Abus et fraudes: tiers payeurs et professionnels de la santé appelés à collaborer

De 2 à 10 % de toutes les dépenses de soins de santé au Canada se font de façon frauduleuse, selon l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. Les assureurs perdent ainsi chaque année entre 1 et 5 milliards $, sur un total évalué à près de 50 milliards en dépenses de santé dans le secteur privé (excluant celles du secteur public). « Mais on peut agir dès à présent pour corriger la situation », indique à Profession Santé Daniel Tourangeau, comptable professionnel agréé, spécialisé en juricomptabilité*.Daniel Tourangeau a traité de la lutte aux fraudes dans les soins de santé lors de la Conférence annuelle de TELUS Santé, organisée le 11 avril à Montréal. Fraudes et abus dans les régimes privés d’assurance maladie collectifs se produisent habituellement de l’une des trois façons suivantes, précise-t-il : fraude par un adhérent; fraude par un fournisseur de produits ou services; collusion entre un fournisseur de produits ou services et un ou des adhérents.Parmi les exemples les plus fréquents, le comptable mentionne, chez l’adhérent au régime, l’achat d’opioïdes aux fins de revente, ou « magasinage » de médecins pour obtenir des ordonnances. Il peut s’agir aussi de soumettre des demandes falsifiées (faux reçus/prescriptions). Du côté des fournisseurs, la soumission de fausses réclamations et, pour les paramédicaux, la facturation de services non rendus, ou encore, la collusion.« Frauder, c’est un état d’esprit. Tout fraudeur va chercher le maillon faible du système. L’adhérent qui se fait prendre va souvent se défendre en passant à l’attaque, en se plaignant par exemple de la qualité des services », poursuit Daniel Tourangeau.Quels sont les impacts des fraudes ? Daniel Tourangeau mentionne la hausse des primes payées par les adhérents et par l’employeur (avantage imposable au Québec). Il évoque aussi une diminution de la qualité des primes.Pas besoin cependant d’instaurer une bureaucratie complexe pour empêcher une minorité de fraudeurs de commettre leurs actes, indique-t-il. « La technologie fait partie de la solution pour améliorer la détection des problèmes. » L’adjudication automatisée (portail électronique des assureurs) contribue-t-elle à la prévention des fraudes ? D’un côté, on pourrait penser que non, répond-il, dans la mesure où la création rapide d’un grand nombre de réclamations et un remboursement rapide peuvent donner l’impression de faciliter la fraude. De l’autre, les moyens de traquer la tromperie sur ces portails aussi nombreux. « Ces techniques se sont grandement améliorées dans les 10 dernières années », indique Daniel Tourangeau.Tiers payeursEn matière de prévention des fraudes, l’encadrement des professionnels de la santé est déjà solide. La loi fédérale et les règlements régissent certaines drogues et autres substances, dont les stupéfiants. Ils précisent les rôles et responsabilités, des médecins, pharmaciens et patients, incluant spécifiquement le risque de « magasinage » de médecins. Le Collège des médecins et l’Ordre des pharmaciens du Québec ont déjà mis en place leurs propres lignes directrices en matière de prescription et de dispense de ces médicaments ainsi que leurs propres approches quant à la gestion de la fraude. On recommande fortement aux médecins d’être très vigilants avec leur carnet d’ordonnances, qui pourrait être volé.La collaboration entre les praticiens et les tiers payeurs (assureurs privés, régime public) constitue un outil important pour contrer la fraude, souligne Daniel Tourangeau. Les tiers payeurs, par exemple, ont accès à de l’information en lien avec le « magasinage » d’opioïdes. Une information pas nécessairement disponible pour les médecins prescripteurs. Ces tiers payeurs peuvent détecter des activités que peuvent mener des patients contrevenant à la loi fédérale qui régit ces médicaments. « En travaillant de concert, médecins, pharmaciens et tiers payeurs peuvent contrer ce phénomène dangereux pour la santé, qui crée un marché noir de revente non souhaitable. Cela a pour effet d’augmenter les coûts des régimes d’assurances privés et publics. »* Associé chez LBC Meaden & Moore International, Daniel Tourangeau porte les titres américains de Certified Fraud Examiner et de Certified in Financial Forensics.

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