Abitibi-Témiscamingue - Des résidents aident une région à se choisir un DME

Habitués à utiliser tablettes, ordinateurs, téléphones intelligents, Internet et autres médias sociaux au quotidien, les médecins de demain voudraient aussi y avoir accès le plus tôt possible dans leur pratique. Pas étonnant que certains d’entre eux aient décidé de mettre la main à la pâte pour accélérer le processus. Comme ces quatre résidents en médecine familiale de l’UMF Horizon de Rouyn-Noranda qui ont réalisé une étude de terrain pour aider les cliniciens et les décideurs d’Abitibi-Témiscamingue dans leur choix d’un dossier médical électronique (DME) commun.«L’informatique fait partie de notre vie de tous les jours. Il nous semble donc très pertinent qu’elle s’intègre non seulement dans notre vie personnelle et sociale, mais aussi dans la sphère professionnelle », a indiqué la Dre Marie-Pier Lemieux, R2 en médecine familiale, au moment de l’étude. Elle est aujourd’hui médecin à l’UMF Horizon.Sous la direction du Dr Antoine Boivin, les Drs Marie-Pier Lemieux, Sophie Guertin, Abdelaziz Balha et Natalia Smirnova ont choisi d’étudier l’impact que pouvait avoir une participation active des cliniciens et des gestionnaires dans le choix d’un DME. « On voulait déterminer un processus efficace pour prendre une décision globale par rapport à ce que serait un bon dossier médical électronique et, par conséquent, faire avancer l’informatisation en première ligne », précise la Dre Lemieux.Et cela a fonctionné puisqu’à la suite de la présentation des résultats de l’étude, qui faisaient ressortir un logiciel « très nettement », la table des chefs des GMF de l’Abitibi‐Témiscamingue a rapidement adopté, pour toute la région, le DME mis de l’avant lors de ce processus.Une deuxième présentation des deux logiciels favoris a permis de confirmer la tendance, et c’est à l’unanimité que la décision finale a été prise.Étude avec impact régional« On a montré qu’on peut réconcilier les besoins des décideurs avec les besoins des utilisateurs sur le terrain », précise le Dr Boivin, persuadé que la méthode utilisée ici pourrait être appliquée dans d’autres régions.Pour lui, obtenir un consensus régional n’était pas gagné d’avance. Certains médecins s’étaient « faits vendre » un logiciel précis, des GMF avaient déjà commencé à investir dans une solution ou une autre... Bref, alors que la table de concertation semblait divisée au départ, à la suite de ce processus, la décision finale a été prise à l’unanimité, et en quelques minutes ! « En impliquant dans le processus des personnes de terrain, il est possible d’avoir une cohérence régionale et de s’entendre sur des directions communes », souligne le Dr Boivin.Ce projet est aussi la preuve que les agences ont un rôle important de facilitation et de coordination à jouer dans le domaine de l’informatisation. « De juin 2011 à mai 2012, la Direction des affaires médicales, la Direction de la santé publique et le technocentre ont collaboré de façon étroite avec l’UMF et le DRMG à l’élaboration du projet, à l’organisation du colloque, au suivi avec les fournisseurs et à l’établissement du lien avec les cliniciens et les gestionnaires de la région », précise t-il.Outre les quelques données-surprises mises de l’avant au cours de l’étude, notamment le fait que l’arrivée d’un DME inquiète considérablement les secrétaires – celles-ci ont peur de perdre leur travail –, l’analyse des résidents a, de son côté, permis d’accélérer considérablement le processus décisionnel.De plus, selon les résultats obtenus, il a été prouvé que l’implication des cliniciens, des gestionnaires et des secrétaires tend à faciliter le processus d’implantation.Tous pour un, un pour tousLe fait d’avoir un DME pour toute la région sera indéniablement un plus, selon le Dr Boivin. « Dans une petite région, avoir une seule interface pour instaurer la même stratégie d’implantation pour tous, c’est important. » En mettant en commun leurs ressources, les différents GMF ont ainsi pu engager un technicien en informatique.Obtenir un consensus avec les cliniciens permet aussi de leur faire signer un contrat dans lequel ils s’engagent à utiliser le logiciel choisi et, par le fait même, à mettre en commun le financement destiné, par la FMOQ, à chaque médecin pour l’acquisition d’un DME. « Cela permettra d’avoir un pool régional pour financer la stratégie d’implantation, la numérisation des dossiers, la