Antidiabétiques: un poids financier de plus en plus considérable

Les dépenses en médicaments antidiabétiques ont sérieusement augmenté entre 2012 et 2021 au Canada: elles ont en effet progressé de 0,9 milliard de dollars à 2,7 milliards de dollars. Leur part de marché a aussi doublé en moins d’une décennie, passant de 4,2% à 7,9%. «Cette croissance a dépassé celle de l’ensemble du marché des médicaments», souligne le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) en expliquant que cette poussée «reflète le passage à de nouvelles classes de médicaments pour le traitement du diabète». Par ricochet, le coût par habitant des traitements pour les patients diabétiques est passé de 26$ à 71$. «Alors que les pays de l’OCDE ont fait face à des tendances similaires en matière de dépenses et d’évolution des habitudes d’utilisation, le Canada s’est classé parmi ceux dont les coûts sont les plus élevés et les augmentations les plus fortes.» - CEPMB Cette tendance n’est pas prête de s’inverser en raison de la prévalence grandissante de la maladie du siècle. Chaque jour, 620 nouvelles personnes reçoivent un diagnostic de diabète (DT) au pays, selon Diabète Québec. Dans la dernière édition de son Rapport sur la situation du marché: Médicaments antidiabétiques, 2012-2021, le CEPMB estime quant à lui que 5,7 millions de Canadiens sont atteints du diabète de type 1 (10%) et du diabète de type 2 (90%) – diagnostiqué ou non –, et que 6 millions d’autres sont probablement prédiabétiques. Selon le CEPMB, «les traitements de nouvelle génération ont été le principal moteur de la croissance» constatée entre 2012 et 2021. En 2021, ils représentaient presque trois quarts (71%) des ventes d’antidiabétiques au Canada autres que l’insuline. Une conclusion à laquelle s’attendait Jean Bourcier, le PDG d’Accessa, une entreprise créée en 2019 par l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires du Québec (AQPP) qui gère ses propres programmes de soutien aux patients pour démocratiser l’accès aux médicaments de spécialité. «On a connu des avancées technologiques significatives au niveau des médicaments biologiques. Les thérapies ont évolué vers des thérapies de plus en plus complexes, qui coûtent de plus en plus cher», observe le directeur général de l’AQPP en soulignant que les constats du CEPMB concernant les antidiabétiques valent pour toutes les classes de médicaments. Le fardeau financier du diabète s’élève à environ 29 milliards de dollars par an au Canada, selon le CEPMB. L’adoption des molécules de nouvelle génération et de médicaments autres que l’insuline a débuté fin 2007 avec l’approbation du premier inhibiteur de la dipeptidyl peptidase (DPP-4), le Januvia. Au milieu des années 2010, les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT-2) sont venus concurrencer les DPP-4. En 2021, ces derniers et les SGLT-2 comptaient respectivement pour 24% et 22% des dépenses en médicaments antidiabétiques, tandis que les agonistes du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) en constituaient quant à eux 25%. Alors qu’ils avaient une faible incidence en 2010, les GLP-1 ont connu une forte croissance ces dernières années en raison de la popularité du sémaglutide (Ozempic), lancé en 2018. «Si les ventes d’insuline sont restées stables au cours de cette période, des changements notables se sont cependant produits au Canada», souligne le CEPMB. Certains régimes d’assurance-médicaments provinciaux – la Colombie-Britannique et l’Alberta d'abord, suivies par le Québec et les provinces de l’Atlantique – ont mis en œuvre des politiques de transition vers les biosimilaires. Par ailleurs, l’insuline dégludec (Tresiba) à action prolongée (jusqu’à 42 heures) est entrée sur le marché en 2017, alors que son brevet venait d’expirer. À lire aussi: Régimes privés: le diabète au premier rang pour les médicaments remboursés Des surcoûts de 700 millions de dollars Autre enseignement, et non des moindres, tiré du rapport du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés: les tarifs des antidiabétiques les plus vendus au pays sont plus élevés que ceux pratiqués dans les 11 pays (CEPMB11) comparés par ses analystes. En Australie, Belgique, France, Allemagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède et au Royaume-Uni, ils sont de 30 à 50% moins chers. La part des traitements contre le DT dans le marché canadien des médicaments (7,9% en 2021) était ainsi la plus élevée parmi les pays du CEPMB11. En 2021, le Canada avait le coût par habitant le plus élevé (71$) du CEPMB11, devant le Japon (46$), l’Allemagne (46$) et l’Espagne (43$). Ces écarts significatifs, qui pourraient représenter des dépenses supplémentaires annuelles allant jusqu’à 703 millions de dollars au Canada, ont une origine géographico-économique. «Cette situation s’explique par l’influence des prix pratiqués aux États-Unis, où les prix sont habituellement beaucoup plus élevés que dans tous les autres pays et jouent un rôle particulièrement important dans la détermination du prix moyen pratiqué à l’étranger», peut-on lire dans le rapport annuel 2021 du CEPMB. «Le Canada, les États-Unis et la Suisse cherchent à maintenir une industrie pharmaceutique forte pour donner un accès rapide à des thérapies novatrices. C’est positif pour les patients et les professionnels de la santé, mais cela à un coût», indique pour sa part Jean Bourcier. À lire aussi: Les erreurs courantes à éviter avec les nouvelles classes de médicaments contre le diabète Afin d’atténuer les pressions exercées par les coûts des antidiabétiques, il n’y a pas 36 solutions. Le CEPMB en énumère deux. «Les régimes provinciaux peuvent limiter l’accès aux médicaments coûteux en exigeant que d’autres traitements, moins coûteux, soient d’abord essayés (comme) c’est le cas de la plupart des médicaments de nouvelle génération, sauf en Ontario.» D’autre part, le diabète de type 2 étant une maladie métabolique qui, pour nombre d’individus, pourrait être évitée par l’adoption de saines habitudes de vie, mieux vaut dans la mesure du possible prévenir que guérir, indique le CEPMB en soulignant que «les efforts des gestionnaires de la santé publique en matière d’éducation sur la santé restent toujours incontournables».

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