Action collective contre 49 pharmacies: la poursuite n’entend pas abandonner

Le 1er juin dernier, la Cour supérieure du Québec a statué notamment sur la date de fermeture de la période d’admissibilité si le recours judiciaire continue d’aller de l’avant. Ainsi, les clients bénéficiant d’une assurance privée ou d’un régime d’avantages sociaux et qui ont acheté des médicaments sur ordonnance dans l’une de ces pharmacies, entre le 25 octobre 2013 et le 29 mars 2021, pourraient être admissibles à participer à l’action collective. La Cour supérieure a également tranché que l’avis de l’action collective n’aura pas à être affiché dans les établissements visés. Cette affaire met en jeu beaucoup d’argent. L’avocat de la poursuite, Me Gilles Gareau, estime que s’ils sont déclarés coupables par les tribunaux, chaque établissement concerné pourrait devoir débourser jusqu’à un million de dollars en remboursements et en dommages et intérêts à leur clientèle lésée. En septembre 2020, les défenderesses avaient demandé à la Cour suprême du Canada de mettre un frein à l’action collective, mais le plus haut tribunal du pays a refusé d’entendre l’appel qu’elles interjetaient. Les faits reprochés aux pharmaciens propriétaires L’homme qui a intenté cette action collective – mais qui est décédé depuis –, Bernard Côté, reprochait trois choses aux pharmaciens propriétaires: - Avoir facturé des frais d’exécution et de renouvellement pour chaque médicament sur ordonnance vendu, et ne pas avoir déclaré ni divulgué ces frais dans les factures émises. - Avoir facturé des frais disproportionnés, déraisonnables et inéquitables en comparaison à ceux facturés aux consommateurs couverts par le régime public d’assurance médicaments (RPAM) pour la même ordonnance et le même acte professionnel. - Avoir facturé ces frais en double et/ou en triple lors de renouvellements de deux à trois mois, par rapport à ceux facturés aux consommateurs couverts par le RPAM pour la même ordonnance et le même acte professionnel, même si le service est identique. Bernard Côté avait réclamé que les pharmacies visées par l’action collective soient condamnées à lui rembourser, ainsi qu’à chaque client admissible, les frais payés qui dépassent ceux prévus dans le RPAM pour le même geste, ainsi qu’une somme de 25,00$ à titre de dommages-intérêts punitifs. Bernard Côté demandait aussi que les pharmacies visées remboursent à leurs compagnies d’assurance respective le même pourcentage des frais payés par ces dernières. Après le décès de Bernard Côté, c’est son épouse qui a pris sa relève. Modification de la date de fermeture Lors du dépôt de l’action collective, le groupe visé représentait «toutes les personnes au Québec qui, depuis le 25 octobre 2013 jusqu’au jugement final, bénéficiaient d’une assurance médicaments privée ou d’un régime d’avantages sociaux et qui ont acheté des médicaments sur ordonnance dans une des pharmacies défenderesses». Le 21 mars 2020, les défenderesses ont déposé une demande en modification du groupe pour inclure une date de fermeture, soit le 31 octobre 2018. Elles ont cependant échoué à convaincre la Cour supérieure de choisir cette date. «Vu les fautes reprochées aux défenderesses à la base de l’action collective, sauf peut-être celle de ne pas être transparentes dans leur facturation, puisque la Loi sur l’assurance médicaments impose depuis septembre 2017 une ventilation des honoraires et du prix des médicaments, le dénominateur commun quant à l’ensemble des autres fautes reprochées dans l’action collective demeure similaire pendant la période s’étendant jusqu’au 29 mars 2021», a statué la juge Marie-Claude Armstrong. La poursuite couvrira donc la période allant du 25 octobre 2013 au 29 mars 2021, soit près de six ans. Affichage de l’avis En septembre 2020, l’épouse de Bernard Côté a déposé une demande pour que l’avis de l’action collective puisse être affiché dans les pharmacies visées. Les défenderesses ont contesté cette demande. Selon elles, leur imposer de communiquer un message à leurs clients enfreint leur liberté d’expression et les empêche de jouir librement de leurs établissements. Sur ce point, la Cour supérieure leur a donné raison. La juge Marie-Claude Armstrong a estimé que l’affichage en pharmacie était en effet susceptible de causer des situations non souhaitables avec les clients. «Sans généraliser, a-t-elle évalué, il est à prévoir que ceux-ci voudront s’adresser au personnel pour obtenir des informations ou des précisions concernant l’action collective. Or, ce rôle d’informateur ne revient pas aux employés des défenderesses.» L’envoi postal et l’envoi par courriel des détails de l’action collective à l’ensemble des clients admissibles ont aussi semblé inappropriés à la juge Armstrong. La juge a plutôt autorisé la diffusion de l’avis sur le site Internet de la Cour supérieure du Québec, sur le site Internet de l’avocat de la poursuite pour une durée de 90 jours, ainsi que dans deux journaux. Étirement des procédures L’avocat de la poursuite voit dans les démarches des défenderesses une manœuvre pour étirer la cause, épuiser sa cliente et l’amener à abandonner le recours judiciaire qu’elle intente. Me Gareau n’a toutefois pas l’intention de lancer la serviette. Il s’est adjoint de jeunes avocats pour prendre le relais si nécessaire, a-t-il indiqué à Professionsante.ca, et se dit prêt à aller jusqu’au bout. Me Gareau estime que le procès pourrait avoir lieu dans un an ou deux et le juge aurait alors six mois pour rendre sa décision. En cas de désaccord avec le jugement, les défenderesses pourraient être tentées de le contester devant la Cour d’appel et, advenant un échec, s’adresser de nouveau à la Cour suprême. Pour mettre un terme à cette longue saga judiciaire, Me Gareau préférerait parvenir à un accord plutôt que poursuivre des procédures judiciaires qui s’éternisent. Il souligne que les défenderesses, représentées par des gros bureaux d’avocats (McCarthy Tétrault, Fasken Martineau, Blake Cassels et Graydon, Legault Joly Thiffault), vont payer des sommes astronomiques en honoraires et qu’elles auraient intérêt financièrement à négocier et à s’entendre avec la poursuite. Pour l’instant, les parties ne discutent pas d’un arrangement possible et la cause se poursuit devant les tribunaux.

Action collective contre 49 pharmacies: la poursuite n’entend pas abandonner

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes