Analyse: une assurance médicaments fédérale de 20 G$?

Il y a longtemps que l’idée d’un régime fédéral d’assurance médicaments universel flotte dans l’air. Pour la première fois, ses coûts ont été évalués. Ça coûterait cher, mais globalement, les Canadiens économiseraient. Analyse. Ginette Petitpas, ministre fédérale de la SantéLa nouvelle est passée presque inaperçue, mais un document qui risque de se retrouver au cœur de la prochaine élection fédérale a été déposé par le Bureau du directeur parlementaire du budget (BDPB). Il chiffre pour la première fois ce que coûterait un programme national universel d’assurance médicaments.La facture risque cependant de faire sourciller : 20 milliards $ pour le gouvernement fédéral, en se basant sur l’année financière 2015-2016.Le document Coût d’un programme national d’assurance médicaments de régie fédérale a été déposé par le BDPB le 28 septembre dernier, à la demande du Comité permanent de la Santé de la Chambre des communes.Le projet fédéral d’assurance médicaments publique s’inspire largement du régime québécois d’assurance médicaments, à une différence majeure près : un tel régime fédéral tel qu’envisagé par le gouvernement Trudeau serait entièrement public, plutôt que mixte privé/public, comme c’est le cas au Québec.Toutefois, le BDPB s’est servi de la liste des médicaments assurés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) afin d’établir une base d’évaluation crédible. Aux fins d’évaluation des médicaments consommés à travers le Canada et leur coût, la liste de la RAMQ a été étendue à l’ensemble du pays.Selon les premières évaluations, sur les 28,5 milliards $ de dépenses pharmaceutiques estimées en 2015-2016, un montant de 24,6 milliards $ aurait été admissible au programme national d’assurance médicaments. Il en aurait coûté 11,9 milliards $ aux gouvernements, 9 milliards $ pour les régimes d’assurance privée et 3,6 milliards $ pour les patients.Les 4 milliards $ restants ont été dépensés en médicaments qui n’apparaissent pas sur la liste de ceux assurés par la RAMQ.«Bien que les dépenses en médicaments aient progressé rapidement (au rythme de 5,1 % par an entre 2004 et 2014), il demeure que de nombreux Canadiens ne sont toujours pas en mesure de se procurer les médicaments dont ils ont besoin à cause de leur prix, fait valoir le BDPB . Cela concerne environ 2 % des Canadiens qui n’ont pas d’assurance-médicaments et 10 % de ceux qui en ont une, mais qui n’ont pas les moyens financiers pour avancer les sommes nécessaires à l’achat.»Un projet de 20 milliards $Le DPB estime que des économies de plus de 4,2 milliards $ sont possibles grâce à l’instauration d’un régime public pancanadien, tant pour les provinces que les particuliers.Ainsi, il évalue à 20,4 milliards $ le coût total du programme public. Cela inclut les 13,1 milliards $ en médicaments d'ordonnance que couvrent déjà les provinces au moyen de leurs régimes publics actuellement. Ce qui laisse un coût additionnel brut de l’assurance médicaments pour le secteur public de 7,3 milliards $, selon le BDPB.En 2016, les Canadiens ont dépensé plus de 28 milliards $ en médicaments. En fonction de la liste de la RAMQ, cette somme aurait atteint 24,6 milliards $.Par contre, le BDPM estime que des économies de 4,2 milliards parmi l’ensemble des dépenses en médicaments au Canada sont possibles avec un tel programme, notamment en plaçant le gouvernement fédéral en meilleure position pour négocier le prix des médicaments qui, en partant, serait au moins aussi bas que celui consenti aux régimes d’assurance publics ou privés au Canada, prix auquel s’appliquerait en plus une réduction universelle de 25 %.Aussi, le BDPB juge que l’application universelle au secteur privé des niveaux de substitution des médicaments génériques en vigueur pour le secteur public, quand des médicaments génériques de substitution existent, participerait à cette réduction des coûts globaux. À cela s’ajouteraient les économies d’échelle administratives.Toutefois, avertit le BDBP, la baisse du prix des médicaments pour les patients entraînerait une augmentation de la consommation globale, et l’élargissement de la couverture publique aux personnes qui ne sont pas présentement assurées contrecarreront une partie de la réduction des coûts.Et encore faudrait-il que le fédéral puisse obtenir de meilleurs prix. Dans le cas où la réduction universelle ne serait que de 10 %, au lieu de 25%, la facture passerait à plus de 22 milliards $, au lieu de 20.Autre élément d’incertitude : les hypothèses évaluées par le BDPB ne couvrent qu’un seul scénario, appliqué d’un océan à l’autre, sans régime particulier pour le Québec, qui a déjà son propre programme en vigueur, sans financement d’Ottawa.Plusieurs organisations, dont l’Association médicale canadienne, plaident en faveur d’un tel programme, mais l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes s’y oppose vigoureusement, mettant en garde contre une perte de couverture de certains médicaments pour les patients.

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