Améliorer l’accès à la première ligne: vos solutions

Une situation qui nous affecte tous «C’est un problème majeur qui nous touche, nous, médecins de famille œuvrant en première ligne. Je me rends de plus en plus compte à quel point ça m’irrite et m’attriste d’entendre les gens jour après jour expliquer combien c’est compliqué et long, ou carrément impossible, de voir un médecin, autant pour mes propres patients que ceux qui n’ont pas de médecin de famille. Mes secrétaires aussi sont fatiguées de ça. Tout le monde dans les cliniques aimerait pouvoir régler ce problème. Personne n’aime refuser, dire non, dire "on est complet, désolée".» – Geneviève Caron-Fauconnier, responsable du GMF La Clinique Familiale, à Saint-Georges Fausse prémisse «À mon avis, la prémisse de base est fausse: il ne faut pas un médecin de famille pour chaque Québécois. Chaque Québécois doit avoir accès à un médecin qualifié qui le traitera de façon ponctuelle pour un problème aigu ou le suivra pour la durée de la problématique si le problème demande un suivi limité dans le temps. Chaque Québécois souffrant d’une maladie chronique devrait avoir un médecin de famille et une équipe soignante (infirmière, psychologue, nutritionniste, travailleur social…) pour son suivi. Donc chaque Québécois choisit une clinique où on le recevra, même s’il n’a pas consulté depuis cinq ans…» – Michelle Tolszczuk, médecin de famille Des rendez-vous avec l’équipe médicale plutôt qu'avec le médecin de famille «Lorsqu’un patient appelle à sa clinique, il ne devrait plus demander un rendez-vous avec son médecin de famille, mais avec son équipe médicale. La secrétaire lui demande sommairement la raison de son rendez-vous, puis le redirige vers le bon professionnel. (..) Nous avons essayé à notre clinique ce type de triage et 25 % des patients n’ont pas eu besoin de voir le médecin de famille. C’est fantastique. J’aurais même pris 5 ou 10 %, mais 25 %, wow. Malheureusement, cela n’a pas été poursuivi après le projet pilote dû à la résistance de certains…» – Médecin de famille ayant requis l’anonymat Élargir le rôle des pharmaciens «Dans ma pratique quotidienne en pharmacie, je fais face à des patients qui n’ont pas été vus depuis plus de deux ans par leur (ou n’importe quel) médecin. (…) À chaque fois que mon analyse de la situation conclut "vous devez consulter votre médecin", je me crispe pour esquiver la foudre de mon patient. Qu’il ait un médecin de famille attitré ou pas, cela ne change rien; obtenir un rendez-vous avec un généraliste dans des délais raisonnables relève d’un miracle. D’un autre côté, combien de consultations en clinique aboutissent encore aujourd’hui à la simple prescription d’acétaminophène, d’un AINS topique ou d’un antitussif en vente libre? Ne serait-il pas utile pour la société si, tout en élargissant le cadre de la Loi 31, le pharmacien communautaire faisait réellement partie du réseau de la santé, habilité à effectuer un triage adéquat, et à référer à l’intérieur du réseau, avec accès privilégié lorsque jugé nécessaire?» – Aline Markarian, pharmacienne communautaire Couvrir les soins des physiothérapeutes par la RAMQ «Les physiothérapeutes sont beaucoup mieux formés que la plupart des médecins de famille pour évaluer et prendre en charge la majorité des problèmes musculo-squelettiques. Ils voient déjà une bonne partie de leur clientèle en accès direct. Par contre, leurs soins ne sont pas couverts par la RAMQ, contrairement à ce qui se passe ailleurs au Canada. De plus, ils ne peuvent référer directement à un spécialiste sans passer par un médecin de première ligne. Une meilleure intégration des physiothérapeutes aux équipes de soins pourrait certainement réduire la chronicité de plusieurs pathologies qui ne sont pas traitées adéquatement actuellement.» – Mireille Belzile, omnipraticienne et médecin du sport Plus de physiothérapeutes «Il suffirait d’embaucher 180 physiothérapeutes (seulement 3 % des physios enregistrés au Québec) en mode pratique autonome au Québec pour répondre à 396 000 consultations par année en orthopédie. Pourtant, on ne fait qu’implanter encore des projets pilotes pour voir