Adoption de l'entente «Permis sur permis» avec la France : Avantages et inconvénients des systèmes de santé français et québécois

Le 9 juin, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité le projet de loi 3 portant sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre le Québec et la France. Au niveau législatif tout au moins, la porte est maintenant ouverte à la mobilité de la main-d’Œuvre médicale entre les deux États selon le principe du «permis sur permis», ce qui devrait se concrétiser au cours des prochains mois.Originaire de France, l’urologue Thierry Dujardin a exercé dans son pays natal dans un établissement public, puis dans un hôpital privé avant de venir s’installer au Québec, où il a œuvré durant six ans. Ayant goûté aux deux systèmes de santé, le Dr Dujardin connaît maintenant les avantages et les faiblesses de chacun. À quoi doivent s’attendre les médecins intéressés, lui a demandé L’actualité médicale.Choc culturelS’il se fie à sa propre expérience, tant les médecins français que québécois tentés par cette aventure vivront un choc culturel en raison des différences énormes entre les deux systèmes de santé. Ce choc, il l’a éprouvé au cours de sa première année au Québec. Seul l’orgueil l’a empêché de faire ses valises et de repartir outre-mer.«Les attentes de plusieurs mois pour une opération, les reports constants de chirurgies, je ne connaissais pas cela, dit-il. En France, on opérait les patients en moins de quelques semaines et on ne voyait pas d’opérations repoussées à la dernière minute comme ça se voit par dizaines ici.»En s’accrochant et en demeurant au Québec, il a fini par découvrir et apprécier les bons côtés du système québécois. Ici, les médecins n’ont pas à se battre pour développer une clientèle comme ils doivent le faire en France. Les patients viennent d’eux-mêmes aux médecins. Donc, pas de stress, pas d’inquiétudes à savoir si le médecin aura assez de patients pour bien vivre de la médecine. La réponse est oui. À spécialité égale, la rémunération est meilleure ici. Dans sa spécialité, l’urologie, il parle d’une différence d’environ 30 % en faveur du Québec, ce qui est énorme. Cet écart est encore beaucoup plus grand pour les jeunes médecins salariés qui travaillent dans le réseau public français.Autre aspect à prendre en compte, en France, les rapports hiérarchiques sont très différents. Là-bas, le patron en mène large. Le Dr Dujardin a découvert qu’au Québec, les médecins peuvent discuter, apporter leur point de vue. Le patron n’est pas le supérieur tout-puissant qui règne sur son équipe. C’est l’un des aspects qui l’inquiète le plus à l’idée de retourner exercer en France. Pourra-t-il se faire à nouveau à cette ligne d’autorité?Le médecin québécois qui ira s’installer en France devra composer avec cette réalité. Il devra aussi bâtir sa clientèle de patients, alors que toute publicité est interdite aux médecins, précise leDr Dujardin. La rémunération sera inférieure à celle du Québec. Il devra s’y faire. En contrepartie, la France n’a ni PREM ni permis restrictifs. Le médecin québécois pourra s’établir là où il le veut puisque la France est un libre marché. Sera-t-il tenté par la côte méditerranéenne? Ce n’est peut-être pas la bonne décision. Des milliers de médecins français y sont déjà installés, quitte à faire moins d’argent, dit le Dr Dujardin. Les médecins québécois se retrouveraient dans une zone hautement concurrentielle.«La France a assisté à une désertification de certaines de ses régions en médecins au profit de la côte et des villes. Les médecins québécois auraient sans doute plus de facilité à se bâtir une clientèle dans ces régions», conseille-t-il.La France autorise la pratique mixte, à la fois dans le public et le privé, ce qu‘interdit toujours le système de santé québécois. L’expérience serait donc nouvelle pour des médecins d’ici. Mais ils peuvent s’attendre à travailler davantage pour se faire de bons revenus, parfois jusqu’à 12 heures par jour, dit encore le Dr Dujardin. À l’avantage de la France, les délais d’attente sont courts et les chirurgies ne sont pas reportées à la dernière minute à cause de la non-disponibilité du bloc opératoire ou parce qu’il manque des infirmières, comme on le voit ici. Sur le plan de la technologie médicale, la France est parfois aussi très en avance par rapport au Québec dans certains secteurs.Bref, on le voit, chacun des deux systèmes a ses forces et ses faiblesses. Le Dr Dujardin pense que la mobilité pourra séduire les médecins québécois et français pour l’expérience à acquérir sans qu’ils se fixent à tout jamais dans leur terre d’accueil. Certains feront un temps, pense-t-il, puis ils repartiront après avoir goûté à l’aventure outre-Atlantique. Lui-même retournera bientôt en France mais se garde une porte ouverte pour revenir au Québec. Comme quoi le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas.

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