À quand une loi québécoise interdisant de fumer dans un véhicule en présence d’enfants?

Une nouvelle étude1 de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), mise en ligne le 22 septembre, conclut que « les écrits scientifiques et les résultats d’études québécoises suggèrent qu’une loi interdisant de fumer dans un véhicule privé en présence d’enfants obtiendrait fort probablement le soutien de la population québécoise et permettrait de mieux protéger les jeunes les plus exposés à la fumée de tabac ».Les chercheurs soulignent que « les décideurs devraient toutefois s’assurer de tenir compte des enjeux éthiques [respect de la vie privée, autonomie, liberté individuelle, etc.] et des difficultés potentielles d’application pour que cette mesure législative rallie l’ensemble de la population québécoise autour d’une valeur qui fait consensus : la santé des jeunes ».Cette nouvelle publication arrive dans le contexte d’une éventuelle révision de la Loi sur le tabac, dont la dernière révision date de 2005, soit à l’époque où le premier ministre Philippe Couillard occupait les fonctions de ministre de la Santé et des Services sociaux.« En 2012, l’INSPQ a reçu le mandat du ministère de la Santé et des Services sociaux de réaliser une étude sur l’acceptabilité sociale et les conditions d’implantation réussie de l’interdiction de fumer dans les voitures en présence d’enfants », a précisé à Profession Santé Annie Montreuil, une des auteurs de l’étude et chercheuse à l’INSPQ.Dans leur étude, les chercheurs font remarquer que « neuf provinces et un territoire canadiens ont adopté une loi interdisant de fumer dans les véhicules privés en présence d’enfants ».Ils mentionnent également qu’« au Québec, plusieurs organismes de santé et de lutte contre le tabagisme sont en faveur de l’adoption d’une loi similaire : l’Association pour les droits des non-fumeurs, l’Association pulmonaire du Québec, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, la direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, l’INSPQ, et le Réseau du sport étudiant du Québec ».Une loi pour protéger les enfantsLa Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui représente quelque 470 organisations québécoises (associations médicales, ordres professionnels, municipalités, hôpitaux, écoles, etc.) qui appuient une série de mesures pour réduire le tabagisme et ses conséquences, considère que le Québec devrait cesser de faire cavalier seul en cette matière.« Il s’agit de la protection de la jeunesse, affirme Dre Geneviève Bois, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. On légifère souvent quand ça concerne la sécurité des jeunes dans les voitures pour les protéger, par exemple le type de siège pour les bébés, mais pas pour s’immiscer dans la sphère privée des gens. On considère que les enfants de moins de 18 ans ne peuvent pas toujours demander d’eux-mêmes ce qui est sécuritaire pour eux. »Elle fait remarquer que l’étude de l’INSPQ conclut à une « très belle acceptabilité sociale ».Elle souligne aussi que des données d’un sondage publié dans l’étude de l’INSPQ démontre « l’impact concret » qu’aurait une telle mesure législative.« Les fumeurs qui pensaient qu’il y a une loi en vigueur au Québec ont été environ trois fois moins nombreux à fumer dans les voitures en présence d’enfants que les fumeurs qui pensaient qu’il n’y avait pas de loi en vigueur au Québec [12 % versus 33 %]. De toute évidence, s’il y avait une loi, il y aurait un changement de comportement. »Cependant, la Dre Bois déplore le manque de volonté politique pour réviser la Loi sur le tabac, dont la publication du Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010 date de quatre ans (septembre 2010). « C’est très dommage de voir que la prévention n’est jamais la priorité et qu’elle est toujours repoussée. »Motus et bouche cousue sur un échéancierEn décembre 2013, la Commission de la santé et les services sociaux de l’Assemblée nationale du Québec, qui avait le mandat d’examiner le Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010 comme le prévoyait la Loi sur le tabac, a recommandé au gouvernement Marois de réviser cette loi, notamment avec comme objectif « que la protection de la santé des enfants et des jeunes à l’exposition à la fumée soit améliorée ».C’est la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, Lucie Charlebois, qui a hérité du dossier de la lutte contre le tabagisme dans le nouveau gouvernement Couillard.« Elle a mentionné à quelques reprises, dans les derniers mois, son intention de procéder à la révision de la Loi sur le tabac, a indiqué sa directrice de cabinet, Natacha Joncas Boudreau.Cette dernière a précisé que des travaux préalables à la révision de cette loi ont déjà été amorcés. Elle n’a pas voulu en dire davantage sur la nature des travaux en cours ni sur leur échéancier. « Elle souhaite procéder assez rapidement. Elle priorisera la protection des enfants et des non-fumeurs. »Elle rapporte que la ministre Charlebois a pris connaissance de la nouvelle publication de l’INSPQ.Référence 1. Montreuil A, Tremblay M, Cantinotti M et coll. Fumer dans la voiture en présence d’enfants : comportements de fumeurs québécois et croyances au sujet d’une éventuelle loi. Institut national de santé publique du Québec, 2014, 24 p, [en ligne]. [http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1884_Fumer_Voiture_Enfants.pdf ].

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