Antibiotiques: le rôle clé du pharmacien en établissement

Alors que la résistance aux antibiotiques progresse partout à travers le monde, le rôle du pharmacien en établissement est plus que jamais capital, estime Marie Carrier, présidente du programme d’antibiogouvernance (PrAG) du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec.«Le facteur de risque modifiable le plus important pour limiter le développement d’antibiorésistance, c’est la prescription d’antibiotiques, et le pharmacien a un rôle primordial à jouer là-dedans», a déclaré Mme Carrier lors d’une conférence tenue en marge du Congrès de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, la semaine dernière.Au moment de la prescription, le pharmacien doit se demander si l’antibiotique est vraiment nécessaire en se basant sur des données probantes, dit-elle. Si l’antibiotique est nécessaire, le pharmacien devra faire un temps d’arrêt après deux ou trois jours. Ce temps d’arrêt permettra une réévaluation des données cliniques et microbiologiques. Est-ce que la poursuite de l’antibiotique est nécessaire? Est-ce qu’on peut procéder à une réduction progressive du traitement?Souvent, les médecins prescrivent des antibiotiques inutilement puisqu’ils manquent de connaissance, sont inquiets ou sont tout simplement marginaux, indique Mme Carrier.Selon le Canadian antimicrobial resistance surveillance system report, le tiers des antibiotiques en ambulatoire est non nécessaire, tandis qu’en courte durée, plus de la moitié des antibiotiques sont inappropriés ou non nécessaires. En longue durée, 75 % des antibiotiques sont inappropriés, selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies.Conséquences désastreusesLe pharmacien se doit donc de faire de l’éducation ou de partager les lignes directrices et les guides de pratique avec le médecin. Dans le cas d’un médecin marginal, Mme Carrier suggère aux pharmaciens d’éviter la confrontation, mais de montrer au médecin qu'il prescrit trop d’antibiotiques comparativement à ses pairs.À l’occasion, le pharmacien se doit d’agir pour arrêter le traitement, puisque l’utilisation inadéquate des antibiotiques peut causer la mort. C’est le cas d’une dame de 90 ans atteinte de colite pseudomembraneuse qui, 19 jours après le début de la moxifloxacine, est décédée, illustre la présidente du PrAG.«Les antibiotiques sauvent souvent des vies, mais quelques fois nous en prennent», note Mme Carrier.Donner le bon antibiotiqueAlors que la résistance aux antibiotiques est de plus en plus importante, très peu de nouveaux antibiotiques sont mis au point. À un point tel qu’en 2010, la Société américaine des maladies infectieuses a lancé une initiative dans le but de développer dix nouveaux antibiotiques à usage systémique significatif en clinique d’ici 2020. Une seule molécule issue de cette initiative est actuellement disponible au Québec: la ceftolozane-tazobactam.L’absence de nouveaux agents a motivé la mise sur pied des programmes d’antibiogouvernance au Québec comme ailleurs dans le monde. Ces programmes ont eu un impact significatif en courte durée: ils ont permis de diminuer de 22 à 36 % la consommation d’antibiotiques, en plus de diminuer de près de deux jours la durée du traitement.En travaillant en équipe au CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, les membres du programme d’antibiogouvernance poursuivent un but : donner le bon antibiotique, seulement si nécessaire, à la bonne dose et pour la bonne durée.

Antibiotiques: le rôle clé du pharmacien en établissement

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes