Abandonner la pratique en première ligne? Un omnipraticien sur deux y pense

Tenu de la mi-février à la mi-mars, le sondage a été envoyé à tous les membres du syndicat professionnel dans une infolettre datée du 18 février. Au total, un peu plus de 1800 médecins pratiquant en première ligne ont rempli le sondage organisé par le Comité sur le bien-être des médecins de famille et le Comité sur les difficultés vécues en première ligne de la FMOQ. La Dre Sophie Carrière, membre du Comité sur les difficultés vécues en première ligne, en a fait la présentation lors du congrès Ensemble pour se renouveler. ProfessionSanté.ca a pu obtenir cette présentation qui comporte une trentaine de diapositives. Selon celles-ci, 47% des répondants, soit environ 850 médecins, songent à abandonner la pratique de la première ligne à défaut d’une amélioration du climat de pratique actuel. Parmi eux, 27% comptent quitter leur poste dans les deux prochaines années, et 25% d’ici deux à cinq ans. «Ces données ne sont pas surprenantes. Cela me confirme ce que je vois sur les réseaux sociaux et ce que je ressens chez mes collègues proches», affirme la Dre Carrière dans une entrevue accordée à ProfessionSanté.ca. Précisons toutefois que les médecins plus âgés ont répondu en grand nombre au sondage. En effet, près de 30% des répondants ont plus de 30 ans de pratique, alors que seulement 14% sont âgés de moins de 35 ans. Cette surreprésentation des médecins expérimentés n’explique toutefois pas à elle seule l'important taux de médecin voulant abandonner la pratique en première ligne, poursuit l’omnipraticienne au GMF La Cigogne, à Greenfield Park. Plusieurs irritants Le sondage a proposé une liste de 26 irritants, que les répondants devaient coter sur une échelle de 1 à 10, selon laquelle le chiffre «10» représente le niveau d'irritation le plus élevé. Parmi les cinq plus importants irritants, trois sont en lien avec les médecins spécialistes. D’abord, les rapports illisibles des spécialistes sont l’irritant le plus important (8,5 sur 10). Comme solutions, dans la partie des réponses détaillées du sondage, des médecins de famille ont proposé d’obliger les spécialistes à fournir un rapport lisible ou une transcription informatisée de leur consultation. Ensuite, un deuxième irritant est la procédure laborieuse du Centre de répartition des demandes de services (CRDS) (8,15 sur 10). Des médecins ont suggéré d’augmenter l’autonomie des agentes administratives du CRDS pour réorienter une demande de consultation au bon spécialiste et coordonner le transfert des patients d’un médecin spécialiste à un autre sans l’intervention du médecin de famille. Finalement, le manque de suivi des spécialistes représente un autre irritant pour les médecins de famille (7,99 sur 10). Plusieurs omnipraticiens prônent la prise en charge partagée ou le suivi de la condition pour laquelle le spécialiste est demandé jusqu’à sa stabilisation. Des sondés estiment qu’il faut éliminer les requêtes de «nouvelle demande de consultation» lorsque le spécialiste suit déjà le patient. Parmi les autres irritants, la lourdeur administrative arrive haut dans la liste. Selon certains, il faudrait notamment diminuer la quantité de formulaires, uniformiser les formulaires chez toutes les compagnies et cesser l’exigence d’une prescription pour un soin couvert par l’assureur. D’autres estiment qu’il faut cesser de demander un billet médical pour un arrêt de travail de moins d’une semaine et réviser la pertinence de remplir les formulaires de Rx d’exception. L’embauche d’assistants médicaux et de scribes médicaux pour aider à remplir les requêtes et les formulaires, entre autres, a également été proposée. «Si on ne s’attaque pas à ces difficultés, le nombre de médecins de famille va dégringoler. Il va falloir que le gouvernement se réveille et qu’il change drastiquement la façon de pratiquer en première ligne», affirme la Dre Sophie Carrière. Des solutions pour la retraite, les PREM et la techno Pas moins de 845 répondants ont partagé leurs solutions aux irritants dans la partie des réponses détaillées du sondage. Concernant la retraite progressive, des médecins ont proposé de permettre le travail alléger et de réduire la pratique à 750 patients. Selon eux, les médecins en fin de carrière peuvent être utiles à d’autres tâches, notamment en faisant du mentorat. En ce qui concerne les Plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM), des médecins ont proposé de dépolitiser l’attribution de ceux-ci et de réviser la méthode de calcul de la répartition des effectifs médicaux. Selon certains, il faut tenir compte des départs à la retraite pour l’attribution des PREM. De plus, l'une de leurs suggestions est d’assouplir la règle des 55% si le médecin pratique dans deux réseaux locaux de service (RLS). Pour ce qui est de l’amélioration de la technologie, des répondants ont proposé de bonifier le DSQ en y intégrant notamment des sommaires d’hospitalisation, des notes d’évaluation des spécialistes, des consultations à l’urgence et des requêtes d’imagerie. D’autres ont mentionné qu’il faudrait uniformiser le DME pour qu’il soit facilement interopérable. Confiance en l’avenir Selon la Dre Carrière, ce sondage visait principalement à faire part à la FMOQ des irritants majeurs des médecins et les solutions à envisager. En ayant en main ce document, la «FMOQ sait ce qu’elle a à faire pour améliorer les conditions de pratique en première ligne», affirme-t-elle. Ce sondage, dont les résultats sont alarmants pour la population, pourrait également aider la FMOQ lors de négociations avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, avance la médecin de famille. Malgré ce sondage, celle-ci a confiance que la situation en médecine familiale va s’améliorer. «Avec la nouvelle entente, je pense que le gouvernement réalise qu’il ne doit pas mettre tout le fardeau des soins de première ligne sur les épaules des médecins de famille, mais qu’il a besoin de plusieurs professionnels pour permettre une accessibilité qui a du bon sens.»

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