Aripiprazole vs autres antipsychotiques atypiques

Question : Quelles sont les caractéristiques cliniques de l’aripiprazole qui pourraient le différencier des autres antipsychotiques atypiques? Réponse :L’aripiprazole (AbilifyMC) fait partie de la classe des « antipsychotiques atypiques ». À l’instar des autres antipsychotiques disponibles sur le marché canadien, l’aripiprazole agit sur les récepteurs dopaminergiques D2. Toutefois, alors que tous les autres antipsychotiques sont des bloqueurs de ces récepteurs, l’aripiprazole agit comme agoniste partiel au niveau de ce système neuronal. Ce profil pharmacologique singulier est responsable des divers attributs cliniques distinctifs de l’aripiprazole. En bref, cet agonisme partiel permet à l’aripiprazole d’antagoniser sélectivement l’excès dopaminergique qui cause la symptomatologie psychotique, tout en préservant des « niveaux physiologiques de tonus dopaminergique » dans les régions corticales, striatales et pituitaires. Ainsi, on évite l’émergence de neurotoxicité (ex. : dysphorie), de troubles moteurs et d’hyperprolactinémie, manifestations cliniques se développant surtout en présence d’un blocage dopaminergique « excessif ».Indications : L’aripiprazole est principalement utilisé en schizophrénie, dans la phase maniaque de la maladie affective bipolaire, et comme adjuvant aux antidépresseurs traditionnels dans le traitement de la dépression majeure unipolaire. (antidépresseurs traditionnels : ISRS, IRNS [Inhibiteurs de la recapture de la norépinéphrine et de la sérotonine], mirtazapine, pas de données avec le bupropion)Beaucoup d’agonistes partiels se sont taillés une place de choix dans la pharmacothérapie des troubles d’abus de substances (ex. : varénicline, buprénorphine). Il n’est donc pas surprenant que l’aripiprazole, un agoniste partiel du système dopaminergique, ait un avenir prometteur dans le traitement de ces affections. En effet, le système dopaminergique (i.e. l’« autoroute du plaisir ») est un acteur important dans la physiopathologie des troubles d’abus de substances.Doses : Lorsque l’aripiprazole est utilisé pour son effet antipsychotique ou antimaniaque, on devrait viser 10-15 mg/jour. Notez que, même si la dose maximale dans la monographie du produit est de 30 mg/jour, on peut observer, chez certains patients, un effet dose-réponse curvilinéaire, i.e. en « U inversé ». Ainsi, certains sujets auront une meilleure réponse à 20 mg/jour qu’à 30 mg/jour! Mentionnons que le clinicien doit diminuer la dose d’aripiprazole de moitié en présence d’inhibiteurs du CYP2D6 ou du CYP3A4. Notons également que, dans le traitement de la schizophrénie, les concentrations plasmatiques optimales d’aripiprazole seraient de 150 - 300 ng/ml.Lorsque prescrit comme adjuvant aux antidépresseurs traditionnels dans le traitement de la dépression majeure unipolaire, on devra utiliser des doses plus faibles versus celles prescrites en psychose ou en manie. Des doses de départ de 2 à 5 mg/jour (et même de 1 mg/jour!) sont appropriées. Même si la monographie du produit recommande un maximum de 20 mg/jour (15 mg/jour en présence d’inhibiteurs du CYP2D6 ou du CYP3A4) lorsqu’on utilise l’aripiprazole dans cette indication, le clinicien a avantage à recourir à la « fraction inférieure » de l’intervalle thérapeutique (i.e. 5-10 mg/jour plutôt que 15-20 mg/jour). En effet, des doses trop élevées peuvent nuire à l’effet antidépresseur de l’aripiprazole.Innocuité : L’AbilifyMC a peu/pas d’effet significatif au niveau des récepteurs alpha1-adrénergiques, histaminergiques H1 ou cholinergiques. Ainsi, le risque qu’il entraîne de l’hypotension orthostatique, de la sédation et des effets anticholinergiques est, pour ainsi dire, nul.- À l’instar de la ziprasidone, l’aripiprazole aurait très peu/pas d’effet délétère au niveau métabolique (poids, bilan glucidique, profil lipidique, etc.).- Son agonisme partiel diminuerait l’incidence de réactions extrapyramidales, d’hyperprolactinémie et de dysphorie.- Il s’agit d’une molécule qui entraîne plus d’« activation » que de « somnolence ». Cette « activation » peut parfois ressembler à de l’akathisie (i.e. de l’« anxiété extrême »). Ce phénomène d’akathisie survient généralement en début de traitement et affecte plus particulièrement les sujets atteints de dépression majeure unipolaire versus ceux atteints de schizophrénie ou de manie.Pharmacocinétique / Interactions médicamenteuses : L’aripiprazole est surtout métabolisé par les CYP2D6 et CYP3A4. Il est aussi substrat de la p-glycoprotéine. Il possède un métabolite actif, le dehydroaripiprazole. Ce dernier, lequel a des propriétés pharmacologiques semblables à celles de la substance-mère, contribuerait de façon significative à l’efficience clinique de l’AbilifyMC. Le dehydroaripiprazole est métabolisé via le CYP3A4.L’aripiprazole ne semble pas affecter la pharmacocinétique d’autres médicaments. L’état d’équilibre est atteint en 2 semaines (re : T1/2 vie de la substance-mère = 75 heures et du dehydroaripiprazole = 100 heures).Aripiprazole : quelques secrets cliniques - Lors du passage d’un autre bloqueur dopaminergique D2 (sauf la clozapine et la quétiapine) à l’aripiprazole, on peut initier l’aripiprazole à une dose efficace (ex. : 10 mg/jour en schizophrénie) mais on devra sevrer le premier antipsychotique sur un minimum de 2 à 6 semaines.- Avec l’aripiprazole, on se doit de respecter l’adage start low, go slow, and stay low. En effet, qu’il s’agisse du traitement d’un patient atteint de schizophrénie ou de dépression majeure unipolaire, la courbe dose-réponse de l’aripiprazole semble être curvilinéaire (i.e. en « U inversé ») : ainsi, chez certains sujets, des doses élevées seront moins efficaces que des doses plus faibles.- Il est illogique de prescrire l’aripiprazole « au besoin » (il doit être administré de façon « régulière »).Références1. Burris KD, et coll. Aripiprazole, a novel antipsychotic, is a high-affinity partial agonist at human dopamine D2 receptors. J Pharmacol Exp Ther 2002; 302: 381-9.2. Han M, et coll. Aripiprazole differentially affects mesolimbic and nigrostriatal dopaminergic transmission: implications for long-term drug efficacy and low extrapyramidal side-effects. Int J of Neuropsychopharmacol 2009 (in press).3. Kane JM, et coll. 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