comment ça marche, avec une lenteur disproportionnée par rapport aux besoins de la population. Il faut bien croire que l’innovation n’est pas au rendez-vous au MSSS…» – Julio Fernandes, chirurgien orthopédiste Déléguer les arrêts de travail «Pour continuer sur l’idée de "donner plus de pouvoir à tout le monde". Les psychologues et les physiothérapeutes devraient avoir le droit de prescrire des arrêts de travail et de déterminer le retour au travail, autant pour les assureurs privés que pour la CNESST ou la SAAQ. Référence au médecin seulement si besoin de médication. Si un antidépresseur est prescrit, l’ajustement pourrait être fait par le pharmacien. Un podiatre peut faire le diagnostic et le traitement de nombreuses conditions dont verrues, ongles incarnés, onychomycose. Si les soins de ces professionnels étaient couverts par la RAMQ, les gens ne consulteraient pas un médecin en première ligne pour ce genre de problème.» – Lise Thériault, médecin de famille Abandonner les tâches administratives inutiles «J’en ai marre de faire des pseudos évaluations d’ergothérapie sur des formulaires de quatre pages. Le patient peut soulever une charge de plus de 10 lb, etc. Vous voyez de quoi je parle. Il y a aussi celui du transport adapté, une perle d’incongruence, quatre pages aussi. Alors, demandons à notre gouvernement de nous épargner le plus possible ces tâches administratives inutiles et demandez donc au demandeur de défrayer le coût pour le travail demandé.» – Philippe de Meyer, médecin de famille Déléguer les problèmes de santé mentale aux psychologues «Quand j’ai débuté ma pratique il y a 38 ans, je voyais un patient déprimé par deux semaines, alors que mes journées sont maintenant remplies à 50 % de suivis et de diagnostics de trouble dépressif majeur ou trouble d’adaptation. Solution suggérée: le gouvernement forme et engage énormément plus de psychologues, travailleurs sociaux et de psychiatres qu’il rémunère à l’acte (ils-elles seront plus productifs ainsi) et qui prennent en charge le suivi de nos patients qui en souffrent. Cela libérerait d’après mon estimé de 30 à 50 % des plages de rendez-vous d’un omnipraticien qui pourrait ainsi prendre en charge beaucoup plus de patient(e)s.» – Jean-Marc Noiseux, médecin de famille Plus d’infirmières en GMF «Même avant la pandémie, la dotation des postes d’infirmières en GMF était déficiente et surtout les remplacements d’absence maladie ou de grossesse ne respectaient aucunement les engagements de la partie gouvernementale dans le cadre des "contrats" GMF. Depuis la pandémie et avec le "délestage", la situation est carrément catastrophique pour les GMF. Il est hyper frustrant d’entendre le Ministère déblatérer sur le dos du manque de "productivité" des médecins de famille et d’exiger le respect intégral des obligations de la part des médecins, entre autres sur les heures d’ouverture, alors que le Ministère ne respecte aucunement sa part du contrat…» – Jean-Pierre Boucher, médecin de famille Élargir encore plus le modèle GMF «On peut aller plus loin que le modèle GMF. Si j’ai une infirmière auxiliaire, elle peut m’aider au sans rendez-vous à aller plus vite, voir plus de patients, en prenant les signes vitaux, en installant le patient qui vient pour une douleur au genou, la patiente qui vient pour perte vaginale… Elle peut m’assister lors de petites chirurgies, faire le pansement, donner les conseils au patient… Ensuite on peut pousser le modèle plus loin, travailler avec des éducateurs spécialisés pour notre lourde et nombreuse clientèle avec des problématiques psychosociales, avec des physios pour tous les problèmes musculo-squelettiques, avec les pharmaciens de façon peut-être plus structurée, bien qu’on travaille déjà pas mal ensemble. Mais on pourrait probablement améliorer la communication au lieu du fax. Ça pourrait être intéressant d’avoir un conseil numérique entre médecins de famille et pharmaciens, un peu comme ce qui existe entre les médecins de famille et les spécialistes.» – Geneviève Caron-Fauconnier, responsable du GMF La Clinique Familiale, à Saint-Georges

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