors du tissu cicatriciel. Si ce phénomène se poursuit sans contrôle, l'ensemble du foie peut devenir un maillage de cicatrices entre lesquelles se trouvent de petits îlots de «bon» foie: c'est la cirrhose. La maladie du foie gras non alcoolique est la maladie hépatique la plus répandue au Canada, touchant plus de 7 millions de personnes, rappelle la Fondation canadienne du foie.À lire aussi: Un verre de bière mon minouAux derniers stades de la cirrhose, lorsque le foie est défaillant, les personnes atteintes peuvent devenir jaunes (jaunisse), se gonfler de liquide, devenir somnolentes et confuses. Cette situation est grave et peut être fatale. En 2017, l’alcool a causé 18 000 décès au Canada selon le rapport final des «Nouveaux repères canadiens sur l’alcool et la santé», publié en 2023 par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.La plupart des personnes qui boivent régulièrement plus que la limite recommandée de 14 unités d'alcool par semaine (environ six pintes de bière de force normale [4% ABV, alcohol by volume] ou environ six verres moyens [175 ml] de vin [14% ABV]) auront une stéatose hépatique. Une consommation importante et à long terme d'alcool augmente le risque de développer une cicatrisation et une cirrhose.Bonnes nouvellesHeureusement, il y a de bonnes nouvelles. Chez les personnes souffrant de stéatose hépatique, arrêter de boire pendant seulement deux ou trois semaines permet au foie de guérir et de retrouver son aspect et ses fonctions d'origine.Chez les personnes souffrant d'une inflammation du foie ou de cicatrices légères, il suffit de sept jours de sobriété pour observer une réduction notable de la graisse, de l'inflammation et des lésions du foie. L'arrêt de la consommation d'alcool pendant plusieurs mois permet au foie de guérir et de revenir à la normale.À lire aussi: Normaliser les questions sur les habitudes de consommation d'alcool est la clé d'un dépistage réussi, selon des médecinsChez les gros buveurs présentant des lésions plus graves ou une insuffisance hépatique, arrêter de consommer de l'alcool pendant plusieurs années réduit le risque d'aggravation de l'insuffisance hépatique et de décès. Cependant, ces personnes peuvent être physiquement dépendantes de l'alcool et un arrêt soudain peut provoquer un syndrome de sevrage alcoolique.Dans sa forme légère, le sevrage alcoolique entraîne des tremblements et une forte transpiration. Mais s'il est sévère, il peut provoquer des hallucinations, des convulsions et même la mort. Le sevrage brutal n'est jamais recommandé aux gros buveurs, qui ont besoin d’un accompagnement médical pour arrêter l'alcool en toute sécurité.Autres avantagesArrêter de boire a des effets positifs sur le sommeil, les fonctions cérébrales et la tension artérielle. De longues périodes de sobriété permettent en outre de réduire le risque de plusieurs types de cancer (notamment du foie, du pancréas et du côlon) et le risque de maladie cardiaque et d'accident vasculaire cérébral.Cependant, l'alcool n’est pas la cause de tous les maux. S’il présente d’indéniables bénéfices pour la santé, l’arrêt de l’alcool doit être associé à une bonne hygiène de vie, une alimentation équilibrée et une pratique physique régulière. Ainsi, pour en revenir au mythe de Prométhée, le foie a le pouvoir étonnant de se régénérer après avoir été endommagé. Mais il ne peut pas repousser à l'identique s'il avait déjà subi de graves lésions.À lire aussi: Un médicament contre l'alcoolisme pourrait combattre le neuroblastomeSi vous arrêtez de boire alors que vous n'étiez qu'au stade d'un foie gras, un retour à la normale est possible et rapide. Mais si votre foie a subi des lésions (cirrhose), arrêter l’alcool ne pourra pas réparer tous les dommages déjà causés, seulement permettre une guérison partielle et une amélioration de vos fonctions hépatiques.Alors si vous voulez prendre soin de votre foie, buvez avec modération et essayez de passer deux ou trois jours sans alcool par semaine. Ainsi, vous n'aurez pas à compter sur son pouvoir magique d'autoguérison pour rester en bonne santé.Le Dr Ashwin Dhanda est professeur agrégé d'hépatologie à l'Université de Plymouth.Cet article est publié par La Conversation sous une licence Creative Commons.

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