formation du personnel, etc. », déclare le Dr Boivin.De son côté, le Dr Jean Yves Boutet, président de la Table de concertation régionale et chef du Département régional de médecine générale, est persuadé qu’avec une telle décision « on vient de s’épargner bien des maux de tête pour les prochaines années ».Les médecins de la région pourront entre autres plus facilement partager leurs bons coups. « Si un médecin a créé un logiciel ou une feuille de suivis avec des raccourcis- clavier pour les patients vulnérables et les cas de cancer, ou encore pour le suivi des maladies chroniques, on pourra tous en profiter », assure-t-il.Avec le même logiciel, pas besoin en effet d’avoir à créer des interfaces pour rendre les deux systèmes aptes à échanger entre eux. Et puis, cela permettra d’uniformiser les façons de travailler au niveau régional.Lire la suite du dossier «Les résidents en médecine un moteur de changement»Principaux résultats de l’étude« Choix et implantation d’un dossier médical électronique en première ligne : démarche participative intégrant cliniciens et décideurs »Les besoins prioritaires de la région touchent la gestion des laboratoires et des médicaments, par opposition aux utilisations de recherche et de soutien à la décision clinique.Le personnel administratif craint les répercussions d’un DME sur son emploi.Le logiciel priorisé se démarque par sa convivialité et sa facilité d’utilisation.Les participants étaient plus favorables à l’utilisation d’un DME à la fin du colloque.MéthodologieAyant peu de temps à consacrer à leur projet d’étude (1/2 journée par mois), les Drs Marie-Pier Lemieux, Sophie Guertin, Abdelaziz Balha et Natalia Smirnova ont organisé un colloque d’informatisation pour collecter leurs données.Après consultation avec les membres de différents GMF et ceux de la table régionale de concertation de leur région, ils ont déterminé trois objectifs pour leur étude :clarifier les besoins, les obstacles et les pistes de solution au niveau local quant à l’utilisation d’un DME en première ligne;comparer la perception des futurs utilisateurs face aux différents logiciels disponibles; déterminer l’impact de la participation des cliniciens et des décideurs au choix d’un DME.Les cinq fournisseurs de DME homologué au Québec ont été invités à venir présenter leur solution à une cinquantaine de cliniciens, gestionnaires et membres du personnel administratif, lors d’une journée organisée pour l’occasion. « On a créé une feuille sommaire d’un patient comme cas clinique et on leur a demandé de mettre cela dans leur logiciel pour nous montrer comment ils l’utilisaient et ce que ça donnait », indique la Dre Lemieux.Une façon de procéder un peu différente de ce à quoi sont habitués les fournisseurs puisqu’il ne s’agissait pas seulement de mettre de l’avant les points forts de leur solution informatique. « Au cours du colloque, les participants ont pu évaluer les logiciels selon les mêmes critères », souligne le Dr Boivin.Quant aux résidents, ils ont aussi organisé des groupes de discussion pour interroger les participants sur leurs besoins et leurs réactions face aux solutions qui venaient de leur être présentées.« Contrairement à d’autres projets pour le recrutement, les gens étaient super intéressés, si bien que, globalement, on n’a pas eu de grosses embûches », précise la Dre Sophie Guertin.Des retombées immédiatesÉvidemment, les résidents ont été ravis de l’impact de leur projet au niveau régional. Le Dr Jean-Yves Boutet, président de la Table de concertation régionale et chef du Département régional de médecine générale, s’est dit impressionné par leur travail : « Ils ont fait une bonne recherche de la littérature médicale, mais aussi un bon travail d’analyse par la suite. Quand ils ont fait remplir les grilles d’évaluation des participants au colloque, ils avaient des critères d’évaluation précis, et le choix a pu se faire de façon très objective. »Le Dr Boutet est également fier que sa région ait été la première à avoir bénéficié de l’idée d’évaluer les cinq DME en même temps, avec les gestionnaires ainsi qu’avec le personnel médical et administratif. « Pour diminuer les résistances, il est vraiment important d’impliquer tout le monde. On l’a vu avec les réactions du personnel administratif. Or, c’était la première fois que ce dernier était impliqué au niveau d’une région », souligne-t-il.

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